Formation infirmière : la réforme victime d’un bras de fer entre les régions et l’État

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Le Conseil national d’évaluation des normes (CNEN) a reporté, le 11 décembre, l’examen des projets de décret et arrêté, qui font pourtant consensus et doivent cadrer le nouveau référentiel de formation infirmière, de peur qu’ils ne « réduisent les compétences des régions ». Les étudiants s’insurgent.

C’est un coup de théâtre dont se seraient bien passés les étudiants en sciences infirmières. La réingénierie de leur formation, attendue depuis des années et annoncée pour septembre 2026, est désormais suspendue à la décision d’une instance, le Conseil national d’évaluation des normes, chargé d’émettre un avis sur l’impact financier des normes sur les collectivités locales. Son collège d’élus a reporté l’examen des textes devant le coût que la réforme ferait peser sur le budget des régions (une perte estimée à 9 millions d’euros liée au transfert des droits d’inscription des instituts vers les universités, sans compensation financière de la part de l’État).

Bataille politique

Alors que le gouvernement envisage de réduire les compétences des Agences régionales de santé (ARS) dans le cadre d’une future loi de décentralisation et de transférer un certain nombre de leurs compétences aux collectivités locales, «les régions utilisent les étudiants infirmiers comme monnaie d’échange », dénonce Clara Schmitt, de la Fédération nationale des étudiant·e·s en sciences infirmières (Fnesi) « et cette réforme comme levier de négociations financières sans prendre en compte l’urgence étudiante ». Le temps presse en effet et les enjeux sont importants puisque ce blocage « empêche les Intituts de formation en soins infirmiers (Ifsi) de s’approprier les textes et les universités de créer les futures maquettes de formation ». La Fnesi redoute une rentrée bâclée pour les étudiants.

Selon les chiffres de l’organisation étudiante, « les régions financent en moyenne 7500 euros par étudiant infirmier aujourd’hui contre un financement de l’Etat de 12 500 euros par étudiants à l’université. Aujourd’hui, notre formation est sous-financée », tranche Clara Schmitt. La Fnesi demande un transfert de compétence des régions aux universités.

Bras de fer

« On voit bien que la formation est prise en otage dans le bras de fer entre les régions et l’État » , souligne à son tour Thierry Amouroux, porte-parole du Syndicat National des Professionnels Infirmiers (SNPI), « mais aussi que l’Etat se désengage en sous-dotant les régions, qui ne peuvent plus financer les études des futurs professionnels de santé. Elles ont d’ailleurs d’ores et déjà menacé d’abaisser les quotas d’étudiants infirmiers de 10%, alors qu’on connait les besoins sur le terrain ». Le SNPI a demandé des rendez-vous auprès du ministère de la Santé et des différentes régions. « Tout le monde a intérêt à sortir de cette situation de blocage devant les besoins de santé des territoires ».

Douche froide

Le coup est rude alors même que les textes encadrant le nouveau référentiel font consensus et qu’ils sont prêts. Le 9 décembre, la FNESI saluait dans un communiqué le vote du Haut conseil des professions paramédicales (HCPP) et du Conseil national de l’enseignement supérieur et de la recherche (CNESER) en faveur des deux textes. La prochaine séance du Conseil national d’évaluation des normes aura lieu le 10 janvier prochain. D’ici là, les discussions devraient s’ouvrir, veut croire Thierry Amouroux. Les étudiants, eux, retiennent leur souffle.