Soins sous contrainte : le collège médico-soignant de l’établissement est légitime pour évaluer l’état du patient

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Lors d’une hospitalisation sans consentement, le collège médico-soignant (1), composé de professionnels qui exercent tous dans l’établissement d’accueil, est chargé d’évaluer l’état psychique du patient. Dans ce cadre, des défenseurs des droits des usagers alertaient sur le risque « d’arbitraire » et de possibles « perpétuités psychiatriques ». Selon le Conseil constitutionnel, ce collège reste légitime.

Le Conseil constitutionnel (CC) a été saisi le 17 octobre 2025 par la Cour de cassation d’une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) posée par un cabinet d’avocats portant le recours d’une patiente hospitalisée sans consentement au CH de La Chartreuse. Celle-ci contestait le fait que « le collège qui doit être consulté pour évaluer l’état mental du patient dans certains cas d’hospitalisation psychiatrique sans consentement est composé de professionnels de santé appartenant tous à l’établissement dans lequel la personne est prise en charge (…) De ce fait, l’indépendance du collège ne serait pas assurée, alors que c’est au regard de son avis que le juge est conduit à apprécier le bien-fondé du maintien des soins sans consentement sous le régime de l’hospitalisation complète. Faute de garanties suffisantes contre le risque d’arbitraire, ces dispositions méconnaîtraient ainsi, selon elle, la liberté individuelle ainsi que le droit à la sûreté ».

Le CC a donc examiné l’inconstitutionnalité éventuelle de l’article L 3211-9 du code de la santé publique (1), relatif à ce collège interne de trois soignants convoqué pour délivrer un avis sur la remise en liberté des personnes hospitalisées sans consentement sur décision du directeur de l’hôpital d’accueil depuis plus d’un an, ainsi que pour les personnes déclarées pénalement irresponsables avec application d’un régime dérogatoire lorsque la levée de mesure d’hospitalisation d’office est envisagée.

Plusieurs associations de défense des droits des patients, dont le cercle de réflexion et de proposition d’action sur la psychiatrie (CRPA), la Ligue des droits de l’homme et Avocats, droits, psychiatrie sont intervenues dans le débat. Le CRPA pointait notamment que cet article « participe de procédures qui, dans les faits, instaurent des “perpétuités psychiatriques”, trop souvent illégitimes et disproportionnées ». L’association relève par ailleurs que ce rôle pourrait être rempli par la Commission départementale des soins psychiatriques du département.

L’arbitraire écarté

Dans sa décision rendue le 12 décembre, le Conseil constitutionnel a cependant considéré que ce collège reste légitime, et précise l’intention du législateur. Il pointe que l’évaluation collégiale et approfondie de l’état du patient avant certaines décisions portant sur le maintien ou sur la forme des soins doit assurée par des professionnels de santé disposant d’une connaissance particulière de sa situation.

En outre, les sages mettent l’accent sur plusieurs situations. D’une part, en vertu de l’article L3211-12-2 du Code de santé publique, relèvent-ils, le juge statue « à la suite d’un débat contradictoire au cours duquel la personne faisant l’objet de soins psychiatriques est entendue, assistée par un avocat ». D’autre part, le juge contrôle, dans ce cadre, « non seulement la régularité de la décision administrative d’admission ou de maintien en soins psychiatriques sans consentement, mais aussi le bien-fondé de la mesure ».

S’il n’appartient pas au magistrat de porter une appréciation médicale en substituant son avis à l’évaluation, par les médecins, des troubles psychiques du patient et de la nécessité des soins, « il résulte de la jurisprudence de la Cour de cassation que [le juge] peut toujours, même lorsqu’un avis médical prescrit le maintien de l’hospitalisation complète, ordonner une expertise médicale extérieure à l’établissement », souligne la décision. Cette expertise peut être demandée par le magistrat en prenant en considération « d’autres éléments du dossier ou ses propres constatations, y compris à la demande de l’avocat de la personne ». Par conséquent, les dispositions contestées « ne méconnaissent pas les exigences de l’article 66 de la Constitution ». Ces dispositions, « qui ne méconnaissent pas non plus le droit à la sûreté, ni aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit, doivent être déclarées conformes ».

1– Le collège médico-soignant au cœur de ce débat a été institué par l’article L3211-9 du CSP qui stipule : « le directeur de l’établissement d’accueil du patient convoque un collège composé de trois membres appartenant au personnel de l’établissement : 1° Un psychiatre participant à la prise en charge du patient ; 2° Un psychiatre ne participant pas à la prise en charge du patient ; 3° Un représentant de l’équipe pluridisciplinaire participant à la prise en charge du patient. Les modalités de désignation des membres et les règles de fonctionnement du collège sont fixées par décret en Conseil d’Etat »

Décision n° 2025-1178 QPC du 12 décembre 2025, Composition du collège en charge de l’évaluation de l’état du patient dans le cadre des soins psychiatriques sans consentement sous la forme de l’hospitalisation complète, à télécharger sur le site du Conseil constitutionnel.

A propos de cette QPC, voir aussi l‘argumentaire du Cercle de proposition et de réflexions sur la psychiatrie (CRPA).

Photo DR Pixabay Mohammed-hassan