09 Février 2018 - Aix-en-Provence

La fonction thérapeutique de la surprise et du rire

FacebookXBlueskyLinkedInEmail

Colloque Serpsy Paca – Journée gratuite sur inscription au 06 71 02 00 17

Non, la psychiatrie n’est pas la discipline médicale souffreteuse que certains d’entre nous décrivent à longueur de congrès. Bien sûr, il faut se battre pour avoir les moyens de notre clinique. Bien sûr, les isolements et contentions font tache. Bien sûr, les soins de proximité sont menacés partout. Mais la psychiatrie, ce n’est pas que la violence dépeinte à l’envie par les médias.

Le soin ne s’y limite pas aux protocoles qui ordonnent le moindre de nos actes. Il est aussi brodé de surprises et d’éclats de rire. C’est ce qui donne son prix à cette discipline où chaque jour est différent parce que chaque patient, chaque soignant est singulier. On y pétrit de la vie. Les patients ne s’y résument pas à leurs symptômes.

« Mais pas con … »

Le politiquement correct a chassé les histoires de fous qui enchantaient ma jeunesse. Elles disaient parfois beaucoup en peu de mots. Je me souviens de celle de ce visiteur d’asile pourchassé par un grand fou très menaçant. Il courrait, courrait pour lui échapper. Et l’autre se rapprochait toujours plus. Arrivé dans un cul de sac, notre visiteur se préparait à rendre son âme à Dieu quand le fou s’arrêta, toucha son bras et lui dit : « Pris, c’est toi le loup ! » Elle dit les représentations de la folie, la peur du fou qui n’est peut-être qu’un des avatars de notre peur enfantine du loup. Elle dit la surprise. Elle dit que le pire n’est jamais sûr.

J’aime aussi beaucoup l’histoire de cet automobiliste qui crève près d’un hôpital psychiatrique. Il sort son cric, lève sa voiture, remplace le pneu crevé par sa roue de secours et fait tomber ses 4 écrous dans le caniveau. Il se traite de tous les noms et se demande comment il va s’en sortir. A ce moment, un malade qui le regarde à travers la grille de la porte de l’hôpital, lui dit : « Enlevez un écrou à chacune des 3 roues restantes, utilisez-les ensuite pour fixer votre roue de secours. Avec ces trois écrous vous pourrez aller jusqu’au garage le plus proche. » L’automobiliste regarde le malade et s’étonne. Celui-ci lui répond : « J’suis p’t’être fou mais j’suis pas con. » Cette histoire dit les ressources des patients qui ne demandent qu’à se manifester. Le même constat que celui de la psychiatrie positive.

A ces histoires canoniques se superposent nos propres histoires, celles dont nos patients et nous-même sont les héros.

Véronique, aujourd’hui enseignante dans un IFSI, nous raconte comment, au cours de son premier stage en psychiatrie, elle avait été effrayée par un patient qui ne la quittait pas d’un pas et lui hurlait au visage des propos délirants. Ne sachant que faire, ni que dire, elle lui avait répondu : « Vous savez que vous parlez à la reine d’Angleterre ! Un peu de respect je vous prie ! » Le patient s’était arrêté pile et lui avait dit : « Cette nouvelle formation des infirmières, ça a l’air vraiment bien ! » Encore une histoire qui nous enseigne sur le savoir y faire avec la folie.

Une journée consacrée à la surprise et au rire

Les soignants de l’association Serpsy consacrent la journée du 9 février 2018 à la fonction thérapeutique de la surprise et du rire. Lors de cette journée gratuite, qui se déroulera au C.H. Montperrin, à Aix-en-Provence (13), nombre d’histoires de ce genre seront racontées. On y entendra surtout cette histoire de Jacqueline, cadre-infirmier à la retraite :

« La scène se passe dans une unité d’admission d’un hôpital psychiatrique du sud de la France. La charge de travail était comme souvent très conséquente … Nous étions en retard pour les soins aux 2 patients isolés. Le premier patient nous prenant plus de temps, nous allons plus vite pour le second que je nommerai Philippe. Aérer et nettoyer la chambre, faire le lit, etc.  Après avoir achevé les différents soins, nous réintégrons Philippe dans sa chambre. Une fois revenus dans la salle de soins nous remplissons la feuille d’observation quand soudain la sonnerie de la porte nous vrille les nerfs… Je me dirige vers l’entrée et vois Philippe, en pyjama, le doigt posé sur la sonnette. Quand je lui ouvre, il prend un air contrit : « Vous avez oublié de refermer la fenêtre de la chambre… J’ai bien essayé de vous appeler pour vous prévenir, mais personne ne m’a entendu. Alors je me suis demandé comment faire pour vous prévenir… J’ai donc fini par passer par la fenêtre pour sortir du bâtiment et je suis venu directement sonner à la porte du service. C’est la seule solution que j’ai trouvée. Et surtout je ne voulais pas que vous ayez des ennuis… »

Entre surprise et envie de rire, j’ai eu du mal à trouver mes mots : « Merci, ça alors, je vous remercie, pourquoi vous n’avez pas été tenté de partir ? » J’ai eu encore plus de difficultés à raccompagner Philippe dans sa chambre d’isolement thérapeutique. »

A vos claviers !

Ces histoires, rarement gratuites, font le bonheur des soignants qui se les racontent autour d’un café ou d’un thé lors des pauses. Elles contribuent à la formation des plus jeunes, qu’ils soient infirmiers ou étudiants. Elles ont rarement l’honneur d’un congrès. Ce sont de trop petites choses. Elles seront le cœur de la journée du 9 février. Vous avez sûrement les vôtres. Vous pouvez nous les raconter même si vous ne pouvez être des nôtres. Deux adresses : fridom375@gmail.com et jackie.fon@gmail.com

Télécharger le programme de la journée Serpsy en PDF