La santé mentale dans les cités éducatives : une montée en puissance à accompagner

FacebookXBlueskyLinkedInEmail

Un rapport de l’Inspection générale des affaires sociales (Igas) souligne l’apport les cités éducatives (1) dans le domaine de la santé mentale et leur capacité à mettre en relation les acteurs locaux, permettant d’adapter aux besoins très précis d’un territoire les nombreux dispositifs qui coexistent déjà pour assurer la prévention des troubles. Dix recommandations sont formulées.

Depuis 2019, les « cités éducatives » (1) visent à fédérer l’ensemble de la communauté éducative pour coordonner les stratégies locales d’accompagnement des 0-25 ans, au sein des quartiers de la politique de la Ville, à travers un label et des financements spécifiques. Dans le contexte très préoccupant de la dégradation de la santé mentale des enfants et des jeunes et de l’insuffisance des moyens pour y faire face, le rapport conjoint de l’Inspection générale des affaires sociales (Igas) et de l’Inspection générale de l’Éducation, du Sport et de la Recherche (IGÉSR) examine dans quelle mesure ces cités se sont engagées sur le sujet et comment elles peuvent renforcer leur contribution.

Constatant une montée en puissance progressive des cités éducatives en matière de santé mentale, la mission encourage la poursuite de cette démarche, sans l’imposer, et propose de l’accompagner sous certaines conditions, compte tenu des difficultés pour l’évaluer. 

Le rapport formule dix recommandations pour soutenir la promotion et la prévention en santé mentale, en rappelant que les cités éducatives n’ont pas vocation à intervenir dans la prise en charge et l’organisation des parcours de soins, qui relèvent en premier lieu des acteurs du soin.

Quelles recommandations ?

Au niveau national ; lancer une démarche nationale sous la houlette de l’Agence nationale de la cohésion des territoires et de la Direction générale de l’enseignement scolaire (DGESCO), avec l’appui indispensable du ministère chargé de la Santé, afin d’outiller les cités éducatives (espaces de discussion,  partage de bonnes pratiques).

Au niveau local : associer plus systématiquement les acteurs de la santé à la gouvernance des cités éducatives, pour permettre à ces dernières de bénéficier d’une expertise en la matière et éviter les dédoublements d’actions ou de dispositifs. Le rapport recommande, notamment, la participation de l’agence régionale de santé, au moins une fois par an, au comité de pilotage de chaque cité éducative, et l’association du coordonnateur du projet territorial de santé mentale (PTSM) ou du conseil local de la santé mentale (CLSM) aux travaux de celle-ci.

Au niveau de chaque cité éducative : favoriser la mise en relation des acteurs du territoire et la complémentarité avec les actions de droit commun. L’ingénierie des cités éducatives doit être mobilisée pour mettre en place des actions répondant aux critères de qualité retenus par le ministère de la Santé, notamment pour développer des compétences psychosociales et former aux premiers secours en santé mentale.

En conclusion, la mission relève que les cités éducatives ne sauraient être regardées comme un nouveau vecteur de l’accès aux soins, si ce n’est pour pallier, ponctuellement et exceptionnellement, une situation de carence particulière. En revanche, elles peuvent, sur les enjeux de prévention, de repérage ou d’orientation, chercher à faire fructifier les complémentarités entre les acteurs d’un territoire. L’apport principal que peuvent offrir les cités éducatives dans le domaine de la santé mentale réside, à ce titre, dans l’agilité de leur démarche, qui se déploie au plus près des enfants et des jeunes, et dans leur capacité à mettre en relation les acteurs locaux, permettant d’adapter aux besoins très précis d’un territoire les nombreux dispositifs qui coexistent déjà pour assurer la prévention des troubles en santé mentale

Rapport Igas-IGESR Santé mentale dans les cités éducatives (2025).pdf (PDF – 2.15 Mo)

(1) Les « cités éducatives » sont un label national créé en 2019, relevant de la politique de la ville et copiloté par l’Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT) et par la Direction générale de l’enseignement scolaire (DGESCO). Leur objectif général est « d’intensifier les prises en charges éducatives des enfants et des jeunes, de 0 à 25 ans, pendant, autour et en dehors du cadre scolaire » (cf. cahier des charges de la labellisation 2024).
Un groupe d’acteurs, réuni autour d’une « troïka » composée des services de la préfecture, de l’éducation nationale et de la commune, élabore un programme d’action éducative, pour un territoire comportant au moins un quartier politique de la ville (QPV). A l’usage, le terme « cité éducative » peut désigner le programme d’action, le groupe d’acteurs ou le territoire. Les cités éducatives se caractérisent par leur souplesse de fonctionnement : leur programme d’action est
établi librement par les acteurs locaux, à partir d’un diagnostic des besoins et dispositifs de droit commun présents sur le territoire, et est susceptible d’évoluer tout au long de la durée de la labellisation.
Le label est accordé pour trois ans et ouvre droit à des crédits du programme budgétaire P147 « politique de la ville » (enveloppe totale pour les cités éducatives d’environ 70 M€ en 2023 et 2024, soit 350 K€ en moyenne par cité éducative et par an), auxquels doivent s’ajouter des co-financements.

On dénombrait 209 cités éducatives fin 2024, couvrant un quart des QPV. Lors du comité interministériel des villes (CIV) du 6 juin 2025, ont été confirmées 40 labellisations supplémentaires (mesure n°1 du CIV), qui avaient été présentées dès mai 2025, en cohérence avec l’augmentation de l’enveloppe dédiée sur le P147, à 86 M€, permettant de maintenir le
financement annuel moyen par cité éducative. A également été annoncée l’instauration d’accueils psychologiques dans les QPV en lien notamment avec les cités éducatives, bien que celles ne soient pas citées pour le premier temps du déploiement (mesure n°3 du CIV). A la date de transmission de ce rapport, la traduction concrète de cette mesure reste à préciser : elle devrait principalement prendre appui sur les programmes de réussite éducative (PRE), et se traduire notamment par des conventionnements (associant assurance maladie et Agences régionales de santé – ARS) pour favoriser l’accès au dispositif « Mon Soutien Psy », dans des conditions qui doivent encore être déterminées, s’agissant tout particulièrement des modalités de l’accueil envisagé et du schéma financier retenu.

Photo : © Stocklib / spicytruffel