Protocoles de coopération : la psychiatrie pionnière pour transformer l’offre de soin

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En s’engageant résolument dans le déploiement de protocoles de coopération, Le Vinatier montre qu’ils peuvent être un puissant levier pour réorganiser l’offre de soins, sécuriser les parcours et optimiser le temps médical. Brian Levoivenel, cadre de santé, revient sur cette dynamique, tournée actuellement vers un déploiement au niveau national via un réseau, le Copsy.

Longtemps restée en marge d’un dispositif pourtant créé en 2009 (1), la psychiatrie montre aujourd’hui combien les protocoles de coopération peuvent devenir un puissant levier organisationnel à condition d’être déployés de manière cohérente et systémique. Pensés à l’origine comme des délégations d’actes dérogatoires entre professionnels de santé permettant de répondre à des problématiques locales (2), ces dispositifs se sont diffusés au point de devenir, dans les faits, un outil de transformation des pratiques. Cette diffusion s’est pourtant faite dans la dispersion : près de 600 protocoles locaux existent en France, sans réseau, sans capitalisation, sans communauté pour en partager les effets.

La psychiatrie est en train de combler ce vide en partant de rien. Au Vinatier, les premiers protocoles ont été construits ex nihilo : consultation infirmière aux urgences, suivi infirmier des patients sous Clozapine (lire notre article), puis consultation de suivi des patients stabilisés en CMP adultes et en pédopsychiatrie (lire notre article)… Ces expériences ont montré qu’une organisation fondée sur une répartition structurée des activités entre professionnels de santé – Médecins, Infirmier en pratique avancée (IPA) et Infirmier exerçant sous protocoles de coopération (Idep) – selon l’intensité et la stabilité des troubles des patients pouvait améliorer l’accès aux soins, sécuriser les parcours et optimiser le temps médical sans compromettre la qualité ni la sécurité.

Le diagnostic institutionnel mené au Vinatier qui a suivi a confirmé ce que vivent tous les établissements de psychiatrie : les besoins sont récurrents, communs, disciplinaires. Les mêmes types de patients, les mêmes intensités cliniques, les mêmes demandes organisationnelles appellent les mêmes dérogations : renouvellement de traitements, déprescription encadrée, prescription d’examens complémentaires et de recours aux IDEL. C’est de ce constat qu’est né Copsy, sous l’égide de l’Association des établissements du service public de santé mentale (Adesm), premier réseau coordonné de protocoles de coopération en psychiatrie, premier réseau de protocoles de coopération toutes disciplines confondues. Il fédère aujourd’hui les établissements volontaires autour d’outils méthodologiques communs, d’un catalogue de protocoles partageables, de formations modulaires standardisées pour les délégués, pour les managers, et d’un accompagnement direct des équipes.

Avec cette dynamique, la psychiatrie démontre que ces protocoles locaux pourraient être structurés au national : soit à partir d’une constellation dispersée de protocoles existants, soit à partir d’un noyau structuré pour construire une cohérence d’ensemble. Dans les deux cas, la réponse est la même : créer un réseau et une communauté de pratique pour rendre visibles, transmissibles et exploitables des innovations qui existent déjà tout en conservant l’agilité du dispositif.

La discipline devient ainsi précurseur non parce qu’elle a été la première, mais parce qu’elle montre comment l’exception peut devenir une règle organisée. Il est temps que le système de santé s’en saisisse pleinement.

• Brian Levoivenel, Cadre supérieur de santé – Le Vinatier Psychiatrie universitaire Lyon métropole (Pulm), Directeur du réseau Copsy

1– Protocoles de coopération : création en 2009 par un article 51 de la loi HPST
2– Protocoles de coopération locaux : création en 2019 par la loi RIST relative à l’organisation et à la transformation du système de santé