23/09/2025

« Témoigner de sa maladie n’est pas une plainte mais une énergie pour avancer ! »

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Nathalie Micou, usagère des soins, était invitée à débattre avec des étudiants de l’Institut de formation en soins infirmiers (Ifsi) de Rochefort, à l’occasion de la projection d’un documentaire sur « Radio Pinpon ». Une radio créée par Eric Lotterie, infirmier psychiatrique aujourd’hui à la retraite, et des patients (dont Nathalie). Une rencontre marquante avec des futurs professionnels.

Août s’en est allé emportant avec lui l’été. Je me suis remise à mon bureau pour partager avec vous tout ce qui me remplit d’émotions. Comme la célèbre collection des Histoire de Martine1 (Martine à la plage, Martine à l’école…), je pourrais dérouler mes propres aventures (Nathalie à Paris, Nathalie au théâtre…) oui, je le pourrais car avec du recul, je vois combien j’ai grandi.

En route pour Rochefort !

Ce jour-là, nous sommes trois dans la voiture, direction Rochefort pour une rencontre surprise à l’Institut de formation en soins infirmier (Ifsi). Les étudiants de première année sont en train de visionner le documentaire « Radio Pinpon ». Aurélie est au volant, Éric au brumisateur et moi derrière, le nez à la fenêtre. Il faut dire qu’en ce début juillet, c’est la première canicule. Avec Éric Lotterie, infirmier psy à la retraite, créateur de Radio Pinpon, et sa compagne Aurélie, deux artistes aux multiples casquettes, créateurs uniques qui vivent leur rêve, nous sommes partis à la fraîche, mais le soleil est bien présent. Sur la route, la discussion va bon train, mais la conductrice reste concentrée au milieu des éclats de rire. Et hop, un coup de brumisateur, la nouvelle clim écolo ! Avec les fenêtres ouvertes, cela permet de supporter la chaleur qui commence à monter.

Une heure de route avant d’arriver à Rochefort, cela passe vite car nous avons pleins de sujets de conversation. Depuis la retraite d’Éric, j’ai toujours un immense plaisir à le retrouver, avec sa bonne humeur et ses blagues que je prends toujours au premier degré. Je réagis donc deux fois : la première parce que je suis tombée dans le panneau et la deuxième pour rire de la blague ; un double effet qui nous fait éclater de rire tous les trois. Le panneau « Rochefort » est en vue. Premier feu rouge. Dans la voiture, comme deux oiseaux sur une branche, Éric et Aurélie en profitent pour s’embrasser. Et c’est ainsi à chaque feu rouge… : la discussion s’interrompt et laisse place à un baiser. Ces deux êtres mettent de la poésie dans le quotidien à chaque occasion.

Surprise, surprise…

L’Ifsi est en vue. Nous nous garons et entrons discrètement… car c’est une surprise. Le formateur qui a organisé cette rencontre nous attend dans la salle des profs avec un café. D’un seul coup, ça frappe à la porte, entre une jeune femme. Elle est là devant nous, la bouche grande ouverte, les yeux ronds ! Je crois que la surprise est totale. Elle vient de nous voir dans ce documentaire et nous voilà en chair et en os tout en sourire ! Sa réaction m’étonne tout comme elle me fait plaisir. Nous lui demandons de ne rien dire.

La projection du film sur Radio Pinpon vient juste de se terminer. Après une courte pause, le débat commence avec le formateur et ses étudiants. Éric et moi traversons la cour et entrons la porte de la salle. Là, des éclats de voix, des yeux écarquillés, des applaudissements chaleureux nous accueillent. L’effet de surprise est total ! Les étudiants nous posent des questions, toutes pertinents. Le temps passe vite, ça aurait pu durer encore ! Un étudiant qui souhaite devenir infirmier psy se questionne sur la posture soignante, le lien tissé avec un patient, la limite. Très intéressant. Quand on est patient, c’est incroyable ce que l’on nous demande de faire : prendre un traitement, pour certains insupportables, être à l’heure aux soins, au rendez-vous, aux ateliers, respecter le cadre alors que nous sommes des personnes « hors case » ! J’ai vu de l’espoir dans cette classe d’étudiants mais combien, comme Éric, choisiront d’être un infirmier « hors case » ? Ça fonctionne quand tout le monde mouille sa chemise.

Chaleur et émotions

Certains pensent que tout doit venir du patient. Je ne crois pas. C’est un travail d’équipe et le patient ne devrait pas être le dernier maillon de la chaîne. La liberté, la liberté d’expression, le lâcher prise, je l’expérimente depuis quelques années. Et à cinquante-deux ans, c’est encore une découverte. Dans cette classe, à Rochefort, cette vague de chaleur et d’émotions, m’a réchauffé le cœur. Cette rencontre m’a rassurée sur le fait que témoigner n’est pas une plainte mais une énergie pour avancer. L’expérience donne confiance. Je n’oublierai pas ce moment.

Nathalie Micou, usagère des soins, pair-aidante

1- Martine est une série d’albums pour enfants créée en 1954 par Gilbert Delahaye, intitulée d’après l’héroïne éponyme. Soixante albums ont été publiés entre 1954 et 2010, soit presque au rythme d’un par an, par l’éditeur belge Casterman.