Un infirmier d’addictologie en psychiatrie adulte…

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Le CH Buëch-Durance a fait de la lutte contre le tabac un levier de transformation globale des soins. Un projet transversal se met en place pour accompagner les patients dans une approche intégrée du sevrage et du soin psychiatrique ; former les professionnels ; prendre en charge les soignants eux-mêmes. Retour d’expérience.

Au CH Buëch-Durance (Laragne-Montéglin, Hautes-Alpes), une dynamique de lutte contre le tabagisme a été enclenchée. En 2022, un infirmier du Centre d’addictologie d’Arzeliers revient de formation avec un Diplôme universitaire de tabacologie en poche et une enquête sous le bras : celle du tabagisme chez les soignants. Le constat est sans appel : la blouse blanche ne protège pas de la dépendance. Loin d’une simple curiosité académique, ce travail agit comme un révélateur : le tabac reste un angle mort dans les politiques de santé hospitalières, y compris dans les services spécialisés.

Dans le même temps, la clinique change. Le service d’addictologie du CH Buëch-Durance (intégré à la psychiatrie générale) voit émerger des tableaux cliniques de plus en plus complexes : les addictions « simples » se raréfient, remplacées par des profils à la croisée des pathologies psychiatriques et des conduites addictives. La « pathologie duelle » n’est plus un concept marginal et elle s’impose dans la nosographie comme dans les pratiques.

Cette évolution clinique, couplée à une culture psychiatrique déjà bien ancrée au sein de l’équipe d’addictologie, rend évident le besoin de décloisonner. Il ne s’agit pas de superposer les expertises, mais d’amener la culture addictologique là où elle est parfois absente, au cœur des pratiques psychiatriques courantes. Ainsi est née l’idée d’un projet transversal, structuré autour de trois axes :
– accompagner les patients dans une approche intégrée du sevrage et du soin psychiatrique ;
– former les professionnels ;
– prendre en charge les soignants eux-mêmes, souvent laissés-pour-compte dans les dispositifs de prévention.

Grâce à un financement ciblé, un poste d’infirmier d’addictologie a donc été créé en psychiatrie adulte. Ce renfort a permis d’instaurer une offre de consultations dédiées en ambulatoire, mais aussi d’ouvrir un chantier délicat : celui du tabagisme des soignants. L’adhésion a été rapide, les demandes ont afflué.

« Devenir un “Lieu de santé sans tabac” est un projet au croisement de la promotion de la santé, de la réduction des inégalités et de l’innovation en santé mentale. »

Aujourd’hui, cette dynamique s’incarne dans une démarche institutionnelle forte : le CH Buëch-Durance s’est engagé dans le label « Lieu de santé sans tabac ». F. Lenfant, cadre supérieur de santé, précise : « Ce projet dépasse la simple lutte contre le tabac pour devenir un levier de transformation globale. Mais soyons lucides : tout n’est pas réglé. La culture psychiatrique est parfois méfiante vis-à-vis des démarches normatives en santé publique. Et le tabac reste souvent toléré dans les interstices des pratiques. C’est pourtant dans ces tensions que réside le potentiel du projet : faire du tabac un indicateur de transformation des soins, un levier d’alliance entre disciplines et un révélateur de ce qui reste à accomplir pour un hôpital réellement promoteur de santé. »

• Contact : Frédéric Lenfant, Cadre supérieur de santé, frederic.lenfant@chbd-laragne.fr