Une étude de cohorte a permis d’évaluer les effets à long terme du contact peau à peau chez des enfants nés extrêmement ou grands prématurés (après 24 à 31 semaines de grossesse). Les résultats montrent qu’à l’âge de 5 ans, les enfants ayant bénéficié de ce dispositif au cours des sept premiers jours de leur vie, ont un meilleur score de développement cognitif.
Les premières heures de vie du nourrisson constituent une période clé. En effet, les interactions précoces entre les parents et leur bébé activent des mécanismes biologiques et hormonaux qui participent au développement du cerveau et à la construction du lien affectif parent-enfant.
Ces interactions essentielles s’avèrent parfois vitales lorsqu’elles concernent les enfants nés prématurés : la pratique du peau à peau immédiatement après la naissance est recommandée[1] depuis plusieurs années dans les pays à faibles revenus, car elle améliore la survie des enfants. Dans les pays à hauts revenus comme la France, le peau à peau (placer le nouveau-né, dès sa naissance, à même la peau de son parent, poitrine contre poitrine) a montré des effets bénéfiques à court terme sur la stabilité physiologique du bébé et sur la construction des liens d’attachement pour les parents.
En réduisant le stress lié à la séparation mère–nouveau-né et en offrant un environnement sensoriel adapté, ce contact parent-enfant contribuerait également à protéger le développement cérébral de l’enfant né prématuré et pourrait même exercer un effet neuroprotecteur durable. De précédentes études ont ainsi suggéré des effets positifs du peau à peau sur le développement neurologique de ces enfants, avec des bénéfices observés au-delà de la petite enfance. Cependant, ces données sont anciennes et reposent surtout sur de petites cohortes.
Dans une nouvelle étude, une équipe au Centre de recherche en épidémiologie et statistiques (Inserm/Université Paris Cité/Université Sorbonne Paris Nord/INRAE) a pu évaluer cet effet neuroprotecteur du peau à peau sur le devenir cognitif des enfants nés extrêmement prématurés à grands prématurés (après 24 à 31 semaines de grossesses) au-delà de la petite enfance, cela à partir des données de la cohorte Epipage-2 (encadré ci-dessous).
Ce sont près de 2 500 enfants qui ont été inclus dans l’analyse. Ces enfants sont nés dans des unités de néonatalogie françaises en 2011 – la moitié d’entre eux a bénéficié de contact peau à peau au cours des sept premiers jours suivant leur naissance, l’autre non.
Âgés de cinq ans (en 2016), tous ont été évalués grâce à des tests d’appréciation du fonctionnement cognitif (tests de QI), ainsi que des tests de dépistage de difficultés comportementales.
Les résultats de cette étude suggèrent que la pratique du peau à peau au cours des sept premiers jours après la naissance de l’enfant né prématuré (grand à extrêmement prématuré) est associée à un meilleur développement cognitif à l’âge de 5 ans[2]. En moyenne, cette différence a été estimée à +2,3 points de plus sur le score des tests de QI.
Cette différence de 2,3 points peut sembler minime à l’échelle de l’individu, mais n’est pas négligeable lorsqu’il s’agit d’une moyenne sur l’ensemble d’une population », explique Ayoub Mitha, premier auteur de l’étude.
À noter que l’écart de points est plus significatif concernant le groupe des enfants nés grands prématurés (+2,9 points sur les scores de QI pour les enfants ayant bénéficié du peau à peau à la naissance), par rapport aux enfants nés extrêmement prématurés.
« Cela s’explique par le plus faible recours au peau à peau des enfants nés extrêmement prématurés en 2011, une tendance qui a depuis évolué, le peau à peau étant une pratique de plus en plus encouragée dans les services de néonatologie », précise Ayoub Mitha.
Aucune association n’a été mise en évidence entre le peau à peau et la réduction du risque d’apparition de difficultés comportementales chez l’enfant.
« Ces résultats sont une preuve de plus en faveur du contact peau à peau aux toutes premières heures de la vie de l’enfant né prématuré. Ils pointent l’importance de favoriser la non-séparation parent-enfant à la naissance et vont dans le sens des recommandations pour l’implantation de chambres parentales dans les unités de soins intensifs de néonatologie », explique Ayoub Mitha.
« En tant qu’intervention peu coûteuse, le peau à peau apparaît comme un soin simple à mettre en œuvre dans les pratiques courantes. Or aujourd’hui il existe beaucoup de disparités des pratiques entre les unités de soins. Des études complémentaires sont nécessaires pour mieux comprendre la variabilité des pratiques et identifier les leviers pour soutenir les équipes dans son implantation », ajoute Véronique Pierrat, dernière autrice de l’étude.
La cohorte Epipage-2
L’étude Epipage‑2 menée par l’Inserm depuis 2011 est un très grand projet de recherche observationnel sur la prématurité en France, avec de nombreuses sous-études. Elle implique des équipes de recherche Inserm, universitaires et hospitalières issues de 25 régions françaises. Cette étude se fonde sur les données relatives à plus de 7 000 naissances survenues avant 35 semaines de grossesse (enfants nés vivants ou mort-nés) dans ces 25 régions. Parmi les enfants qui ont survécu à la période néonatale (environ 4 400), environ 3 000 ont été suivis à 5 ans. Ces enfants continuent de faire l’objet d’un suivi. L’objectif est de mieux connaître le devenir neurodéveloppemental et en santé de ces enfants, au regard des évolutions des pratiques médicales et de l’organisation des soins. Une des originalités de l’étude Epipage 2 est d’avoir permis la mise en place de plusieurs projets complémentaires et multidisciplinaires dans le champ de l’imagerie cérébrale, des biomarqueurs, de la nutrition, des interactions mère-enfant, de la douleur et de l’éthique.
[1] Recommandation de l’OMS : https://www.who.int/fr/news/item/15-11-2022-who-advises-immediate-skin-to-skin-care-for-survival-of-small-and-preterm-babies
[2] Test échelle d’intelligence préscolaire et primaire de Wechsler (WPPSI)
• Communiqué de presse de l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM) du 14 octobre 2025