La femme assise devant moi se tait. Immobile, tassée, de côté sur sa chaise, je ne perçois que ses épaules, légèrement de profil, et une partie de son visage. Le silence s’étire entre chacune de mes interventions. « Bonjour Mme Coral. Êtes-vous bien installée dans votre chambre ? » Je prends soin de lui laisser du temps. « Si vous avez besoin d’affaires personnelles ou de toilette, n’hésitez pas à nous le dire, nous pouvons faire un saut chez vous et vous ramener ce dont vous avez besoin. » Ne pas la presser. J’écoute ce silence qu’elle dépose entre nous. Y a-t-il de l’hostilité ? De la tristesse ? De l’abattement ? Du désarroi ? Ou cherche-t-elle simplement ses mots ? « Comment vous sentez-vous ? » Je ne parviens pas à retenir son regard. Il glisse sur moi en un coup d’œil furtif. Pour vérifier que je suis encore là ? Pour me prendre à témoin de sa souffrance ? Je la regarde patiemment.
Elle est jeune, grande. Un corps bien char- penté, un visage régulier, le nez droit, les pommettes hautes et rondes. Une « beauté classique ». Son linge sent bon la lessive fraîche, même après quinze jours d’hos- pitalisation. Son pyjama froissé est d’un tissu de qualité, doux et chaud aux motifs délicats. Peut-être du pilou. Il enveloppe son grand corps de femme, et lui donne un petit air de doudou d’enfant. Qu’est-ce qui se passe chez cette jeune mère de deux jeunes garçons ? Ou plutôt, qu’est-ce qui ne passe pas, au point qu’elle agisse si régulièrement des tentatives d’autolyse par ingestion massive de médicaments. Ces mêmes médicaments qui lui sont prescrits pour l’aider à dormir et se détendre.
Pour poursuivre votre lecture
Connectez-vous à votre compte si vous êtes déjà client.