Lieu emblématique de l’histoire de la psychiatrie en France, l’hôpital Maison- Blanche à Neuilly-sur-Marne fut construit en 1900 afin de « désencombrer », selon les termes de l’époque, les autres asiles du département de la Seine. Il fut entièrement dédié aux femmes jusqu’en 1970.
L’hôpital désaffecté, des bâtiments en ruine, délaissés, au milieu d’une nature soudain envahissante. Aux murs qui s’effritent répondent les mots d’un univers lointain où des histoires de vies sont passées. Des lettres abandonnées et sauvées de justesse lors des immersions des auteurs dans le lieu, sont devenues le prétexte d’un cheminement au cœur de cette institution symbolique et chargée de fantasmes qu’est l’asile psychiatrique.
Au fil de leur cheminement, entre les lignes de registres, dans la patine des murs, dans les allées du parc, les couloirs ébranlés, les vestiaires désertés et les détails effacés, les auteurs cherchent à interroger la base ancienne et actuelle de leur fondement. Surtout, entre les mailles du passé et du présent, ils en convoquent, à leur manière, la part d’héritage et de renoncement.

Pages après pages, on consulte les dossiers. Les doigts traînent, s’irritant sur cette forme de rugosité propre aux vieux papiers. À notre disposition, nous avons les informations médicales. À cette époque-là au début du siècle passé elles sont très focalisées. Avant tout, des plus précis, les signes cliniques sont consignés. Et entre ces pages, les mots, aux lettres déliées, comme des punctums de vie, dans ces billets ou ces lettres pâles, décachetées, forment le plus souvent un ensemble de confessions familiales. En regard, les femmes nous apparaissent tout bonnement vagues, mais présentes.
Extrait issu de l’ouvrage, page 35
Le grand renoncement – voies d’asile, paroles de femmes, Franck Enjolras et Jean Noviel, Éd. Loco, novembre 2021, 17 €