Dans un rapport sur les services de soins à domicile, la Cour des Comptes constate que « le virage domiciliaire souvent annoncé » est « encore peu abouti » en raison d’une offre insuffisante et pas assez structurée.
Depuis 40 ans, la population française a vieilli, et l’on observe une accélération de ce vieillissement en raison de l’avancée en âge des baby-boomers : selon l’Insee, 20% de la population avait 75 ans ou plus en 2019, contre 13% en 1975. À ces âges marqués par la prévalence de la perte d’autonomie, le maintien à domicile plutôt que le placement en institution suppose de développer une offre domiciliaire au plus près des besoins, en s’assurant notamment de son équité territoriale. Le développement d’une société plus inclusive exige une même évolution de l’offre faite aux personnes en situation de handicap. Le présent rapport s’intéresse à quatre catégories de services : les services de soins infirmiers à domicile (Ssiad), les services polyvalents d’aide et de soins à domicile (Spasad), les services d’éducation spéciale et de soins à domicile (Sessad), et les services d’accompagnement médico-social pour adultes handicapés (Samsah).
Un virage domiciliaire encore peu abouti
Depuis 2005, les pouvoirs publics français privilégient le « virage domiciliaire », en réponse aux souhaits d’une part grandissante de la population, qui risque – à court ou moyen terme – d’être confrontée à une perte d’autonomie, et aux attentes des personnes en situation de handicap. Malgré un discours volontariste et le déploiement de plans nationaux visant à renforcer les services de soins et d’accompagnement à domicile, la part des places d’hébergement en institution reste majoritaire. De ce fait, l’offre globale est marquée par un déséquilibre entre les établissements et les services, sans réduction nette des inégalités territoriales, et sans garantie d’un accompagnement adapté à la situation individuelle des patients.
Les services de soins à domicile : outil pertinent d’un parcours de soins gradué
L’action des services de soins à domicile est un élément important de l’accompagnement des personnes en perte d’autonomie. Pourtant, près de 40 ans après leur création, les indicateurs mis en place pour en mesurer l’activité restent purement quantitatifs, sans rendre compte de la qualité ni de l’intensité des soins. S’agissant de l’organisation des services, la Cour considère qu’elle doit être améliorée et gagner en transparence. L’évolution des modalités d’évaluation devrait permettre de renforcer la démarche qualité des services. Cependant, elle ne doit pas être exclusive de contrôles accrus des pouvoirs publics.
Une régulation de ces services à inscrire dans une programmation globale et territorialisée de l’ensemble des soins
Selon la Cour, le débat récurrent entre la projection des établissements hors les murs et le développement des services est dépourvu de sens, car le sujet central est de faire tomber – de manière effective – le cloisonnement entre domicile et hébergement collectif.
L’organisation de ces nouveaux modes de prise en charge s’inscrit dans une programmation de l’offre qui doit être réalisée au plus près des bassins de vie des usagers, et qui doit être accompagnée par les autorités de contrôle et de tarification pour créer les conditions d’un parcours de soins des personnes âgées dépendantes et en situation de handicap.
La tarification des services de soins se fonde encore actuellement sur des dotations globales « historiques », et doit évoluer, notamment pour prendre en compte le degré de dépendance des patients. La réforme du financement, longtemps repoussée, doit désormais aboutir rapidement, en valorisant les actions de coordination des intervenants auprès de la personne et en tenant compte des besoins en soins des patients.
Enfin, la question de l’attractivité des métiers des services de soins à domicile se pose particulièrement pour les aides-soignants. Au-delà de la revalorisation des rémunérations, la Cour appelle à mener une réflexion sur les modes d’organisation du travail et sur une amplification de la promotion interne, qui donneraient des perspectives de carrière à ces professionnels.
Pour remédier à l’ensemble de ces insuffisances, le présent rapport formule six recommandations.
1.Modifier la réglementation afin d’élargir l’accès aux données de Resid-ESMS aux directions d’administration centrale chargées d’élaborer la programmation, à la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (Drees) et à l’Agence technique de l’information sur l’hospitalisation (Atih), afin de permettre leur appariement aux bases de données sur l’autonomie, et autoriser l’accès aux résultats de l’exploitation de ces données pour chaque structure, aux ARS et aux gestionnaires, dans le cadre de l’élaboration des CPOM (ministère des solidarités et de la santé).
- Vérifier la mise en place effective d’un recueil des réclamations des usagers, des déclarations des évènements indésirables graves et de contrôles internes et externes de la bientraitance (Agences régionales de santé).
- Compléter les indicateurs existants afin de mieux mesurer l’activité des services de soins et normaliser les comptes rendus transmis aux ARS (ministère des solidarités et de la santé et caisse nationale de solidarité pour l’autonomie).
- Introduire, dans les contrats entre le ministère et les ARS, un objectif quantifié relatif au développement des coordinations territoriales entre les établissements et services médico-sociaux, les établissements de santé et les professionnels de santé exerçant dans des structures d’exercice coordonné ainsi que les moyens afférents (ministère des solidarités et de la santé).
- Mettre en place un financement des services de soins à domicile adapté à la sévérité des prises en charge, avec une révision régulière de la mesure de la dépendance dans le cas des personnes âgées selon un processus d’accord tacite, qui intègre un volet lié à leur performance et tienne compte des temps de coordination nécessaires à l’efficacité de leur fonctionnement (ministère des solidarités et de la santé et caisse nationale de solidarité pour l’autonomie).
- Faciliter les perspectives de carrières des aides-soignants, notamment l’accès à la profession d’infirmier, et inciter à un aménagement de leurs modalités d’emploi tel qu’il réduise les temps partiels subis (ministère des solidarités et de la santé).
Les services de soins à domicile, Une offre à développer dans une stratégie territorialisée de gradation des soins- Communication à la commission des affaires sociales du Sénat, Décembre 2021