Aux urgences, une séance d’EMDR pourrait prévenir un trouble de stress post-traumatique

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Dans cette recherche, le Centre d’accueil spécialisé dans le repérage et le traitement des traumatismes psychiques (CASPERTT) du Centre Hospitalier de Cadillac, le CHU de Bordeaux et le centre de recherche INSERM "Bordeaux Population Health center " montrent les bénéfices d'une séance précoce d'EMDR réalisée dans les 6 heures suivant un événement traumatique ayant conduit aux urgences. Cette intervention simple d’une heure semble prévenir le trouble de stress post-traumatique à trois mois. Ces résultats sont publiés dans The Journal of Psychiatric Research.

Plus de 10 millions de personnes fréquentent les services d'urgences en France chaque année. Environ 5% de ces patients souffriront pendant plusieurs mois du trouble de stress post-traumatique, qui se traduit par des symptômes décrits classiquement chez des personnes ayant vécu une situation durant laquelle leur intégrité physique ou psychologique ou celle de son entourage a été menacée ou atteinte. Les patients revivent l’événement traumatisant, tende d’éviter les situations qui pourraient leur rappeler l’événement, et souffrent de nombreux symptômes d’hypervigilance (insomnie, nervosité, impression de danger…) et d’inhibition (ralentissement, dépression). Les chercheurs avaient remarqué, lors d’investigations menées depuis 2007, que les niveaux de stress de certains patients admis aux urgences étaient particulièrement élevés. Ils se sont demandé s’il était possible de les faire baisser, avec comme objectif ultime de prévenir la survenue de ces symptômes invalidants.

Un protocole de prise en charge adapté aux Urgences

Ils ont conduit pour cela une nouvelle étude, dans le but d'évaluer la faisabilité et l’efficacité d’une approche thérapeutique reconnue, l’EMDR (Eye Movement Desensitization and Reprocessing, en français «désensibilisation et retraitement par les mouvements oculaires»), pour laquelle ils ont adapté un protocole administrable dans le contexte d’un service d’urgences. Lors de la séance d’EMDR aux urgences, on demande au patient de porter attention aux éléments qui les placent dans un état de stress, et à leur ressenti physique, émotionnel et sensoriel. Ce faisant, le thérapeute effectue des séries de stimulations bilatérales alternées, consistant en des mouvements oculaires (balayage horizontal ou vertical) ou, lorsque l’état clinique du patient ne le permet pas, des tapotements alternés des genoux ou des épaules.
Ce modèle psychothérapeutique est l’une des deux thérapies recommandées par la Haute Autorité de Santé (HAS), l’OMS et l’Inserm dans la prise en charge du trouble de stress post-traumatique. La durée du traitement est habituellement variable (2 à plusieurs séances). Pour la présente étude, il s’agit de prévenir l’apparition des manifestations du trouble de stress posttraumatique et du syndrome post-commotionnel, en utilisant un protocole d’intervention précoce (dans les 6 heures suivant l’événement ayant conduit aux urgences), unique (une séance unique lors de la consultation aux urgences) et bref (une heure maximum).

L'étude a consisté à inclure des patients évalués comme étant à haut risque de développer ces troubles. Des patients traités préventivement par EMDR bien moins sujets au trouble de stress post traumatique que les autres ; 130 patients ont été ainsi sélectionnés et ont accepté de participer à l’étude. Ils ont par la suite été répartis au hasard en trois groupes : le premier bénéficiait d’une séance d'EMDR de 60 minutes, le deuxième d'un entretien de 15 minutes avec un psychologue tandis que le troisième ne recevait pas de prise en charge psychologique. Les patients étaient ensuite contactés par téléphone trois mois plus tard, afin d’identifier ceux qui avaient développé un trouble de stress post-traumatique, ou un syndrome postcommotionnel. Dans les trois groupes les proportions de patients présentant un trouble de stress posttraumatique à trois mois était de : 3%(groupe EMDR), 16% (groupe réassurance) et 19% (groupe contrôle). Soit 6 fois moins de survenue de trouble de stress post traumatique dans le groupe EMDR par rapport au groupe contrôle.

La thérapie EMDR a eu aussi un impact sur le syndrome post commotionnel, un autre syndrome observé chez les patients traumatisés. Il s’agit du premier essai contrôlé randomisé mondial qui montre qu'une intervention EMDR brève et ultra-précoce est, d’une part réalisable dans le contexte des urgences, et d’autre part efficace en permettant de réduire considérablement le risque de survenue du trouble de stress post traumatique.

Source
Emergency room intervention to prevent post concussion-like symptoms and posttraumatic stress disorder. A pilot randomized controlled study of a brief eye movement desensitization and reprocessing intervention versus reassurance or usual care.