La Haute Autorité de santé (HAS) publie un rapport d’analyse de 213 événements indésirables graves associés aux soins (EIGS) liés à la prescription médicamenteuse déclarés dans le cadre du dispositif national entre le 1er mars 2017 et le 31 décembre 2023. 222 médicaments sont impliqués dont principalement les morphiniques et dérivés, le plus souvent la morphine, les benzodiazépines et les antiépileptiques.
La prescription médicamenteuse constitue la première étape du circuit du médicament. À ce titre, elle conditionne la sécurité des étapes suivantes (dispensation, administration, suivi). Or, les erreurs survenant à ce stade initial sont à l’origine de nombreux événements indésirables graves associés aux soins (EIGS) déclarés, dont une partie pourrait être évitée par un meilleur respect des règles de prescription et une vigilance accrue. À travers ce rapport, la HAS vise à :
– identifier les erreurs de prescription à l’origine d’EIGS ;
– déterminer les classes thérapeutiques les plus souvent impliquées ;
– analyser les causes profondes de ces erreurs ;
– rappeler les recommandations essentielles et formuler des actions correctives concrètes pour limiter la survenue de ces événements ou en atténuer les conséquences.
« Il est rappelé que, par définition, les conséquences pour le patient d’un EIGS ne peuvent être que « graves », à savoir le décès, la mise en jeu du pronostic vital ou la survenue probable d’un déficit fonctionnel permanent, y compris une anomalie ou une malformation congénitale ».
Caractéristiques des patients et des circonstances des EIG
– Parmi les 213 EIGS identifiés, 44 % concernaient des hommes et 55 % des femmes. Les patients âgés de 60 à 80 ans et de 80 à 100 ans sont les plus touchés par les EIGS (37 % des patients pour chacune de ces deux classes d’âge).
– La situation clinique des patients avant la survenue de l’EIGS a été jugée complexe dans 61 % des déclarations et non complexe dans 38 % des cas.
– Ces EIGS sont survenus dans la majorité des cas au cours d’une prise en charge urgente, que l’urgence soit immédiate (28 %), relative (29 %) ou différée (15 %).
– L’analyse des 213 EIGS retenus a révélé que, dans 70 % des déclarations, l’évènement avait entraîné une mise en jeu du pronostic vital. L’EIGS était associé à un décès dans 21 % des déclarations et à un probable déficit fonctionnel permanent dans 9 % des cas.
– 53 % des déclarations ont concerné des patients qui ont récupéré sans séquelles.
– Un transfert vers une unité de soins critiques (réanimation, soins intensifs, ou unité de surveillance continue) a été rapporté dans 33 % des déclarations.
– Les modalités de prise en charge médicamenteuse à la suite de l’identification de l’erreur de prescription consistaient en l’arrêt du médicament impliqué et/ou une prise en charge symptomatique dans 31% des cas.
– Les professionnels impliqués dans l’EIGS peuvent être les « secondes victime » de l’évènement. Parmi les 213 EIGS retenus, il était fait mention de conséquences sur le personnel pour 33 % d’entre eux (choc, culpabilité ou stress à la suite de l’évènement) et pour lesquelles des mesures de soutien ont été prises.
– Dans 95 % des cas les déclarants ont estimé que les EIGS étaient évitables ou probablement évitables.
– Les trois principales catégories d’erreurs de prescription identifiées parmi les 213 EIGS sont les erreurs de dose (erreurs de calcul ou de conversion, erreurs de débit, erreurs de fréquence ou de posologie), les erreurs de médicament et les erreurs par omission. À elles seules, elles représentent 87 % des cas.
Les médicaments du système nerveux fréquemment impliquées dans les EIGS
Au total, 222 médicaments ont été impliqués dans les 213 EIGS analysés. Les trois classes les plus fréquemment impliquées sont : les médicaments du système nerveux, ceux du sang et des organes hématopoïétiques et les anti-infectieux à usage systémique. Dans la classe des médicaments du système nerveux, on retrouve principalement :
les morphiniques et dérivés, le plus souvent la morphine, les benzodiazépines et les antiépileptiques.
L’analyse des commentaires libres des déclarations révèle que les erreurs de prescription sont survenues à différents moments du parcours de soins :
‒ pendant le séjour hospitalier dans 48 % des cas ;
‒ dès l’admission du patient dans 18 % des cas ;
‒ lors d’un transfert ou à la sortie dans 13 % des cas.
Cette analyse met en évidence la prédominance des erreurs de dose et l’importance de la vigilance, en particulier pendant la phase d’hospitalisation. D’après les déclarants, les principales catégories de causes profondes associées aux erreurs de prescription concernaient les facteurs liés aux tâches à accomplir, à l’équipe, à l’environnement de travail et à l’individu (soignant).

Une étape clé du circuit du médicament, au cœur des enjeux de sécurité des soins
Les préconisations issues de ce rapport s’appuient exclusivement sur les causes identifiées dans les déclarations analysées. Elles ne reprennent pas l’ensemble des recommandations déjà émises par la HAS ou d’autres institutions, qui restent pleinement valides. Sur la base des déclarations des professionnels et des structures de soins, la HAS préconise de :
– Veiller au respect des règles de bonnes pratiques de prescription, conformément à la règlementation (datées, lisibles, signées, avec précision du dosage et de la posologie et de la voie d’administration…).
– Standardiser et simplifier la prescription pour en faciliter la compréhension par les professionnels et les patients.
– Adapter les principes généraux des règles de bonnes pratiques de prescription aux besoins spécifiques des populations particulières (enfants, personnes âgées, femmes enceintes…).
– Interdire toute retranscription conformément à la règlementation.
– Analyser en équipe les erreurs liées à l’informatisation du circuit du médicament (prescription, dispensation, administration) pour mettre en place des actions correctives.
– Sécuriser l’informatisation de la prescription.
– Définir et mettre en œuvre une politique de formation à l’utilisation des logiciels d’aide à la prescription (LAP) ainsi que des logiciels métiers associés.
– Associer les professionnels de santé à la sélection et à l’implémentation des LAP.
Évènements indésirables graves associés aux soins (EIGS) : rapport annuel 2024
La HAS a également publié le 12 septembre dernier son huitième rapport annuel sur les événements indésirables graves associés aux soins (EIGS). Il porte sur 16 060 déclarations d'EIGS reçues à la HAS de mars 2017 au 3 décembre 2024. En 2024, 4 630 EIGS ont été déclarés par les professionnels de santé en France et transmis à la HAS, soit une hausse de 13 % par rapport à 2023. Cette progression ne signifie pas que le nombre d’évènements augmente, elle reflète plutôt une meilleure connaissance du dispositif national de déclaration. Elle traduit également une évolution de la culture de sécurité des soins. Cependant, les EIGS demeurent encore très sous-déclarés et des progrès restent donc à faire.
• Évènements indésirables graves associés aux soins (EIGS) : rapport annuel 2024. Études et Rapports - 12 sept. 2025, Haute Autorité de Santé. abrEIGéS 2025 - Un rapport synthétique annuel sur les évènements indésirables graves associés aux soins (EIGS) de 2024.
• Évènements indésirables graves associés aux soins (EIGS) survenus lors de la prescription médicamenteuse. Outil d’amélioration des pratiques professionnelles, 12 sept. 2025, Rapport, Haute Autorité de Santé.
• Analyse des déclarations de la base nationale des évènements indésirables graves associés aux soins (EIGS) en lien avec le personnel non permanent. Outil d’amélioration des pratiques professionnelles – 3 sept. 2025. Rapport, Haute Autorité de Santé.