N° 301 - Octobre 2025

S’engager contre la LGBT+phobie

Auteur(s) : Philippe ZAWIEJA, Psychosociologue du travail Jean-Christophe VILLETTE, Psychologue du travailNbre de pages : 1
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Les stéréotypes ou préjugés LGBT+phobes s’expriment aussi dans les milieux de soin. Le dialogue, combiné au soutien institutionnel, constitue le moyen le plus efficace de promouvoir la diversité.

Le terme « LGBT+phobie » désigne toute attitude négative envers les personnes lesbiennes, gays, bisexuelles ou transgenres. En institution de soin, il peut s’agir de propos ou de réactions de rejet, de moqueries, d’injures, de discriminations, voire de harcèlement ou de violences physiques envers les personnes LGBT+, concernant les salariés, les usagers (patients, résidents, visiteurs…) ou les tiers (fournisseurs…).

CADRE JURIDIQUE ET DÉONTOLOGIE

– Sur le plan législatif, l’article 225-1 du Code pénal sanctionne, parmi d’autres critères de discrimination, toute distinction opérée entre les personnes sur le fondement de leur sexe, leur orientation sexuelle ou leur identité de genre. Par ailleurs, les provocations, diffamations et injures non publiques à caractère raciste, sexiste, homophobe ou transphobe sont plus durement réprimées depuis le décret du 3 août 2017 : les auteurs encourent désormais une amende pouvant aller jusqu’à 1 500 €. Enfin, aux termes de l’article 132-77 du Code pénal, la présence d’un mobile homophobe ou transphobe constitue une circonstance aggravant la peine sanctionnant certaines infractions pénales. Les agissements LGBT+phobes sont en outre passibles de sanctions disciplinaires, puisque toute forme de discrimination est prohibée par le Code du travail (article L. 1132-1). Dans la fonction publique, les articles L. 131-1 et suivants du Code général de la fonction publique s’appliquent. Un cadre général de la non-discrimination est également prévu par la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008.

– Sur le plan déontologique, rappelons que les soignants prêtent serment de soigner les patients avec le même dévouement, quelles que soient leurs origines, leur couleur de peau, leur situation sociale ou leurs orientations religieuses, philosophiques ou sexuelles.

RÉAGIR A UNE REMARQUE LGBT+PHOBE

Face à une remarque LGBT+phobe, le professionnalisme suppose de conserver la maîtrise émotionnelle de la situation.

Quelques repères :

– Éviter d’essentialiser : distinguer comportement ou propos LBGTphobe et personne LBGTphobe, pour ne pas blâmer l’individu mais un de ses actes.

– S’accorder le droit de s’opposer poliment mais fermement à de telles remarques. Amorcer le dialogue : « Savez-vous que cette remarque était homophobe ? » invite la personne à réfléchir sur la légitimité de son propos.

– Expliquer avec calme en quoi la remarque ou la « plaisanterie » est blessante. Dire « je » pour expliquer son ressenti sans donner de leçon de morale. En revanche, face à un interlocuteur foncièrement LGBT+phobe, il peut être pertinent de ne pas perdre son temps et de passer à autre chose, voire de s’éloigner physiquement…

DÉCELER SES PROPRES PRÉJUGÉS

Véhiculée par des normes sociales et des valeurs « traditionnelles », souvent basées sur des conceptions hétéronormatives de la sexualité et du genre, l’homophobie prend parfois une tournure inconsciente, ordinaire, masquée par des expressions ou plaisanteries toutes faites. Même employées sans malveillance, elles contribuent à véhiculer des stéréotypes et préjugés susceptibles de heurter ou de faire souffrir les personnes LGBT+.

Notons aussi que la culture soignante, aussi ouverte soit-elle, s’est largement construite à partir de présupposés hétéronormés, qui peuvent rendre plus difficile ou plus lente l’appréhension des spécificités cliniques propres aux personnes LGBT+, en termes de santé mentale ou sexuelle notamment. Dans des milieux d’adultes, la sensibilisation et la formation sont donc essentielles pour déconstruire les préjugés et promouvoir l’acceptation de la diversité.

MONTRER L’EXEMPLE

Les postures perçues comme moralisatrices peinent généralement à modifier durablement les comportements. Pour favoriser l’émergence d’une ambiance propice à la diversité, il peut être plus efficace de montrer soi-même l’exemple.

– Réagir face aux remarques LGBT+phobes et engager le dialogue.

– Bannir de son langage professionnel les expressions courantes et stéréotypes LGBT+phobes et, plus largement d’ailleurs, sexistes : le football n’est pas plus « un sport de filles » que la danse n’est « une activité de pédés ».

– Adopter immédiatement et utiliser le prénom d’usage et les pronoms qu’une personne transgenre s’est choisis.

– Respecter scrupuleusement la vie privée des personnes : assurer la confidentialité des informations liées à l’orientation sexuelle ou à l’identité de genre des collègues et des patients. En d’autres termes, ne pas les « outer » en divulguant ces informations sans leur consentement exprès.

– Être présent et à l’écoute auprès des personnes LGBT+.

– Signaler les agissements auprès de la hiérarchie, de la direction et/ou des référents Égalité ou Harcèlement. On le voit, le dialogue, combiné au soutien affiché et résolu de l’institution, constitue le moyen le plus efficace de promouvoir la diversité et de lutter contre les différentes formes de LGBT+phobies.

Philippe Zawieja*, Jean-Christophe Villette**

*Psychosociologue du travail, directeur de la recherche, **Psychologue du travail et des organisations, directeur général ; Cabinet Ekilibre Conseil.