Sortie au cinéma le 4 octobre prochain du documentaire de Claire Simon intitulé « Notre corps ». Un parcours de désirs, de peurs, de luttes et d’histoires uniques que chaque femme est seule à éprouver. D’autant plus qu’un jour, la cinéaste a dû à son tour passer de l’autre côté de la caméra en plein tournage.
IVG, endométriose, PMA, maternité, transition de genre, cancer… la cinéaste Claire Simon plante le décor dans le service d’un hôpital parisien, un service majoritairement féminin où se croisent les destins de femmes. « Même si je crois que c’est très clair, je tiens vraiment à préciser que ce n’est pas un film sur l’hôpital mais sur les patientes, et sur leurs corps. Il me semble que cela inverse le rapport habituel, où l’on se concentre plus sur l’institution. Lors de la découverte des rushes, même si les soignants ne sont pas niés – ce n’était en rien l’intention – ce fut un bonheur de constater que le film est tout le temps du côté des patientes » rappelle Claire Simon lors d’un entretien donné à Arnaud Hée en janvier 2023.

« Filmer le corps des femmes dans leur beauté, leur matérialité, leur singularité… »
Et de poursuivre : « ce n’est pas facile de filmer le corps à l’hôpital, parce qu’il est largement caché lors des opérations, des accouchements. Je voulais donc y aller franchement en matière de représentation : des seins, des actes de palpations de chair, des ventres, des peaux. Il s’agissait presque de se mettre du côté de la sculpture. Mais je n’ai pas l’impression de l’avoir fait brutalement, mais, au contraire, avec le plus d’amour possible. Si le corps féminin est caché, la douleur est presque introuvable. J’ai eu l’impression de la traquer.«
« Ce qui m’a beaucoup frappé, c’est que le corps est une sorte de chaos, et lors de toute opération – au bistouris, en coelioscopie, au robot – les médecins font de l’anatomie, ils ne cessent de nommer, c’est fascinant. J’avais toujours l’impression d’être en présence des Lumières ! »

Lors de l’annonce de « son » cancer », en plein tournage, la cinéaste a été « débordée ». « Je crois que cela se voit ! J’ai entendu ce que je ne voulais pas entendre, ce qui m’attendait et que je ne voulais pas admettre. C’est le moment où je rejoins complètement, par la maladie, la communauté que je suis en train de filmer. J’en étais déjà membre en tant que femme, mais là je partage un destin de patiente. C’est pourquoi il m’a semblé essentiel d’être filmée nue, comme j’ai pu le faire pour d’autres. C’est aussi une façon d’éviter la position de surplomb que je peux m’octroyer comme cinéaste. Il est important de voir les autres, le fait de ne pas être une femme toute seule face aux questions de son corps, de sa confrontation avec les médecins, avec l’institution hospitalière, mais de savoir qu’il y en a d’autres, qu’il existe une communauté, qu’elle est grande, forte« .
Et de conclure : « Je ne voudrais pas que l’on considère que le film donne une idée de ce qui constitue une existence féminine : il s’agit du passage par l’hôpital, que je ne confonds pas avec la vie dans son ensemble. Contrairement aux pathologies générales, quand on se casse une jambe ou quand on a un cancer comme celui du poumon, tous les maux ici impliquent l’amour, le désir, la vie sexuelle, les sentiments, l’image de soi. C’est-à-dire des effets profonds, durables, quand ils ne sont pas définitifs.«
« Tous les maux ici impliquent l’amour, le désir, la vie sexuelle, les sentiments, l’image de soi »
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• Notre corps, documentaire de Claire Simon, 168 minutes, au cinéma le 3 octobre 2023. Dulac Distribution.
Crédits photos @Dulac Distribution.