Les établissements pénitentiaires toujours plus vétustes et insalubres

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Dans un avis, publié au Journal officiel, le Contrôleur général des lieux de privation de liberté (GLPL) entend, une fois encore, alerter sur les conséquences de la vétusté des établissements pénitentiaires en matière de sécurité, de santé, de dignité et d’intimité des personnes privées de liberté, et sur l’urgence d’apporter une réponse à la hauteur des enjeux.

Les conditions de vie dans de nombreux établissements pénitentiaires en France sont marquées par une profonde indignité. L’insalubrité, la surpopulation et le manque de moyens matériels n’affectent pas seulement les personnes détenues : elles ont également un impact direct sur les conditions de travail du personnel pénitentiaire.

De nombreux établissements sont vétustes

La vétusté des établissements résulte souvent de l’ancienneté des infrastructures. A ce jour encore, de nombreuses maisons d’arrêt sont installées dans des bâtiments du XIXᵉ siècle. Le fonctionnement continu de ces structures depuis des décennies, associé à de graves insuffisances dans leur maintenance, a inévitablement entraîné leur extrême dégradation. Outre la détérioration du bâti et de certains équipements, nombre d’établissements pénitentiaires pâtissent de dysfonctionnements affectant des dispositifs essentiels tels que les circuits de chauffage et de ventilation ou les installations électriques, souvent largement défaillants.

Le délabrement des infrastructures – sols glissants, murs fissurés, revêtements dégradés et potentiellement toxiques… – compromet directement la sécurité et l’intégrité physique des détenus. Le mobilier des cellules est souvent insuffisant au regard du nombre d’occupants et inadapté, voire détérioré, ce qui augmente les risques d’accidents. L’isolation défaillante, fréquemment associée à l’impossibilité de fermer les fenêtres, expose les détenus à des températures extrêmes, en hiver comme en période de canicule.

L’insalubrité est aggravée par la prolifération de nuisibles tels que les cafards, les rats et les punaises de lit. Les difficultés rencontrées par l’administration pour combattre ces invasions sont souvent directement liées à l’ancienneté, à la dégradation des bâtiments et à la surpopulation qui rendent vains les traitements. Dans les nombreux établissements qui ne disposent pas de douche en cellule, l’insalubrité des douches collectives favorise la prolifération de bactéries et champignons.

« Un détenu a contracté la leptospirose au centre pénitentiaire de Toulouse-Seysses après avoir été exposé à de l’urine de rat. Au centre pénitentiaire de Perpignan, l’infestation de punaises de lit atteint un niveau alarmant, exposant détenus et surveillants à de multiples piqûres et réactions cutanées, et la présence intempestive de chats errants ne fait qu’aggraver la situation ».

La vétusté aggrave les conséquences de la surpopulation carcérale

Dans des établissements gravement surpeuplés, la fermeture de cellules ou d’ailes entières rendue nécessaire par les travaux de rénovation ou de maintenance augmente inévitablement la pression sur les autres secteurs de la détention. Or certains des établissements concernés au premier chef par les risques liés à la dégradation du bâti sont précisément ceux dont les taux d’occupation sont les plus élevés. Il en résulte que la difficulté – voire l’impossibilité – de libérer des cellules insalubres pour y procéder à des travaux est souvent invoquée par l’administration pénitentiaire pour justifier les insuffisances dans la maintenance des locaux.

Dans un mouvement inverse, la surpopulation en constante aggravation participe directement de la dégradation de locaux déjà vétustes. S’ensuit un cercle vicieux dans lequel l’occupation par trois ou quatre détenus de cellules prévues pour une seule personne accélère l’usure des équipements et infrastructures, qui aggrave en retour des conditions d’incarcération.

« À la maison d’arrêt de Carcassonne, le chauffage est coupé la nuit par souci d’économie. Avec un taux d’occupation atteignant 203 % en mars 2024, tous les détenus ne pouvaient pas disposer de couvertures, et nombre d’entre eux dormaient à même des matelas posés au sol, augmentant ainsi leur exposition au froid. »

La vétusté impacte le maintien des liens familiaux

Le droit des détenus au maintien des liens familiaux est directement impacté, dans certains établissements, par l’état déplorable et inadapté des espaces accueillant les parloirs. L’exercice effectif de ce droit se heurte à des obstacles matériels que de simples travaux résoudraient rapidement. Le fait de garantir aux détenus l’accès à du temps passé avec leurs proches, dans des conditions matérielles qui n’emportent ni frustrations ni humiliations, constitue un enjeu majeur pour la sérénité de la détention en général. A l’inverse, les conditions dégradées d’accueil des familles de détenus, lorsqu’elles sont susceptibles de conduire certains d’entre eux à renoncer purement et simplement aux parloirs, sont des facteurs de tension évidents.

