Et pourquoi pas une « Académie du rétablissement »…

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Si le modèle du rétablissement en psychiatrie semble s’imposer, son déploiement reste souvent difficile. Comment implanter ce concept au sein d’une institution de soin ? A la Fondation de Nant (Suisse), une « Académie du rétablissement » a permis d’opérationnaliser cette dynamique.  

En psychiatrie, depuis quelques années le concept de rétablissement est censé révolutionner la façon d’aborder la maladie psychique et faire bouger le monde de la santé mentale. Si cette approche est porteuse d’espoir, la façon dont les institutions s’en emparent pour faire évoluer leurs pratiques reste très variable… On connait les lenteurs institutionnelles… et il faut parfois une crise pour provoquer une opportunité. À la Fondation de Nant, notre Centre de jour devait se réinventer. Le modèle en place, qui avait fonctionné avec succès pendant quelques décennies, commençait à s’essouffler. De (trop) longs séjours dans un endroit bien organisé, mais un peu trop confortable, n’encourageait pas la participation active des patients et leur autodétermination. Si le modèle du rétablissement semblait s’imposer, comment l’implanter dans le concret des soins ? Ce concept séduisant est donc resté quelques années au placard, faute de savoir comment l’empoigner…

Pour sortir de cet immobilisme, choix a été fait de lancer un groupe de travail hebdomadaire sur le thème du rétablissement, à raison de sessions de deux mois, nous laissant ainsi la possibilité d’une session à l’autre de le faire évoluer. Le groupe est animé par des membres de l’équipe soignante, et un pair praticien en santé mentale (PPSM) vient compléter notre savoir académique de son savoir expérentiel.  Une quinzaine de patients participent à ce groupe (semi ouvert).

Au fil des sessions, à travers les attentes et questions des patients le groupe a évolué. Durant les trois premières séances nous abordons le rétablissement d’un point de vue psychoéducatif : histoire, fondements, différents stades et axes. Ces éléments sont soumis à l’épreuve du groupe : les patients s’y retrouvent-t-il ou pas ? L’implication de chacun est activement recherchée. Durant les séances suivantes, des intervenants externes sont conviés : médecin, pharmacienne, assistante sociale, spécialiste de la réinsertion professionnelle… Ces interventions permettent d’explorer les différents axes du rétablissement, qui constituent le fil rouge du groupe. Le modèle est le même : une présentation d’une vingtaine de minutes précède un temps d’échange. La séance se termine « en douceur » par quelques exercices de relaxation inspirés de différentes approches (sophrologie, do-in) proposées par une collègue formée à ces techniques et pouvant être réinvestis de manière autonome.

 Ce groupe a très vite trouvé sa place au Centre thérapeutique de jour, répondant clairement à une attente. Aujourd’hui, sa fréquentation est exponentielle, bien au-delà de nos prévisions.  La richesse des échanges, le partage de connaissances et des expériences en particulier celles du PPSM, ainsi que l’enrichissement apporté par les différents professionnels invités sont particulièrement appréciés. Les moyens engagés dans ce groupe, l’intérêt de l’équipe à y participer, favorisent un climat d’entraide porteur d’espoir pour des patients souvent très atteints dans leur estime d’eux-mêmes. Pour les prochaines sessions, d’autres intervenants sont prévus, les idées ne manquent pas… Notons que les invités apprécient particulièrement ce modèle d’intervention au sein de ce groupe très participatif et ils n’hésitent pas à renouveler leurs disponibilités.

Aujourd’hui, à la Fondation de Nant, le concept du rétablissement est devenu un modèle de soin tangible qui donne du sens et de la cohérence à la dynamique du Centre de jour. Les axes du rétablissement orientent ainsi les différents groupes et activités proposées. La direction souhaitée se clarifie et offre des perspectives d’innovations très stimulantes. Rebaptisé pompeusement « Académie du rétablissement », ce groupe va continuer à faire évoluer les pratiques, en coconstruction avec les patients qui se le sont appropriés.

Lorane Marques, infirmière (Centre de jour) et Michel Miazza, infirmier chef – Fondation de Nant