Lancé par l’Unicef-France, un projet pilote interroge des enfants de 3 à 5 ans sur la gestion de leurs émotions. Il est mené en Pays-de-la-Loire par deux enseignants-chercheurs nantais, Charlotte Coudronnière et Fabien Bacro qui montrent qu’on peut libérer la parole des jeunes enfants et agir précocement sur leur santé mentale.
Charlotte Coudronnière et Fabien Bacro travaillent dans le cadre d’une étude de l’Unicef-France, prolongement de la 7e consultation nationale : l’organisation interroge tous les deux ans les enfants de 6 à 18 ans pour évaluer leur santé mentale à travers un questionnaire, partout en France. Les deux chercheurs, tous deux membres du pôle universitaire ligérien d’études sur l’enfance et la jeunesse (Enjeux), sont chargés d’une étude pilote qui s’intéresse pour la première fois aux enfants de 3 à 5 ans.
« On s’intéresse aux émotions des enfants de cette tranche d’âge, parce que la régulation des émotions des 3 à 5 ans, d’après la recherche scientifique, joue un rôle majeur dans leur santé mentale ». Les deux chercheurs ont d’ores et déjà interrogé une vingtaine d’enfants d’écoles maternelle, sur la base du volontariat des établissements, sur une quarantaine prévue au total. Au-delà des nombreuses autorisations à réunir pour interroger les tout-petits, l’étude comporte quelques contraintes méthodologiques dues à l’âge des participants. Les chercheurs co-animent ainsi la première séance avec l’enseignante, pour faire connaissance avec les enfants et les préparer à ce qui va suivre à partir de la lecture d’un album, Le couleur des émotions et de peluches à l’effigie de la tristesse, de la colère, de la joie ou de la peur. « Ce support projectif permet de travailler sur les émotions, de s’assurer de la compréhension des enfants et de commencer à les interroger sur les différentes situations dans lesquelles ils les ressentent », précise Charlotte Coudronnière.
« C’est quoi un enfant qui va bien dans sa tête ?»
Lors d’une seconde séance, les chercheurs revoient les enfants par groupes de 4. « On essaye de les faire parler d’eux et de leurs émotions », résument les deux chercheurs, qui posent des questions accessibles aux enfants et utilisent beaucoup les marionnettes (ce sont elles parfois qui s’adressent aux jeunes élèves) pour les amener à parler : « Pour vous c’est quoi un enfant qui va bien dans sa tête et dans son cœur / ou au contraire qui va mal dans sa tête et dans son cœur ? »
« C’est vraiment un engagement de notre part pour les amener à s’exprimer », confie Charlotte Coudronnière. Les auteurs de l’étude ont « réfléchi à des questions adaptées à leurs capacités langagières et cognitives ». Ils reformulent beaucoup ce que leur disent les enfants, mais sans rien induire. Le petit groupe favorise aussi la discussion. « Et la parole circule », notent-ils tous deux, convaincus « que les 3 à 5 ans ont justement beaucoup de choses à dire ».
Réguler ses émotions et identifier des figures sécurisantes
Les chercheurs sont partis de cette idée que la possibilité pour les jeunes enfants de réguler leurs émotions a un impact sur leur santé mentale. Charlotte Coudronnière et Fabien Bacro interrogent les enfants sur les contextes précis dans lesquels ils ressentent les quatre émotions (joie, tristesse, colère et peur) à la maison et à l’école et s’intéressent à ce qu’ils en font : vont-ils en parler à quelqu’un ? Quels interlocuteurs choisissent-ils, à la maison et à l’école ?
La 3e séance est consacrée aux entretiens individuels, à partir de l’adaptation d’un outil, le test « SAGA ». « On montre une sorte de cible à l’enfant et grâce à des poupées (l’une qui le représente et d’autres, son entourage), on lui demande, pour chaque émotion (négative), de désigner des personnes qu’il irait voir pour obtenir du soutien. Ce jeu nous permet d’identifier le réseau d’attachement des enfants », résument les chercheurs qui font part d’un premier résultat : « Les enfants, dès 3 ans, sont capables de s’exprimer sur ce qui est source de difficultés pour eux. Cette étude pilote est la preuve qu’on peut libérer leur parole et agir précocement sur leur santé mentale ». Les premiers résultats de cette enquête sont attendus pour l’automne 2026.
Crédit photo : Unicef-France. Légende : Photo prise lors d’un des groupes de discussion mené par les chercheurs auprès d’enfants participant à l’étude pilote de la Consultation nationale auprès des 3-5 ans.
Plus d’informations sur le site de l’association Unicef-France.