« L’état dégradé des lieux (murs souillés, matériaux dangereux, équipements insuffisants) et l’absence totale d’intimité exacerbent le sentiment d’indignité, tant pour les personnes détenues que pour leurs proches.
Au centre pénitentiaire de Metz, les cabines des parloirs, d’une surface de seulement 2 m2, sont étouffantes et ne garantissent ni l’intimité des échanges ni le moindre confort ». 

Malgré des alertes répétées, la vétusté persiste

L’inertie persistante de l’Etat face à la vétusté des établissements pénitentiaires contribue de manière significative à l’aggravation des conditions de détention. Depuis 2020, six établissements pénitentiaires visités par le CGLPL ont fait l’objet de recommandations en urgence, notamment en raison de l’indignité des conditions matérielles de détention. Trente-cinq rapports de visites réalisées de 2020 à 2024 ont mis en exergue la vétusté d’établissements pénitentiaires. Plusieurs de ces derniers faisaient alors l’objet d’un deuxième, voire d’un troisième contrôle du CGLPL, contraint de constater la dégradation des infrastructures et l’aggravation des dysfonctionnements induits par l’indignité des conditions matérielles d’hébergement.

« A la maison d’arrêt de Grasse, les plafonds des douches sont moisis, les robinets et les pommeaux encrassés de calcaire et la température de l’eau impossible à régler ». 

Les travaux réalisés sont tardifs et insuffisants

Lors de ses visites d’établissement pénitentiaires notoirement vétustes, le CGLPL est fréquemment informé de plans de restructuration, plus ou moins anciens et programmés à plus ou moins court terme. Or si la mise en œuvre de ces projets ne relève généralement pas des établissements concernés, leur seule perspective justifie souvent une forme d’inertie face à des difficultés qui impactent directement la vie quotidienne dans les lieux concernés : on n’engage pas de travaux de réparation ou de maintenance, car sous peu tout sera rénové, reconstruit.

L’absence de gestion à court-terme et d’anticipation concernant l’entretien et la réhabilitation des infrastructures existantes conduit aujourd’hui à des situations intolérables. Les détenus et le personnel sont maintenus dans un environnement indigne sans autre solution que celle d’attendre la réalisation d’un plan de restructuration ou qu’un nouvel établissement soit construit, avec toute l’incertitude entourant ce type de projet immobilier.

Aux conséquences catastrophiques de ces situations s’ajoutent les effets de la surpopulation carcérale, qui accélère la dégradation du bâti et fait obstacle à des travaux d’envergure, pourtant indispensables à toute amélioration des conditions de détention et de travail. Ainsi le CGLPL a-t-il pu constater, dans plusieurs établissements pénitentiaires, l’interruption ou le report de travaux de rénovation engagés ou programmés, en raison de la surpopulation carcérale.

Pour le CGLPL, « la mise en œuvre de plans de rénovation ambitieux, cohérents et s’appuyant sur des moyens suffisants, ne peut plus être repoussée : elle est une condition sine qua non de la dignité des conditions de détention et de leur compatibilité avec les exigences d’un Etat de droit, dont l’apprentissage de la réinsertion dès l’incarcération« .

• Avis du 12 mai 2025 relatif à la vétusté des établissements pénitentiaires, Contrôleur général des lieux de privation de liberté (CGLPL), JORF n°0243 du 15 octobre 2025, Texte n° 76. Cet avis a été transmis le 12 mai 2025 au ministre de la justice, ses observations en réponse sont également publiées au Journal officiel. Lire l’avis et les observations du ministre de la justice et voir le cahier photos.

• Crédits photos
– photo 1Maison d’arrêt de Nice, septembre 2024 – © K. Bizard / CGLPL
– photo 2 – Maison d’arrêt de Limoges, janvier 2022 – © T. Chantegret / CGLPL
photo 3 – Maison d’arrêt de Blois, avril 2022 – © T. Chantegret / CGLPL

photo 4 Maison d’arrêt de Blois, avril 2022 – © T. Chantegret / CGLPL
photo 5– Maison d’arrêt de Saint-Pierre La Réunion, octobre 2024 – © CGLPL