La délivrance de psychotropes à visée hypnotique a diminué de près de 20 % entre 2016 à 2021, mais reste marquée de disparités : elle concerne davantage les femmes et augmente avec l’âge et le niveau de désavantage social, selon une étude de Santé publique France. Ce travail original permet d’évaluer les réalités territoriales de l’insomnie, trouble très fréquent en France.
Plus du tiers des Français (37%) sont insatisfaits de leur sommeil (1) et près de la moitié (42%) déclarent souffrir d’au moins un trouble du sommeil (2), le plus fréquent étant l’insomnie chronique (15-20% des adultes). Près de 20% de la population est considérée comme en « dette chronique de sommeil » (moins de 6h de sommeil par 24h chez les adultes), ce qui est associé à un risque plus élevé de surpoids voire d’obésité, de maladies cardiovasculaires, de diabète de type 2, d’anxiété, de dépression, de somnolence au volant et d’accidents du travail (3).
La région Île-de-France est la plus concernée par ce phénomène. En 2005, environ 8% des Franciliens déclaraient avoir recours à des somnifères ou à des hypnotiques pour faciliter leur sommeil, soit une prévalence de 30% supérieure aux autres régions. Dans ce contexte, cette étude publiée dans le Bulletin épidémiologique hebdomadaire vise à décrire la délivrance en officine de psychotropes à visée hypnotique dans l’unité urbaine de Paris pour caractériser la prévalence de troubles chroniques du sommeil de type insomnie et à identifier les déterminants démographiques et socio-économiques potentiellement associés.
Ce travail s’appuie sur les données du Système national des données de santé (SNDS), sur la base d’une liste de 381 spécialités pharmaceutiques remboursées par l’Assurance maladie en France. Les taux annuels (2015-2021) et mensuels (2017-2019) de patients ayant bénéficié d’une délivrance de psychotropes à visée hypnotique (prescription ≥3 mois), définis comme toute substance strictement hypnotique capable d’induire et/ou de maintenir le sommeil ou tout psychotrope communément utilisé comme sédatif la nuit, ont été estimés par sexe, classe d’âge, et selon le quintile de l’indice de désavantage social de la commune de résidence, à l’échelle communale, dans l’unité urbaine de Paris (environ 10,8 millions d’habitants).
Quelques résultats
La délivrance de psychotropes à visée hypnotique a concerné 515 867 habitants (6,4% de la population), en moyenne et par an entre 2015 et 2021. Elle a diminué de 2016 à 2021 (hommes : -16,7% ; femmes : -19,5%), et était la plus faible en été et la plus élevée en automne (+10,4% par rapport à l’été). Elle était plus fréquente chez les femmes et augmentait avec l’âge, atteignant son niveau le plus élevé chez les 75-79 ans. Elle augmentait avec le niveau de désavantage social, le plus marqué étant pour les communes les plus défavorisées socio-économiquement par rapport à celles les moins défavorisées.
Les auteurs constatent que cette diminution de la consommation de psychotropes s’inscrit dans une tendance générale observée dans la période de l’avant Covid, liée « aux efforts constants menés depuis trois décennies par les autorités sanitaires en faveur d’une prescription plus appropriée, notamment des benzodiazépines ». L’étude confirme aussi l’effet de la pandémie sur la délivrance de psychotropes avec une légère hausse entre 2019 et 2020 (hommes : + 0,9 % ; femmes : + 1,4 %), puis la reprise de la tendance à la baisse dès 2021.
Un autre résultat important est la part très importante des médicaments non spécifiques de l’insomnie utilisés hors AMM : les psycholeptiques (alprazolam, bromazépam, zopiclone, etc.) représentaient le groupe de médicaments le plus délivré (88,3 % des délivrances), suivi des psychoanaleptiques (miansérine, amitriptyline, mirtazapine, etc., 6,3 %) et des antihistaminiques à usage systémique (alimémazine et prométhazine, 2,8 %).
Conclusion
Cette étude révèle ainsi des disparités territoriales, démographiques et socio-économiques dans la délivrance de psychotropes à visée hypnotique au sein de l’unité urbaine de Paris. L’analyse de ces disparités à l’échelle communale constitue une approche originale pour évaluer les réalités territoriales de l’insomnie et des troubles chroniques du sommeil, fournissant des informations pour élaborer une politique de prévention locale et ciblée des troubles du sommeil. Dans leur conclusion, les auteurs envisagent de prochaines étapes pour savoir dans quelle mesure la délivrance de ces substances peut être associée à l’exposition potentielle au bruit environnemental.
1– Institut National du Sommeil et de la Vigilance. Sommeil, croyances, santé mentale et éco-anxiété. Enquête INSV/
MGEN – Journée du sommeil® 2023. https://institut-sommeil- vigilance.org/sommeil-croyances-sante-mentale-et-eco-
anxiete-enquete-insv-mgen-journee-du-sommeil-2023
2– Chan-Chee C, Bayon V, Bloch J, Beck F, Giordanella JP, Léger D. Épidémiologie de l’insomnie en France : état des
lieux. Rev Epidemiol Sante Publique. 2011;59(6):409-22
3– Grandner MA. Sleep. Health, and Society. Sleep Med Clin. 2022;17(2):117-39.
• Délivrance de psychotropes à visée hypnotique dans l’unité urbaine de Paris : analyse temporelle (2015-2021) et territoriale, démographique et socio-économique (2017-2019) des troubles chroniques du sommeil, M. Chauvineau et al., BEH, n°18, 28 octobre 2025, site de Santepubliquefrance.









