Selon un rapport de la Cour des comptes, la délivrance des médicaments à l’unité, sans exiger un changement complet de système, pourrait être développée et rendue obligatoire de manière sélective, s’agissant au moins des antibiotiques, des médicaments les plus dangereux ou onéreux, et en cas de pénurie.
La dispensation des médicaments par les officines de ville repose, en France, sur le conditionnement à la boîte qui détermine la sécurité de la chaîne d’approvisionnement, la tarification, le mode de délivrance, la rémunération des grossistes-répartiteurs et celle des pharmaciens. La délivrance à l’unité au sens officiel, consistant en la remise de la juste quantité de doses correspondant au traitement prescrit, n’est aujourd’hui pratiquée que par exception, selon un régime de tarification et des normes professionnelles non incitatives, car ne s’affranchissant pas réellement du conditionnement à la boîte. Ce mode de délivrance contribue pourtant à limiter le gaspillage, à améliorer l’observance, à réduire l’iatrogénie et à atténuer les pénuries. Ce sont d’ailleurs les principaux motifs qui la justifient dans les pays qui la pratiquent.
La délivrance à l’unité existe déjà, mais de manière marginale en ville
Elle est obligatoire de longue date pour la vente de produits stupéfiants (produits à risque d’addiction, anti-douleurs puissants…) et, depuis 2024, pour la vente de produits soumis à des difficultés d’approvisionnement lorsque les autorités sanitaires le décident (cas de la quétiapine, antipsychotique, en 2025). Elle est autorisée depuis 2022 pour la vente d’antibiotiques, pour lutter contre le gaspillage et l’antibiorésistance. Les quantités délivrées ainsi à l’unité, au total, sont faibles ; elles n’ont représenté, en 2024, que 0,08 % des dépenses de médicaments délivrés en ville. En effet, les difficultés matérielles de mise en œuvre au comptoir, de gestion des reliquats des boîtes et de tarification n’incitent pas les pharmaciens à la pratiquer en dehors des cas où elle est obligatoire.
Un changement complet de régime de dispensation, du conditionnement à la boîte vers le conditionnement à l’unité, engendrerait cependant des coûts élevés de transformation de la chaîne de production et de distribution du médicament pour des gains, au total, limités ou incertains. Au regard du coût de sa mise en œuvre en officine et de son mode de tarification, la délivrance à l’unité n’offrirait des économies que pour un nombre restreint de médicaments, les plus onéreux et en traitement ponctuel. Sans exiger un changement complet de système, la délivrance à l’unité pourrait être développée et rendue obligatoire de manière sélective, s’agissant au moins des antibiotiques, des médicaments les plus dangereux ou onéreux, et en cas de pénurie. De telles évolutions nécessiteraient qu’une tarification à l’unité de ces médicaments soit officialisée, en plus de la tarification à la boîte, et les modalités pratiques de délivrance à l’unité précisées.
En ville, la délivrance à l’unité ne peut s’appliquer qu’aux médicaments sous forme orale sèche (comprimés et gélules) et est particulièrement adaptée aux traitements aigus, de courte durée. Ainsi délimité, le champ de pertinence de la délivrance à l’unité représenterait 52 % du nombre de boîtes de médicaments vendues en officine et 15 % de la dépense de médicaments délivrés en ville (soit un ordre de grandeur de 4,5 Md€).
« Bien qu’elle ne constitue pas un levier décisif pour réduire les dépenses de santé, la délivrance à l’unité mérite d’être facilitée et sécurisée, sur les plans réglementaires et tarifaires, dans une logique d’ensemble visant à réduire la consommation de médicaments, aux côtés de plusieurs autres mesures rappelées par la Cour dans le présent rapport ».
D’autres moyens permettent par ailleurs de réduire les délivrances en excès, tels que l’adaptation des quantités de médicaments contenues dans les boîtes. Enfin, l’activité de préparation des doses à administrer par les officines s’accroît et est devenue une forme perfectionnée de délivrance à l’unité, sans être officiellement considérée comme telle. Son développement à grande échelle pour les traitements chroniques au bénéfice des patients âgés polymédicamentés, justifie sa reconnaissance comme mode de délivrance à l’unité en soi, l’adoption d’un régime de tarification à l’unité et des règles d’organisation et de sécurité claires.
C’est sur cette activité qui prend de l’ampleur et qui modifie les missions du réseau pharmaceutique que la majeure partie des gains espérés de la délivrance à l’unité des médicaments peut être obtenue, tout en contribuant à l’amélioration de la qualité du service rendu aux patients.
Compte tenu de ces observations, la Cour formule les recommandations suivantes :
1. Inclure, en 2026, la question des conditionnements dans le cadre des négociations relatives à la tarification des produits de santé, au titre des conditions prévisibles et réelles d’utilisation (recommandation réitérée) (ministre chargé de la santé) ;
2. Analyser en continu et dès 2026, à partir des données de l’ordonnance numérique, les écarts entre quantités prescrites et quantités délivrées par médicament et les coûts qui en résultent, et les communiquer à la Haute Autorité de santé et au Comité économique des produits de santé (ministre chargé de la santé, Cnam) ;
3. fonder, d’ici à la fin de 2027, la rémunération officinale de la délivrance de médicaments (honoraires) sur l’acte de dispensation au patient, indépendamment du nombre de boîtes vendues (recommandation réitérée) (Cnam) ;
4. Réglementer, d’ici à la fin de 2027, la quantité de médicaments à délivrer au commencement ou en phase d’ajustement d’un traitement chronique ou onéreux (ministre chargé de la santé, Cnam) ;
5. Instituer, d’ici à la fin de 2027, une tarification (marge et honoraires) du médicament à l’unité pour la vente au public, indépendante et complémentaire de la tarification à la boîte (ministre chargé de la santé, Cnam) ;
6. définir, en 2026, un cadre juridique pour la préparation des doses à administrer comme mode de délivrance à l’unité, et appliquer la tarification correspondante (ministre chargé de la santé, Cnam) ;
7. rendre obligatoire, en 2026, la déclaration par les officines aux ARS de l’activité automatisée de préparation des doses à administrer (ministre chargé de la santé) ;
8. expérimenter, en 2026, un régime de mutualisation ou de sous-traitance de la préparation des doses à administrer, pour améliorer le suivi des traitements chroniques par les officines de proximité (ministre chargé de la santé, Cnam).
• La délivrance à l’unité des médicaments. Une pratique à développer de manière sélective. Rapport de la Cour des Comptes, novembre 2025. (PDF)










