Dans un nouvel avis, la Commission indépendante sur l’inceste et les violences sexuelles faites aux enfants (Ciivise) appelle à créer un parcours de soins spécifiques aux mineurs dans une démarche intégrée (le bon professionnel au bon endroit au bon moment), protégée (lieu pédiatrique dédié) et graduée sur les territoires avec une montée en charge des Unité d’accueil pédiatrique enfants en danger (Uaped) et des moyens humains dédiés. La Ciivise insiste également sur la nécessité de formations interprofesionnels.
La Ciivise, reconduite par le gouvernement en 2024 pour suivre la mise en œuvre des 82 recommandations issues de son rapport intitulé Violences sexuelles faites aux enfants : « on vous croit » sur les violences sexuelles faites aux enfants, a rendu un deuxième avis, samedi 20 décembre, sur les parcours de soins des victimes (1). S’appuyant sur une vingtaine d’auditions auprès de sociétés savantes, associations, experts, anciennes victimes…, la commission d’enquête préconise un parcours de santé « tant pour les enfants et adolescents victimes de violences sexuelles et d’inceste que pour les mineurs auteurs de violences sexuelles ou présentant des comportements sexuels problématiques ». Ce parcours, note-t-elle, « devra s’appuyer sur le modèle des réseaux Ville/Hôpital ». « Le mineur doit pouvoir être entendu et soigné dans un lieu sécure, par des professionnels formés », souligne la Ciivise, insistant notamment sur la nécessité « de limiter la répétition des entretiens et des examens », de rechercher le consentement du mineur « à chaque étape de l’examen » et d’assurer un « meilleur accueil » dans les structures hospitalières.
« La mise en place d’un parcours de santé coordonné et gradué pour les enfants victimes de violences sexuelles et d’inceste, prenant comme modèle celui des réseaux ville/hôpital notamment sur le modèle de santé protégée est une priorité ».
Un réseau de professionnels
Au sein de ce parcours spécifique « adapté à la vulnérabilité des mineurs », la coordination des acteurs « doit permettre une qualité homogène de tous les actes réalisés et une équité d’accès à la protection et aux soins sur l’ensemble du territoire français », souligne la Ciivise. « Une prise en compte des enfants en situation de handicap de façon adaptée est incontournable en raison de la surexposition aux violences sexuelles au sein de cette population. Elle amène à des ajustements des pratiques professionnelles qui répondent à la nature des handicaps. »
Ce parcours de santé devrait être financé par l’Assurance maladie et intégrer médecins de premier recours, professionnels de santé mentale et structures pédopsychiatriques. « Pour renforcer l’adhésion des professionnels à cette notion de parcours en santé, il est essentiel de valoriser leur participation sur le plan financier », note l’instance qui plaide également pour une meilleure participation des associations d’usagers, représentant d’anciennes victimes et anciens enfants confiés à l’aide sociale à l’enfance, qu’elle estime« très souvent absents du paysage de la démocratie sanitaire en raison de leur absence de représentation soit par eux même – du fait de leur minorité, soit par leurs parents –en raison du caractère intrafamilial fréquent des violences sexuelles ».
« A l’heure où la santé mentale des enfants et adolescents est particulièrement fragilisée et où les conséquences possibles des violences sur la santé sont de mieux en mieux identifiées, il convient de rendre accessible aussi bien les soins somatiques que les soins psychiques »
Améliorer l’accès aux soins psychiques
La Ciivise met également l’accent sur l’accès aux soins psychiques, qui doit être encouragé et facilité. « A l’heure où la santé mentale des enfants et adolescents est particulièrement fragilisée et où les conséquences possibles des violences sur la santé sont de mieux en mieux identifiées, il convient de rendre accessible aussi bien les soins somatiques que les soins psychiques », souligne-telle, évoquant l’extension du dispositif « Mon soutien psy » comme une piste, « en élargissant les typologies de suivi aux enfants victimes de violences en particulier sexuelles, en augmentant le nombre de séances et en ne fixant pas de contrainte de durée de la prise en charge. La rémunération des psychologues dans le contexte des violences sexuelles sera alignée sur ce dispositif. Les critères actuels du dispositif sont notoirement insuffisants pour les victimes de violences sexuelles et d’inceste ».
La Ciivise insiste sur la vulnérabilité des mineurs victimes au moment de l’entrée dans le parcours de santé. « Les professionnels du soin doivent être attentifs à la participation des mineurs tout au long de leur parcours en santé et à la compréhension de l’ensemble des actes médicaux », estime-t-elle. Parmi les recommandations également : l’instance insiste, dans le cadre de la généralisation sur tout le territoire des Unité d’accueil pédiatrique enfants en danger (Uaped), sur leur rôle dans l’audition du mineur « pour limiter le surtraumatisme et garantir la sécurité émotionnelle des enfants et adolescents ». A propos des mineurs auteurs de violences sexuelles, la Ciivise évoque là aussi le rôle fondamental des Uaped : « Cette entrée pédiatrique par les UAPED est à envisager aussi systématiquement comme lieu sécurisant et adapté pour les mineurs auteurs de violences sexuelles (Proposition 23 au rapport de l’AP sur les parcours des mineurs auteurs de violences sexuelles). Avant d’être des auteurs, ils sont des mineurs possiblement en danger ».
Formation des professionnels
La Ciivise alerte également sur les représentations encore trop réductrices des violences sexuelles. « Il est nécessaire d’engager une réflexion interdisciplinaire (médicale, juridique, sociologique, littéraire, historique, etc.) sur la manière dont l’anatomie génitale féminine et les traumatismes qui y sont liés sont représentés. Ceux-ci sont trop souvent limités à la seule question de l’atteinte de l’hymen », note-elle dans son avis. « Cette réflexion incontournable permettra d’éclairer l’évolution sociétale des violences sexuelles et de l’inceste et d’accompagner l’apprentissage de l’ensemble des professionnels ». Elle appelle sur ce point à « une formation des magistrats, enquêteurs et avocats » aux spécificités de la pédiatrie médico-légale, ainsi qu’à une clarification législative ou réglementaire du partage d’informations à caractère secret entre les acteurs de la santé, de la protection de l’enfance et de la justice. La Ciivise propose enfin que la Haute autorité de santé (HAS) élabore « de bonnes pratiques professionnelles » pour « améliorer les interfaces santé-justice et protection de l’enfance ».
Contexte de l’avis :
Cet avis a été rédigé à partir des besoins en santé (OMS 47) des enfants et adolescents
victimes de violences sexuelles et d'inceste. En 2024, la CIIVISE a été chargée par le Gouvernement de suivre la mise en œuvre des 82 recommandations de son rapport Violences sexuelles faites aux enfants : « on vous croit ».
Parmi ces recommandations, la question du parcours de santé des enfants et adolescents victimes de violences sexuelles et d’inceste, dont le parcours médico-judiciaire fait partie, a fait l’objet d’une démarche spécifique : un groupe de travail de la CIIVISE a procédé à une vingtaine d’auditions qui ont permis d’entendre sociétés savantes, administrations, associations représentant les personnes victimes durant leur minorité et les enfants confiés à l’aide sociale à l’enfance, professionnels et experts issus du monde de la santé et du monde judiciaire et porteurs d’innovations de politique publique.










