« Pratiques indignes » aux urgences psy du CHU de Saint-Etienne

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Suite à une visite effectuée du 8 au 15 janvier 2018 dans les services d'urgence et de psychiatrie du CHU de Saint-Etienne, la Contrôleure générale des lieux de privation de liberté (CGLPL) a publié des recommandations au Journal Officiel du 1er mars 2018, en application de la procédure d’urgence, qui lui permet de saisir sans délai les autorités compétentes.

Les contrôleurs ont effet fait le constat de conditions de prise en charge portant des atteintes graves aux droits fondamentaux des personnes hospitalisées : conditions d’accueil indignes au sein du service des urgences générales, pratiques abusives d’isolement et de contention dans les unités d’hospitalisation complète, défaut d’information des patients sur leurs droits. Lors de ce contrôle, les premiers constats du CGLPL ont suscité une prise en compte forte de la communauté médicale et soignante de l’hôpital. Un courrier du directeur, adressé au CGLPL le 23 janvier, témoigne d’une réelle volonté de changement. Mais la gravité et le caractère structurel des constats ne permettent pas de laisser l’établissement seul face à ces difficultés.

Les recommandations du CGLPL :
– les atteintes aux droits décrites dans ces recommandations doivent cesser immédiatement, notamment l’accueil au sein du service des urgences ;
– la prise en charge initiale des patients au CHU doit être réalisée dans le respect de la dignité des personnes et les moyens nécessaires doivent être mis en œuvre pour garantir les possibilités d’hospitalisation adaptées ;
– les pratiques d’isolement et de contention doivent faire l’objet d’une réflexion institutionnelle et respecter les prescriptions de la loi du 26 janvier 2016 ainsi que les recommandations du CGLPL, de la Haute autorité de santé, et du Conseil de l’Europe à travers les normes révisées du Comité européen de prévention de la torture (CPT) ;
– une formation sur l’accès aux droits doit être dispensée aux soignants et l’information donnée aux patients doit être déclinée aux différents moments de l’hospitalisation ; les cadres de santé doivent établir un contrôle de cet accès aux droits.

Pour sa part, l’Unafam précise dans un communiqué daté du 5 mars 2018 qu'il "ne s’agit malheureusement pas d’un cas isolé. L’orientation donnée par l’article 72 de la loi du 26 janvier 2016, visant à une réduction des pratiques d’isolement et de contention, tarde à être mise en œuvre dans les établissements, en dépit des recommandations de bonne pratique de la Haute Autorité de Santé (HAS) et des instructions ministérielles". 

"Des patients admis en soins sans consentement sont, parfois dès leur arrivée, placés en isolement, voire sous contention, sans justification clinique réelle, ajoutant de la souffrance psychique à celle qui les a conduits à l’hôpital. Et il y aurait beaucoup à dire sur les conditions matérielles de l’isolement, souvent indignes, dans des chambres d’isolement délabrées, où les patients doivent faire leurs besoins dans un seau hygiénique"

L'Unafam précise que "des psychiatres et des soignants travaillent à mettre au point des alternatives à l’isolement et à la contention et qu'elle s’inscrit dans ce mouvement, en demandant que les instances institutionnelles promeuvent une prévention très en amont de l’utilisation de l’isolement et de la contention par la formation des équipes à la prise en charge de l’agitation, par l’octroi de moyens, notamment humains, adaptés, et par la sensibilisation aux principes de respect du droit et de la dignité des patients, dans tous les services, y compris aux urgences générales. Celles-ci ne sont pas actuellement dans le périmètre des visites de la Commission Départementale des Soins Psychiatriques (CDSP), c’est une lacune".

"Mais l’attention portée à l’isolement et à la contention ne doit pas masquer les problèmes structurels qui affectent la psychiatrie. Si vingt patients relevant de la psychiatrie étaient aux urgences du CHU de Saint-Etienne en attente d’admission, c’est dû à un manque de places dans les services de psychiatrie, dont les raisons, dans la Loire comme ailleurs, sont bien connues : insuffisance de la prévention et du suivi en ambulatoire, qui permettrait d’éviter des hospitalisations en situation de crise, etmaintienen hospitalisation de patients au long cours, faute de places dans des structures médico-sociales. Ce n’est sans doute pas un hasard si l’incapacité à admettre rapidement des patients en demande de soins psychiatriques s’observe dans le CHU d’un département occupant la 73e place en France métropolitaine pour le nombre de lits en psychiatrie par habitants et la 64e pour le nombre de psychiatres hospitaliers !"

En savoir plus, voir les recommandations sur le site du CGLPL