De nombreuses voix s'élèvent chez les professionnels de la psychiatrie, en réaction à différents propos du ministre de l'Intérieur, Gérard Collomb, suite aux attentats terroristes qui ont eu lieu à Barcelone le 17 août, puis à l'agression à Marseille le 21 août. Ce dernier a en effet déclaré étudier, en lien avec le ministère de la Santé, l'opportunité d'une collaboration entre les psychiatres libéraux et hospitaliers et ses services, « afin de contribuer au repérage des potentiels auteurs d'actes terroristes ».
Le Syndicat des Psychiatres des Hôpitaux (SPH) a notamment publié un communiqué : « Le SPH s'associe à l'émotion suscitée par les attentats perpétrés à Barcelone et à Cambrils, qui plongent l'Espagne dans l'horreur du terrorisme que connaît l’Europe.
Dans ce contexte où la sidération, l'incompréhension et la colère peuvent frapper les vies et les esprits, et où la peur accompagne désormais le quotidien de nos concitoyens, le SPH tient aussi à rappeler que la mesure et la raison doivent guider la communication de nos dirigeants et leurs prises de décisions. L'annonce, quelques heures après ces attentats, par le ministre de l'Intérieur que les hôpitaux psychiatriques et les psychiatres allaient participer à des « protocoles » de lutte contre le terrorisme, a en effet de quoi surprendre. Le fait de maintenant affirmer qu’un tiers des personnes inscrites au fichier FSPRT (Fichier des signalements pour la prévention de la radicalisation) présente des troubles psychologiques, semble plus relever de la surenchère de communication, que de la rigueur scientifique due aux enquêtes épidémiologiques supposées alimenter de telles affirmations.
En rapport avec la question du terrorisme, il est utile de rappeler que psychologues, infirmiers et psychiatres participent au sein des Cellules d’Urgence Médico- Psychologiques ou dans le suivi différé, au soutien aux victimes de traumatismes. Concernant les auteurs potentiels de délits, quels qu’ils soient, des procédures légales encadrent la levée du secret médical lorsque le signalement d'un risque s’avère nécessaire, ainsi que l’expose le Conseil de l'Ordre dans son rapport de janvier. (…)
Sur le problème délicat des actes de terrorisme qui nécessitent des mesures globales de société, le SPH appelle les ministres à la prudence dans leurs annonces porteuses de risque d'amalgames. Outre les effets de stigmatisation des malades mentaux, elles ne doivent pas entraîner des décisions inefficaces en matière de sécurité et préjudiciables aux conditions de confiance nécessaires aux soins de psychiatrie générale. »
L'Association des secteurs de psychiatrie en milieu pénitentiaire (ASPMP) a également déclaré dans un communiqué refuser que la psychiatrie devienne « la quatrième force de sécurité en France». Elle rappelle notamment que « l'exercice hospitalier a une visée exclusivement thérapeutique » et que tout soignant connaît les règles légales qui lui permettent de déroger au secret médical en cas de nécessité. Elle souligne que, en milieu pénitentiaire, « la perte d’intimité inhérente au contexte carcéral conduit à un effort supplémentaire de vigilance à l’endroit du respect des principes déontologiques qui protègent la relation médecin-malade. Toute proposition qui pourrait faire croire à un engagement des soignants exerçant en prison dans un repérage de personnes incarcérées criminologiquement dangereuses et ayant des intentions terroristes conduira à une dégradation des soins en prison et sera totalement inopérante, voire contre-productive, tout en étant contraire à la déontologie médicale.
La complexité de la question des personnes qui s’engagent dans des actions assassines demande un patient travail de fond et d’analyse où la psychiatrie ne peut prendre qu’une part modeste, et qui ne peut qu’être invalidé par des déclarations faites sans concertation avec les professionnels concernés et à l’origine de messages confus pour l’opinion publique. »
L'ASPMP indique enfin que les soignants « sont en attente du positionnement de leur ministère de tutelle ».
D'après Hospimédia, (du 23 août) qui a recueilli leurs réactions, l'Intersyndicat national des praticiens hospitaliers (INPH), tout comme le Syndicat des psychiatres d'exercice public (Spep), sont sur la même ligne.
A lire également sur le sujet :
– Terrorisme : « les psychiatres n’ont pas vocation à collaborer avec le ministère de l’Intérieur », Le Monde, 21 août 2017,
– Psychiatrie et terrorisme : quand les patients miment les symptômes d'une société, La Tribune, 23 août 2017.
– Terrorisme, les psys craignent des amalgames, La Croix, 23 août.