Santé mentale : efficacité et usages des outils numériques

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La Caisse nationale de l’Assurance maladie (Cnam) dans une analyse de la littérature scientifique internationale souligne que l’intérêt des outils numériques dans le domaine de la santé mentale en soins primaires « semble pour l’instant moins se justifier d’un point de vue thérapeutique qu’organisationnel« .

En introduction de ce travail de recherche, la Cnam rappelle que la crise sanitaire liée à l’épidémie de Covid-19 « a eu un impact important sur la santé mentale, exacerbant des problématiques de prise en charge en perturbant l’accès au soutien traditionnel et en confrontant les offreurs de soins à une demande croissante de soins en santé mentale ». Dans ce contexte, poursuit-elle, « les systèmes de santé portent un intérêt croissant aux outils numériques dans le champ de la santé mentale. Ces logiciels et applications* forment en effet un vaste ensemble d’outils susceptibles de répondre à certains enjeux de prise en charge en soins primaires. Certains pays ont d’ailleurs engagé le déploiement voire le financement de tels outils« .

« Développer l’usage du numérique en santé mentale fait partie des mesures annoncées aux Assises de la Santé Mentale 2021 (Mesure 30) avec pour objectif d’encourager la diffusion et l’appropriation des outils numériques par les patients, les professionnels de santé ainsi que les acteurs économiques. La prise en compte des capacités des publics concernés est présentée comme centrale pour prévenir les risques de fracture numérique« .

En France, plus de huit millions d’assurés couverts par l’Assurance Maladie sont concernés par une pathologie ou un traitement chronique en lien avec la santé mentale en 2021, soit près de 12% de la population. La santé mentale, si l’on regroupe les maladies psychiatriques et les traitements chroniques par psychotropes, représente 23,3 milliards d’euros, soit près de 14% de l’ensemble des dépenses remboursées par l’Assurance Maladie. En 2020, les traitements antidépresseurs et anxiolytiques représentent à eux seuls millions d’euros pour la population hors
pathologies et leur consommation est en augmentation. Par ailleurs, les troubles de santé mentale, surtout lorsqu’ils sont sévères, sont à la fois des facteurs directs et indirects de décès et contribuent à diminuer significativement la qualité de vie des patients et de leur entourage.

L’Assurance Maladie a souhaité étudier les conditions dans lesquelles ces dispositifs numériques pourraient renforcer de manière efficace et pertinente les modalités plus traditionnelles d’accompagnement des patients. À partir d’une revue de la littérature scientifique, d’évaluations conduites à l’étranger par des agences de santé publique et d’entretiens, ce document intitulé « Renforcer la prise en charge de la santé mentale en soins primaires : quelle efficacité et quels usages des outils numériques ? Comparaisons internationales N°3« , paru en octobre dernier, propose d’explorer concrètement les leviers de déploiement de ces e-thérapies et offre un aperçu des différentes modalités d’intégration de ces solutions numériques aux parcours de soins à l’étranger.

« Les systèmes de santé portent un intérêt croissant aux outils numériques consacrés aux soins psychiques. Ces outils forment un ensemble hétérogène de logiciels et téléconsultations, serious games, réalité virtuelle et augmentée, intelligence artificielle susceptibles de répondre à plusieurs enjeux de prise en charge et de libérer du temps médical.« 

Ce que dit en conclusion cette analyse de la littérature scientifique internationale sur l’usage des outils numériques en santé mentale

« Si la littérature commence à rassembler des preuves d’efficacité des applications de santé mentale pour la réduction des symptômes de dépression, d’anxiété et de troubles obsessionnels compulsifs, ces outils ne constituent pas pour autant des innovations de rupture et ne semblent pas présenter, à la lumière des travaux analysées, des niveaux d’efficacité supérieurs aux traitements habituels. Leur intérêt pour le système de santé semble pour l’instant moins se justifier d’un point de vue thérapeutique qu’organisationnel ». La Cnam souligne que dans un contexte d’augmentation de la demande et de tensions dans la démographie médicale, « Ie recours à des applications de santé mentale, en libérant du temps médical, peut permettre de renforcer les capacités de prise en charge en soins primaires de deux manières : leur usage en première intention dans le cadre d’un parcours gradué permet de dépister et de prendre en charge plus précocement un nombre plus important de patients tout en permettant de recentrer les professionnels de santé sur les cas plus complexes« .

Si les outils numériques de santé mentale peuvent également contribuer à améliorer la qualité de la prise en charge en proposant des outils complémentaires visant à soutenir la thérapie engagée en face à face, des défis importants sont cependant à anticiper pour assurer leur pertinence. En effet, explique la Cnam, « il n’existe pas de consensus sur les critères d’évaluation des solutions numériques dans un contexte de foisonnement de l’offre. En 2020, plus de 327 000 applications de santé mobile sont répertoriées par ORCHA (organisme privé d’évaluation des produits de santé numérique) dont 28% ciblent la santé mentale mais il existe des doutes importants sur leur efficacité et la fiabilité des preuves cliniques présentées par les industriels est souvent remise en question« .

« Dans les pays où des solutions numériques en santé mentale sont prescrites, l’engouement semble plutôt modéré tant de la part des professionnels de santé que des patients ».

Selon l’Assurance maladie, les réticences liées au manque de familiarité avec la e-santé mentale « appellent à définir précisément la place des applications numériques dans la stratégie thérapeutique et l’organisation des soins en fonction des critères définis par les autorités sanitaires (bénéfice démontré pour les patients et/ou les professionnels de santé, insertion dans les parcours de soins, sécurité des données, interopérabilité, éthique..)« .

*Objets connectés, applications, téléconsultations, serious game, réalité virtuelle augmentée, intelligence artificielle.
Renforcer la prise en charge de la santé mentale en soins primaires : quelle efficacité et quels usages des outils numériques ? Comparaisons internationales N°3, Assurance maladie, octobre 2022.