L’Assemblée nationale a voté à l’unanimité en faveur d’une loi pour garantir un avocat à chaque enfant placé en famille d’accueil ou en foyer, suivi dans sa famille ou par des services sociaux. Le texte, examiné en première lecture, devra maintenant être inscrit à l’ordre du jour du Sénat.
L’Assemblée nationale a adopté en première lecture, à l’unanimité (avec les voix de 269 députés), une proposition de loi visant à garantir un avocat à chaque enfant sous mesure d’assistance éducative (placé en famille d’accueil ou en foyer, suivi dans sa famille ou par des services sociaux), jeudi 11 décembre 2025.
Renforcer l’assistance des mineurs en danger
Le texte établit la présence d’un avocat pour chaque enfant concerné par une mesure d’assistance éducative, et ce, quels que soient son âge et son degré de discernement (voir encadré ci-dessous). « L’ambition est d’assurer une meilleure défense et une meilleure représentation de chaque enfant dans la procédure », a souligné Stéphanie Rist, ministre de la Santé, des Familles, de l’Autonomie et des Personnes handicapées dans une allocution devant les députés.
« Le rôle de l’avocat se concentre sur l’assistance procédurale et la défense en audience », a-t-elle précisé, rappelant que celui-ci ne « peut pas se substituer aux professionnels de l’aide sociale à l’enfance (ASE). Il n’a pas pour mission d’assurer le suivi social, éducatif ou psychologique de l’enfant. L’accompagnement quotidien et le suivi reviennent aux services spécialisés de l’ASE (…) C’est pourquoi, la systématisation de l’avocat ne doit pas conduire à créer une illusion d’accompagnement qui n’est pas sa vocation juridique », a-t-elle mis en garde.
Si Stéphanie Rist a défendu cette proposition de loi, elle a toutefois émis des réserves sur sa mise en œuvre immédiate : « Il nous faut assumer ici qu’au-delà d’un effort budgétaire important, elle présente la mobilisation de moyens humain qui ne pourront pas être déployés à court terme », a-t-elle souligné, pointant le risque « d’une désorganisation et d’une saturation de nos juridictions (…) En effet, l’obligation de présence de l’avocat entraînerait des renvois d’audience et des délais allongés liés à la disponibilité de l’avocat, en particulier dans les petits barreaux. Les conséquences seraient contraires à l’intérêt de l’enfant ».
« Pour toutes ces raisons, le Gouvernement soutiendra l’expérimentation limitée de la systématisation », a déclaré Stéphanie Rist. Elle serait donc ciblée sur un nombre restreint de tribunaux volontaires, pendant deux ans, ce qui permettrait de chiffrer précisément l’impact réel et de mesurer les besoins d’organisation.
La Ministre a promis d’engager en parallèle, « un plan national de revalorisation des administrateurs ad hoc », une mesure « immédiate et soutenable, qui renforcera la protection là où elle est la plus critique ».
Le point sur cette proposition de loi
La proposition de loi de la députée socialiste Ayda Hadizadeh prévoit de rendre obligatoire la présence d'un avocat pour assister le mineur qui fait l'objet d'une mesure d'assistance éducative.
— Cette assistance sera obligatoire « sans condition de discernement de l'enfant ». (Le mineur aura donc droit à un avocat indépendamment de sa capacité de discernement).
— Le mineur aura également le droit de choisir librement son avocat en lieu et place de celui qui est désigné pour lui. Les mineurs déjà assistés d'un avocat dans le cadre d'une autre procédure pourront ainsi continuer à être représentés par le même professionnel dans la procédure d'assistance éducative.
En étant présent au côté du jeune dès le début de la procédure, l'avocat pourra :
— l'aider à préparer les audiences afin que « [sa] parole et [ses] mots parfois difficiles à dire émergent », a expliqué la députée PS Ayda Hadizadeh, rapporteuse de la proposition de loi, le 3 décembre, devant la commission des lois de l'Assemblée.
— faire appel des décisions du juge et défendre les droits de l'enfant devant les services départementaux de l'ASE (maintien de la fratrie, rencontres avec les parents en présence d'un tiers…).
— assister l'enfant en cas de dysfonctionnement de l'Aide sociale à l'enfance (ASE).
Concrètement, ce sera au juge des enfants de demander au bâtonnier la désignation d'un avocat, dès l'ouverture de la procédure. Le juge devra en informer le mineur, ses représentants légaux, ou le service ou la personne auxquels le mineur peut avoir été confié. L'assistance de l'avocat dans ce cadre sera intégralement prise en charge par l’État, au titre de l'aide juridictionnelle.
Le juge des enfants pourra également désigner en plus un administrateur ad hoc s'il l'estime nécessaire, dans les conditions prévues à l'article 388-2 du code civil, lorsque les intérêts du mineur apparaissent en opposition avec ceux de ses représentants légaux.
Source : vie-publique.fr
Quid de la refonte de la protection de l’enfance
Environ 400 000 jeunes sont pris en charge par l’Aide sociale à l’enfance (ASE), selon les chiffres de la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (Drees). Des parcours d’enfants marqués par de nombreuses ruptures sur fond de fortes inégalités territoriales. Stéphanie Rist a fait le point, jeudi 11 décembre, sur la refonte de la protection de l’enfance, qu’elle souhaite mener, alors que la récente affaire d’un enfant placé tondu par des éducateurs a scandalisé le grand public et relancé la polémique autour de la prise en charge de ces mineurs.
Soutien à la parentalité, placement dans l’entourage de l’enfant, refonte du métier d’assistant familial : cette réforme est particulièrement attendue par les acteurs du secteur, qui alertent depuis de nombreuses années sur la crise que traverse cette politique publique décentralisée. « J’ai engagé une mission de l’IGAS pour analyser les pratiques professionnelles observées dans la protection de l’enfance et identifier les évolutions nécessaires en termes de formation afin de mieux répondre aux besoins des enfants et des jeunes confiés, notamment s’agissant de ceux qui présentent des traumatismes complexes », a rappelé Stéphanie Rist. Le texte, en cours de finalisation, sera examiné en conseil des ministres au premier trimestre 2026.
Les mineurs pris en charge par l'ASE, en quelques chiffres
Au 31 décembre 2023, 384 900 mineurs et jeunes majeurs bénéficient au total de 396 900 mesures d’ASE. Parmi eux, 221 000 (57 %) sont concernés par une mesure d’accueil en dehors de leur milieu de vie habituel et 175 800 (46 %) une action éducative, consistant en l’intervention d’un travailleur social au domicile. Certains jeunes peuvent bénéficier simultanément d’une mesure d’accueil et d’une action éducative : une action éducative en milieu ouvert (AEMO) peut notamment être décidée par le juge en complément d’un placement direct auprès d’un tiers digne de confiance. Les mesures relèvent majoritairement de décisions judiciaires. C’est le cas de 71 % des mesures d’action éducative et de 79 % des mesures d’accueil à l’ASE.
Source : L’aide sociale à l’enfance. Bénéficiaires, mesures et dépenses départementales associées - Édition 2025









