Bas les masques!

N° 185 - Février 2014
FacebookXBlueskyLinkedInEmail

À l’occasion d’un soin du visage, la parole se délie. La contenance du groupe « soins et beauté » permet de travailler sur les peurs et les angoisses des adolescentes.

Cette semaine, au groupe « soins et beauté » (1), nous proposons aux adolescentes des masques de beauté, pour prendre soin de leur visage. Les jeunes patients de l’hôpital de jour redoutent parfois d’être touchés, mais ce groupe, constitué depuis environ deux ans, nous paraît à présent suffisamment solide et enveloppant pour cela. Nous avons déjà proposé deux séances de masque à l’argile, qui ont été plutôt appréciées. Marilyn et Marion étaient cependant réticentes : la première craignait que l’application lui rende la peau sèche et la seconde s’était protégée de l’expérience en arguant d’un discours maternel dissuasif.

Opposition

Aujourd’hui, nous préparons nous-mêmes un masque à base de lait de toilette, noix de coco et huile essentielle de lavande. Marilyn reste à l’écart : « Pas de masque ! », s’écrit-elle et elle se précipite vers l’armoire où sont rangées les boîtes de maquillage. Pendant ce temps, nous nous asseyons en cercle sur des tapis. Plusieurs sollicitations sont nécessaires pour que Marilyn nous rejoigne, comme lors des premières réunions du groupe, où elle était en opposition constante. Marion répète en écho : « Je ne veux pas de masques, beurk… c’est dégoûtant. » Mara, l’éducatrice, explique que personne n’est obligé de faire quelque chose dans ce groupe et ajoute : « Marion, tu as peut-être besoin de regarder avant de le faire sur toi, tu fais souvent comme ça, voir te rassure. »

« Tu deviens toute rouge ! »

Les trois autres participantes, Myriam, Émilie et Estelle sont déjà prêtes, allongées sur les tapis. Il faut d’abord préparer les masques en mélangeant les ingrédients, puis masser avec les doigts pour l’effet gommant. Comme Marilyn refuse cette activité, nous lui proposons de participer à la préparation des masques pour l’intégrer au groupe. Elle a ainsi un rôle actif, proche du nôtre, pour lui éviter une posture passive. Cela n’empêche pas Marilyn de nous provoquer en attaquant le groupe. Elle commence par se moquer de Myriam : « Tu deviens toute rouge, tu vas rester comme ça toute la journée ! », « Estelle tu es pleine de noix de coco dans les cheveux, c’est dégoûtant! » Marilyn se calme quand nous retirons les masques et nettoyons les visages et que nous sommes de nouveau toutes assises en cercle.
Elle s’allonge soudain sur le tapis et commence confusément à raconter quelque chose qui lui avait fait très peur, il y a longtemps, lors d’un séjour de randonnée avec l’hôpital de jour : « Il faisait froid, elle a commencé à trembler, et l’infirmière a dû appeler les pompiers. Elle est devenue toute blanche d’un coup. » Nous parvenons ensemble à reconstruire son récit et comprenons qu’il s’agissait d’une patiente, Marylène, qui marchait devant elle et a fait soudain un malaise qui l’a fait chuter dans la neige. Nous associons le froid et la neige à la couleur blanche du masque et à la position allongée. Marilyn ne veut pas prendre la posture de la jeune évanouie. Nous évoquons la peur de se laisser faire, de se confier à l’autre et de perdre le contrôle. Nous parlons aussi à Marilyn de sa place d’adolescente et de son envie de prendre celle d’un soignant, comme si elle-même n’avait pas de difficultés et donc pas besoin qu’on s’occupe d’elle. Avec les autres adolescentes, nous évoquons leurs sensations pendant le masque. Estelle murmure : « C’est agréable », Marion : « C’est mieux que l’argile. » Émilie qui avait l’air très détendu avec son masque reste le visage caché dans ses mains.

Douce régression

Lors de ce groupe « soins et beauté », nous accompagnons parfois des phases de régression favorisées par des soins. Ces moments permettent aux adolescentes de livrer leurs peurs ou leurs angoisses, que nous essayons de leur retourner sous une forme moins effrayante pour elles. Marilyn a bien compris qu’elle pouvait attaquer le groupe sans détruire les autres puisque nous sommes ensemble suffisamment contenantes.

Virginie de Meulder, Infirmière, et Mara Volpi, Éducatrice, Hôpital de jour pour adolescents, ASM-13

1 – Le groupe « soins et beauté » ou « groupe filles » vise à aborder tout ce qui touche à la féminité, la sexualité, la puberté. Animé par trois soignantes, il accueille cinq adolescentes de l’hôpital de jour entre 14 et 21 ans. Ce groupe a déjà été évoqué dans les n° 172, 175, 179 et 184 de Santé mentale. Rubrique à retrouver aussi sur Internet : www.santementale.fr

Pack MEDIATIONS

N° 154 Théâtre et psychiatrie
N° 189 Des jeux pour soigner en psychiatrie
N° 226 Des activités "thérapeutiques"
N° 236 Les groupes de parole
N° 255 Médiation animale en psychiatrie

Plus d’informations