« Lettres vives » : un spectacle comme un hommage aux « Lettres mortes » de Volterra

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Italie du nord, Volterra, asile psychiatrique. Jusqu’à sa fermeture décrétée en 1978, les correspondances des patients et celles de leurs familles sont interceptées, retenues, censurées. Milliers de lettres non envoyées, milliers de voix retentissant contre les murs de l’administration asilaire. Retrouvées, déterrées, rendues à l’existence par la publication dans Lettres mortes, correspondance censurée de la nef des fous. La compagnie Le Désert en Ville s’inspire librement de ce recueil pour créer un spectacle inédit, touchant et respectueux des mémoires oubliées « Lettres Vives« . A voir au Théâtre L’Échangeur, à Bagnolet du 12 au 14 mai prochains.

Des milliers de lettres... 
"Les corps enfermés, retenus ; et les âmes qui sont restées accrochées au fil des lettres, des phrases, des respirations. Impressionnant murmure, et des gestes se répètent jusqu’à gesticulation dernière. Les journaux ne disent rien de la vie silencieuse de millions d’hommes sans histoire qui, à toute heure du jour et dans tous les pays du globe, se lèvent sur un ordre du soleil… »
Jean Oury, psychiatre et psychanalyste, fondateur de la clinique de La Borde, post-scriptum aux Lettres mortes.

Le spectacle ouvre cette boîte aux lettres, pleine à craquer. Il les rencontre dans la sobre présence d’une actrice, les mains ouvertes, d’un musicien, aux instruments multiples, de leurs voix mêlées, et des voix de tous ceux qui ont croisé ce chemin de correspondance. Sur le plateau presque nu d’un théâtre pauvre, les espaces se créent et se transforment au gré de notre avancée en profondeur dans la masse des lettres, et de ce qu’elles nous font explorer.

Mots, chant, musique, corps, voix récoltées au cours de résidences au pôle psychiatrie du CHU de Nantes tissent la trame d’un spectacle poétique pour rendre mémoire, hommage, vie aux lettres mortes. Et, par-delà le temps, pour se relier à leurs auteurs. Ces « autres voix » rejoignent le spectacle, offrent des bribes de lettres, et des réponses. Elles tissent parfois une véritable trame de fond, tel un bruissement, murmure éternel ; ou sont autant de personnages invisibles intégrés à la mise en scène grâce à la réalisation sonore.

De nombreux patients, soignants, cadres de santé, médecins du pôle psychiatrie du CHU de Nantes ont prêté leurs voix aux lettres de Volterra lors d’une première médiation en 2017, puis ont été invités à y répondre, avec leurs propres mots, en 2018.

L’alchimie de l’actrice et du musicien, qui répondent aux lettres dans leur langage propre, artistique, scénique, interroge nos propres enfermements, notre quête de l’autre et nos aspirations à la liberté.

Installation photographique et sonore voyageant avec le spectacle
En 2017, un premier voyage à Volterra a lieu. On entre, à pas de loup, dans un lieu déserté, abandonné, interdit : les décombres de l’hôpital, véritable ville fantôme dans la ville. On s’y heurte au silence de murs porteurs de secrets oubliés depuis longtemps. Il n’y a plus rien à voir ni à entendre ici, hormis un dernier souffle. Il nous murmure que Lettres Vives ne sera pas uniquement témoignage d’un passé, mais bel et bien acte du présent. À l’été 2018, un second voyage, nourri d’un nouvel enjeu. Juliette Kempf, à la conception, écriture et mise en scène de ce spectacle "Lettres vives" et Lucile Brosseau, infirmière à l’hôpital psychiatrique Saint-Jacques, à Nantes et photographe, ont quêté à la source de ce projet : les traces laissées par les voix disparues, les empreintes, les vestiges qui nous disent que les lieux furent habités, rencontrer les Italiens qui ont vécu la révolution psychiatrique. Et surtout, apporter les réponses sonores enregistrées à l’hôpital de Nantes. Les déposer au pied des murs de l’ancien asile, laisser le son rendre vie aux lieux dévastés, une performance sans spectateur dont l’installation Réponses(s) transmet la saveur. Le spectateur peut visiter l’installation, où photographies, textes et voix se répondent dans un dispositif immersif, avant ou après la représentation du spectacle. Cette médiation thérapeutique du pôle psychiatrie du CHU de Nantes pour son projet "Lettres Vives" avait remporté, en 2018, le 3e Prix Infirmier en Psychiatrie d'un montant de 1 000 euros remis lors des 4e Rencontres soignantes en Psychiatrie. 
Installation photographique et sonore – Volterra 2018, Lucille Brosseau

Garder une trace des murs qui ont été habités et qui ont aussi enfermé, aujourd’hui abandonnés mais chargés d’histoire… pour Lucile Brosseau, infirmière en psychiatrie, c’est rendre un hommage à tous ceux qui y sont passés. Dans cette dynamique, elle avait rejoint l’aventure des Lettres Vives, partie à Volterra avec Juliette Kempf sur les traces de l’asile abandonné, pour créer les images de l’installation photographique Réponse(s) associée au spectacle « monté aujourd’hui.

• « Lettres vives » par la Cie Le désert en ville – 20h30 jeudi 12 & samedi 14 mai 2022 – D’après Lettres mortes, correspondance censurée de la nef des fous, traduit et présenté par Patrick Faugeras aux éditions Encre et Lumière
Mise en scène & interprétation Juliette Kempf – Musique Khalid Kn- Lumière Isabelle Ardouin – Regard extérieur Thylda Barès – Création sonore Juliette Kempf, Fabrice Leroy, Léon Septavaux – Voix patients & soignants du pôle psychiatrie du CHU de Nantes ; correspondants italiens.
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