Une récente étude publiée en octobre dernier dans PLOS Medicine, et réalisée à partir d’un modèle inédit de micro-simulation, montre qu’un usage excessif des réseaux sociaux serait associé, entre autres, à 590 000 cas supplémentaires de dépression chez les jeunes nés entre 1990 et 2012. A partir de ces résultats, les chercheurs ont testé plusieurs pistes concrètes de prévention. Communiqué de l’AP-HP.
C’est sous la coordination du Pr Nicolas Hoertel, que les équipes du service de psychiatrie de l’hôpital Corentin-Celton AP-HP, de l’Université Paris Cité, de l’Inserm et de l’Institut de psychiatrie et neuroscience de Paris, ont développé un modèle de micro-simulation pour évaluer l’impact des réseaux sociaux sur le risque de dépression chez les adolescents en France.
Les auteurs rappellent qu’en France, la prévalence annuelle de la dépression caractérisée chez les adolescents a fortement augmenté ces dernières années, passant de 2 % en 2014 à 9 % en 2021, une tendance particulièrement marquée chez les adolescentes. Cette évolution s’accompagne d’une augmentation rapide du temps passé sur les réseaux sociaux, estimé à 2 h 12 par jour en moyenne en 2021.
Les chercheurs ont développé une approche innovante de modélisation avec un modèle de micro-simulation inédit fondé sur les données démographiques françaises de 18,6 millions d’adolescents nés entre 1990 et 2012 et suivis entre 2000 et 2022. Ce modèle intègre 95 paramètres, tels que les habitudes d’utilisation des réseaux sociaux et les facteurs de risque classiques de dépression (adversités durant l’enfance et l’adolescence, pathologies chroniques, inactivité physique, obésité ou usage de substances). La validation de ce modèle a été réalisée sur des données américaines prospectives indépendantes.
Les résultats de ces simulations montrent que l’usage excessif des réseaux sociaux serait associé, chez cette génération d’adolescents, à :
- 590 000 cas supplémentaires de dépression au cours de leur vie (intervalle de crédibilité à 95 % : 400 000 – 760 000) ;
- 799 décès par suicide supplémentaires (intervalle de crédibilité à 95 % : 547 – 1 028) ;
- 137 000 années de vie en bonne santé perdues (intervalle de crédibilité à 95 % : 94 000 – 176 000) ;
- 3,94 milliards d’euros de coûts économiques et sociaux liés à ces troubles (intervalle de crédibilité à 95 % : 2,70-5,07).
Ces chiffres soulignent l’enjeu majeur de santé publique que constitue l’impact des médias sociaux sur la santé mentale. A partir de ces résultats, les chercheurs ont testé plusieurs pistes concrètes de prévention :
- La limitation de l’usage des réseaux sociaux à 1 heure par jour pourrait réduire la prévalence cumulée de la dépression de 14,7 % ;
- Le remplacement de 30 minutes de réseaux sociaux par 30 minutes d’activité physique permettrait une baisse de cette même prévalence de 12,9 % ;
- L’arrêt complet des réseaux sociaux pour les 8,5 % d’adolescents les plus à risque pourrait réduire cette même prévalence de 12,0 %.
À noter, toutefois, que cette micro-simulation ne permet pas d’établir un lien causal direct et repose sur des mesures d’exposition basées uniquement sur la durée d’utilisation, sans capturer le type de contenu consulté ou la nature de l’interaction entre utilisation active et passive. Elle représente néanmoins le plus haut niveau de preuve scientifique accessible pour étudier cette question, les essais cliniques randomisés à long terme n’étant pas réalisables pour des raisons éthiques et logistiques.
Les résultats suggèrent fortement que l’usage excessif des réseaux sociaux a contribué de manière substantielle à la hausse récente de la dépression chez les jeunes en France et qu’il est essentiel de renforcer l’information et les mesures de prévention ciblées pour les enfants et adolescents, particulièrement ceux à risque de dépression.
Cette étude, promue par l’AP-HP, a été menée en collaboration avec des équipes de Columbia University (New York, Etats-Unis), National Institute on Drug Abuse et de Public Health Expertise.
• Références : Nicolas Hoertel ,Mark Olfson, Carlos Blanco, Margot Biscond, Frédéric Limosin, Marina Sánchez-Rico, Martin Blachier, Henri Leleu – PLOS Medicine.










