Compte tenu de la situation critique du domaine de la psychiatrie, l’Académie nationale de médecine estime que les actions de la Grande Cause nationale santé mentale devraient, en priorité, outre la mise en avant des malades, des maladies et de leurs traitements, « ne pas perdre de vue les enjeux médicaux ».
La santé mentale a été désignée comme Grande Cause nationale par le Gouvernement en 2025. Cette désignation exprime sans doute la volonté de considérer l’importance et la fréquence des troubles psychiatriques dans la population générale et de prendre en compte les difficultés du secteur de la psychiatrie. En mettant en avant la notion de « santé mentale », concept large incluant la prévention mais aussi la recherche du bien-être, la Grande Cause nationale va au-delà du champ relevant de la médecine.
Les données récentes témoignent en effet du fardeau des maladies psychiatriques en France : elles représentent la première cause d’années vécues avec une invalidité ; elles sont responsables de 35 à 45 % de l’absentéisme au travail. Les « maladies psychiatriques » associées à l’ensemble des « traitements chroniques par psychotropes » (dont les anxiolytiques et hypnotiques) représentent 14 % des dépenses totales et le premier poste de dépense de l’Assurance Maladie.
La situation des urgences psychiatriques en France, relevée par quelques rapports récents, pose des problèmes à la limite de l’éthique du soin. Le nombre de patients en attente dans les différents centres de crise et d’urgence augmente régulièrement, avec peu de possibilités d’hospitalisation, les disponibilités d’aval étant déjà saturées. La prise en charge médicale des addictions est devenue difficile, y compris dans les situations d’injonction de traitement dans le cadre judiciaire.
Les préconisations de l’Académie nationale de Médecine
– Mettre un fort accent sur la prévention qui, dans ce domaine de la santé, doit faire appel notamment à l’analyse des habitudes de vie et au dépistage le plus précoce possible des maladies psychiatriques, y compris chez les enfants et les adolescents, notamment en milieu scolaire ;
– Reconnaitre le caractère prioritaire des structures d’urgence psychiatriques ou destinées aux patients les plus sévèrement atteints, les plus désocialisés ou ayant le plus de comorbidités ;
– S’attacher à la reconnaissance des traitements validés et, sans remettre en cause l’indispensable territorialisation des soins que représente la psychiatrie de secteur, à l’introduction de nouvelles organisations des soins et de nouveaux traitements, notamment médicamenteux, par psychothérapies, ou par stimulation cérébrale ;
– Promouvoir l’utilisation des termes suivants pour désigner les principaux troubles psychiatriques : troubles de l’humeur, en particulier pour les dépressions caractérisées ; troubles anxieux ; conduites addictives ; troubles psychotiques ; ceci pour permettre de lutter contre la stigmatisation, car les mots qui désignent certaines personnes ayant une maladie (autiste, paranoïaque, hystérique) sont trop souvent lancés comme des injures ;
– Faire mieux connaitre au grand public, et prendre en charge les pathologies observées dans le champ de la pédopsychiatrie, notamment chez l’adolescent (automutilations ; tendance suicidaire ; troubles du comportement alimentaire), en expliquant notamment aux parents que ces troubles sont des pathologies à prendre en charge et non une honte familiale à dissimuler ;
– Identifier le repérage et la prévention des addictions comme un levier majeur d’amélioration de la santé mentale (réduction de l’anxiété, de la dépression, des comportements impulsifs et suicidaires) et des problèmes sociaux qui en sont souvent la conséquence.
• Académie nationale de médecine, communiqué du 26 juin 2025 : « Santé mentale : ne pas perdre de vue les enjeux médicaux »
Références
– Santé publique France, Fiche santé mentale, mise à jour le 6 décembre 2023 (consulté le 5 juin 2025).
– Assemblée Nationale, Rapport de la mission d’information sur la prise en charge des urgences psychiatriques, 10 décembre 2024