Dans une note le Think Tank Terra Nova développe les raisons pour lesquelles la santé mentale au travail doit devenir rapidement une urgence stratégique pour les organisations publiques et privées, une « grande cause nationale de l’entreprise ». Ignorer les enjeux de santé mentale de ses collaborateurs n’est plus une option.
Terra Nova rappelle que les entreprises ne peuvent se désintéresser de la montée inquiétante de la détresse psychologique et de la dégradation de la santé mentale qui affectent la vie de leurs clients, de leurs partenaires et de leurs salariés. Le phénomène est d’autant plus pressant « qu’il affecte en tout premier rang les jeunes, qui sont la condition de pérennité des entreprises dans le futur« . Près d’un jeune sur quatre a déjà eu des pensées suicidaires. Avec plus 23 milliards € par an, les dépenses remboursées au titre de la souffrance psychique et des maladies psychiatriques sont devenues le premier poste de dépenses de l’Assurance Maladie, devant les cancers et les maladies cardiovasculaires. Elles représentent un coût annuel global de plus de 100 milliards € en intégrant les pertes de revenus et de bien être induites. Et d’affirmer « que ce phénomène, longtemps sous-estimé, est devenu une crise systémique« .
« La santé mentale est désormais le premier problème de santé à l’échelle mondiale, touchant 45 % des personnes devant le cancer (38 %). Si la France n’est pas seule, sa position relative est favorable. Ainsi, par exemple, notre pays affiche la prévalence la plus élevée de syndromes dépressifs en Europe (11 % contre 6 % en moyenne européenne) ».
Par ailleurs, rappelle Terra Nova, « les entreprises doivent mettre fin à une longue période d’indifférence. Les difficultés à objectiver et quantifier, les représentations biaisées, le manque de données fiables et le déni de responsabilité ont freiné l’action« . Parmi les entreprises qui agissent, beaucoup se contentent d’écouter les signaux faibles sans passer à l’action ni agir sur les leviers structurels du travail. Pourtant, les causes organisationnelles (charge mentale, pression temporelle, manque d’autonomie et de reconnaissance, conflits de valeurs…) sont désormais bien identifiées comme prédicteurs du mal-être. Pour Terra Nova, « les troubles mentaux sont d’ailleurs responsables, selon les estimations, de 35 à 45 % de l’absentéisme. Le point de vue des salariés est clair : 81 % d’entre eux estiment que la santé mentale est un enjeu préoccupant« .
« Dans un contexte européen, pour lutter contre le stress au travail, les entreprises françaises, en moyenne, mettent à disposition de leurs salariés moins de ressources de sensibilisation, de formation et de soutien que leurs homologues européennes ».
Pour le Think Tank, l’entreprise n’a donc plus le choix ; elle doit s’impliquer ! D’autant qu’elle est aussi tenue par ses obligations légales, notamment l’obligation de protéger la santé physique et mentale de ses salariés, précisée par le Code du travail. « Les leviers d’action sont désormais bien balisés. Ils passent par une implication forte à tous les niveaux, du salarié au dirigeant« .
Voici les préconisations deTerra Nova
– Équiper les salariés. Il faut dépasser les approches individualistes (tickets-psys, hotlines…) pour agir sur les causes structurelles. La prévention primaire, centrée sur l’organisation du travail et son management, est essentielle. Les dispositifs doivent inclure des diagnostics ciblés, des espaces de discussion, des mesures concrètes sur la conciliation vie pro/perso, et une lutte active contre les stéréotypes.
– Soutenir les managers. Ils sont à la fois exposés et déterminants. Ils doivent être formés à l’écoute, à la reconnaissance, au dialogue professionnel et évoluer vers plus d’autonomie, de confiance et de régulation, afin de faire de la santé mentale une compétence partagée. Le manque de reconnaissance est un facteur de risque majeur en France, où seuls 56 % des salariés estiment que leur travail est reconnu à sa juste valeur, contre 72 % au Royaume-Uni et 75 % en Allemagne.
– Mobiliser les dirigeants. Ce sont eux qui doivent incarner la transformation. Ils ont la responsabilité de créer un environnement de travail entraînant et protecteur, de structurer une organisation du travail soutenable et de promouvoir une culture de régulation, alors qu’aujourd’hui, 24% des salariés jugent ne pas pouvoir produire un travail de qualité en raison d’une organisation déficiente. Le dialogue social, le diagnostic partagé, la prévention des crises, la formation des RH et l’intégration des salariés fragiles sont des piliers incontournables.
En conclusion
« Cet effort est riche en impacts positifs et l’entreprise y trouvera des bénéfices pour ses parties prenantes et pour elle-même. » Investir dans la santé mentale, c’est améliorer la performance globale de l’entreprise et c’est contribuer à limiter l’augmentation des coûts supportés par l’Assurance maladie – les motifs psychologiques sont devenus la principale raison de prescription d’arrêts de travail de longue durée, qui représentent 31 % des arrêts en 2023 contre 14 % en 2020. C’est aussi favoriser les capacités professionnelles des salariés et leur engagement au travail. Les entreprises engagées en qualité de vie et des conditions de travail (QVCT) ont 5 fois plus de salariés engagés que celles qui ne le sont pas et 91 % de salariés en bonne santé en plus.
La santé mentale est aussi un levier d’attractivité : 91 % des salariés la considèrent comme un critère de choix important d’employeur. À l’inverse, 16 % ont déjà démissionné pour des raisons liées à leur santé mentale. La santé mentale au travail n’est plus un sujet périphérique. Elle est au cœur de la performance, de la justice organisationnelle et de la responsabilité sociale. Les entreprises doivent agir, non par obligation, mais par conviction, pour faire du travail un facteur de protection et non un facteur de risque pour la santé mentale de leurs salariés. Pour Terra Nova, l’engagement des entreprises paiera : « dans les mois qui viennent, on fera la différence entre ceux qui feront entendre la complainte de l’augmentation inquiétante des arrêts-maladie et ceux qui ont compris qu’il est temps de briser les tabous et d’agir pour l’avenir« .
• « Santé mentale au travail : les entreprises françaises n’ont plus le choix de l’attentisme », note de Terra Nova, 31 octobre 2025.










