Le fichier Hopsyweb, un préjudice supplémentaire pour les détenus suivis en psychiatrie

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L'Association des secteurs de psychiatrie en milieu pénitentiaire (ASPMP) a déposé une « intervention volontaire » auprès du Conseil d'État contre le décret dit « Hopsyweb », en soutien au recours précédement effectué par le Syndicat des psychiatres des hôpitaux (SPH). Son mémoire, assorti d'un document de 68 pages pour détailler ses arguments, est mis en ligne sur le site de l'associaltion. 

Rappelons que, dans le cadre du plan de prévention de la radicalisation, Hopsyweb est un outil de partage de données sur les patients hospitalisés sans consentement, organisé entre Agences régionales de santé, certaines informations étant accessibles à des destinataires définis (1). Si de nombreuses voix se sont fait entendre depuis sur ce décret, à divers titres (Fédération française de psychiatrie (FFP), Association des établissements participant au service public de santé mentale (Adesm), Fédération nationale des associations d'usagers en psychiatrie (Fnapsy), Union nationale de familles et amis de personnes malades et/ou handicapées psychiques (Unafam)… ), le ministère de la Santé estime pour sa part que le texte ne « change rien » aux obligations des médecins et aux conditions dans lesquelles ils  « traitent ou signalent » des patients.

Dans le recours au Conseil d'Etat, les associations pointent notamment « le non-respect de la dignité humaine avec des risques de stigmatisation particulièrement importants » pour les patients concernés, une « atteinte grave à la vie privée » de ces personnes, une violation du secret médical et une atteinte au statut des praticiens hospitaliers. Elles soutiennent également que le traitement des données n'est pas « adéquat, pertinent et proportionné à sa finalité », que la durée de conservation des données est « excessive » et que le champ des personnes ayant accès à ces données est « excessivement large ». Cette durée de conservation des données a aussi fait l'objet de réserves de la Commission nationale de l'informatique et des libertés (Cnil), ainsi que l'absence de « purge » de celles irrégulièrement inscrites.

L'ASPMP soutient tous les arguments du recours du SPH et ajoute des particularités inhérentes aux personnes détenues : celles-ci, même consentantes à l'hospitalisation et ne troublant pas gravement l'ordre public et la sûreté des personnes, doivent être hospitalisées dans des hôpitaux psychiatriques en soins sous contraintes. L'association souligne que « si elles étaient en milieu libre, elles seraient hospitalisées en "service libre" » et ne seraient donc pas concernées par cette inscription dans le fichier Hopsyweb.

Michel David, président de l'AMPSP, pointe que « la psychiatrie dans son ensemble aborde des problèmes de société, de droit, de vision du soin qui touche à des questions fondamentales de la vie en société. Malheureusement, la complexité de cette discipline la rend peu atractive pour qu'elle fasse l'objet d'une vraie révolte, comme on peut le constater actuellement pour d'autres situations. Pourtant, les problèmes de précarité, d'inégalité devant le soin et d'accès au droit, des "contraintes" au sens large, au savoir et à la connaissance sont communs. Un vrai problème culturel. Mais la culture ne semble plus au centre des préoccupations, même politiques. Impliqué dans les travaux avec les Pouvoirs publics, je suis assez sidéré de constater que la technocraie administrative dirigente continue à fonctionner comme si les mouvements de contestation actuels n'existaient pas. Un clivage total, déroutant et inquiétant. »

D'après une dépêche Hospimedia du 4 avril, le Conseil national de l'ordre des médecins (CNOM) a également déposé un recours au Conseil d'Etat contre ce décret, dès juillet 2018 : Ce recours est “fondé sur un certain nombre d'items”, a développé André Deseur, vice-président du CNOM, le premier étant "la compatibilité entre la finalité du traitement et l'accès aux données". Une remarque également levée par la Commission nationale de l'informatique et des libertés. "Il est indiqué que des personnels qui sont désignés par le ministre de la Santé ont accès à des données à caractère personnel des personnes hospitalisées sans consentement, donc la finalité a priori statistique du fichier ne justifie pas l'accès" à ces données personnelles, explique-il. Le second point est la durée de conservation des données.

1– Décret n° 2018-383 du 23 mai 2018 autorisant les traitements de données à caractère personnel relatifs au suivi des personnes en soins psychiatriques sans consentement, voir www.legifrance.fr

A lire aussi : Soins psychiatriques aux personnes détenues, Santé mentale, n°227, avril 2018.