01 Avril 2023 - Marseille

Comment améliorer la position du sujet – Effets thérapeutiques, effets analytiques

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4e Journée d’étude de la Fédération des institutions de psychanalyse appliquée (Fipa), organisée par l’Ecole de la cause freudienne (ECF)

Dans son séminaire L’angoisse, Lacan remarque : « Il est bien certain que notre justification comme notre devoir est d’améliorer la position du sujet.1» Cette phrase, qui fait titre pour cette journée FIPA, vient couper court à des reproches venus de cliniciens déroutés par l’une de ses formulations antérieures datant de 1955 : dans la psychanalyse, la guérison vient « par surcroît2». Que n’avait-il pas dit ! N’était-ce pas là faire preuve de « dédain » pour celui dont nous avons la charge ?

Dans la médecine, l’amélioration de la position du patient fait de la guérison l’horizon à atteindre. Un « Ça va » est exigé, attestant que le statu quo ante a été obtenu. La guérison implique toujours ce retour à un point d’origine. La psychanalyse ne s’accommode pas de l’évidence empirique : la guérison, dit Lacan, est un concept « vacillant3». La mettre aux commandes dévoile vite, comme Freud l’avait repéré, une furor sanandi, un « abus du désir de guérir4» qui risquent de sortir du champ de la psychanalyse l’expérience clinique engagée – sortie dont le clinicien serait responsable.

Doit-on en conclure une opposition, voire une exclusion, entre effets thérapeutiques et effets analytiques ? Nullement. Dans son séminaire « R.S.I. », Lacan note en effet : « Chacun sait que l’analyse a de bons effets, qui ne durent qu’un temps. Il n’empêche que c’est un répit, et que c’est mieux que de ne rien faire.5» Faudrait-il a contrario les confondre, assimiler effets thérapeutique et analytiques les uns aux autres ? Ce serait au détriment de la psychanalyse elle-même, ouvrant à sa disparition dans la masse informe des psychothérapies. Jacques‑Alain Miller l’affirme avec force : « il ne faudrait pas que la psychanalyse, dans sa dimension ou son usage, son souci thérapeutique, fût attirée, chahutée, et même mortifiée, par cette espèce de non-psychanalyse que l’on décore du nom de psychothérapie. Ce qu’il faudrait, c’est que la psychanalyse appliquée à la thérapeutique reste psychanalytique et qu’elle soit sourcilleuse sur son identité psychanalytique6». C’est un enjeu majeur de la clinique actée dans les institutions de la FIPA.

L’expression psychanalyse appliquée à la thérapeutique7noue autrement les effets thérapeutiques et les effets analytiques. La psychanalyse appliquée à la thérapeutique,« c’est la psychanalyse qui concerne le symptôme, la psychanalyse en tant qu’appliquée au symptôme8». Elle améliore certainement la position du sujet : elle calme, tempère, adoucit. La psychanalyse pure, c’est autre chose : c’est un « terme ultérieur » que Lacan n’aura eu de cesse de délinéer et dont la passe fait surgir les points vifs, propres à chacun, au-delà du principe de plaisir. C’est à partir de cette fin que l’entrée peut être repensée9. C’est à partir des effets psychanalytiques, et à partir d’eux seuls, que les effets thérapeutiques peuvent en retour être envisagés. Une telle orientation se distingue de toute velléité de réponse à l’Autre social, de ce « poison » qui envahit souvent les psychothérapies : répondre à une telle demande ce n’est pas de la « psychanalyse appliquée à la thérapeutique, c’est de l’assistance sociale d’orientation lacanienne10», comme l’indique J.-A. Miller.

Dans son article « Psychothérapie et psychanalyse », il décrivait ainsi le nouage paradoxal des effets thérapeutiques et psychanalytiques : « Ce qui est thérapeutique dans l’opération analytique, c’est le désir. En un sens, le désir, c’est la santé. […] Mais paradoxalement, le désir est en même temps ce qui est contraire à toute homéostase, au bien-être. Comment comprendre ce qu’est une thérapie qui ne conduit pas au bien-être11? »

Cet enjeu clinique est celui des institutions de la FIPA. Il appartiendra à cette Journée du 1er avril 2023, à partir de cas cliniques toujours singuliers, d’en produire la démonstration.

  • 1 Lacan J., Le Séminaire, livre X, L’angoisse, texte établi par J.-A. Miller, Paris Seuil, 2004, p. 70.
  • 2 Lacan J., « Variantes de la cure-type », Écrits, Paris, Seuil, 1966, p. 324.
  • 3 Ibid.
  • 4 lbid., & cf. Freud S., « “Psychanalyse” et “Théorie de la libido” », Résultats, idées, problèmes, tome II, Paris, PUF, 1985, p. 68-71.
  • 5 Lacan J., Le Séminaire, livre XXII, « R.S.I. », leçon du 8 avril 1975, inédit.
  • 6 Miller J.-A., « Psychanalyse pure, psychanalyse appliquée et psychothérapie », La Cause freudienne, n° 48, 2001, p. 8.
  • 7 Cf. Lacan J., « Acte de fondation », Autres écrits, Paris, Seuil, 2001, p. 231.
  • 8 Miller J.-A., « Psychanalyse pure, psychanalyse appliquée et psychothérapie », op. cit., p. 23.
  • 9 Cf. Lacan J., « Proposition du 9 octobre 1967 sur le psychanalyste de l’École » Autres écritsop. cit., p. 246.
  • 10 Miller J.-A., « Interventions à Barcelone », Entretiens d’actualité, n° 33, 16 décembre 2008, publication en ligne de l’ECF.
  • 11 Miller J.-A., « Psychothérapie et psychanalyse », La Cause freudienne, n° 22, 1992, p. 12.

Rens. : fipa@causefreudienne.org, www.causefreudienne.org