N° 298 - Juin 2025

La bienveillance, ça marche ?

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Soutenir le développement de la bienveillance au sein du collectif soignant sécurise les individus, réduit le stress et l’anxiété, améliore l’ambiance de travail et stimule le sentiment d’appartenance. Au-delà des grands principes, comment la mettre en œuvre ?…

Principe éthique fondamental, la bienveillance est une valeur morale qui implique de faire preuve de gentillesse, de solidarité, de soutien, d’écoute, de compréhension envers ceux qui en ont besoin. Dans les actes, elle se traduit par la bienfaisance. Le philosophe P. Merlier précise que « la bienfaisance consiste à contribuer au bien-être de nos semblables ; la bienveillance est le désir d’y contribuer. La bienfaisance n’est une vertu qu’autant qu’elle a la bienveillance pour compagne » (1).

UNE POSTURE SOIGNANTE
Dans les soins, les notions de bienveillance/bienfaisance s’inscrivent en quelque sorte dans le prolongement du principe traditionnel de « non-malfaisance », soit l’obligation de ne pas nuire et de ne pas porter atteinte à l’intégrité physique. En pratique clinique, elles visent à soutenir une bonne santé et à prévenir, soigner la maladie ou accompagner le patient.
Plus généralement, on pourrait définir la bienveillance comme une posture d’ouverture à l’autre, une disposition d’esprit qui lui laisse la place de grandir, en lui offrant le champ libre (quand les conditions le permettent), dans l’espace dont il a besoin et dont il dispose (2). Ce souci de l’autre, de la place et du rôle qui lui sont laissés à tout moment de la prise en charge forment le socle de toute profession soignante.
La symétrie des attentions plaide pour mettre la bienveillance au centre non seulement de la relation soigné/soignant, mais du fonctionnement de l’équipe de soin elle-même.

AU SEIN DE L’ÉQUIPE
Dans le collectif de travail, la bienveillance peut être mise en œuvre à l’aide de principes simples :

  • L’écoute active consiste à prendre le temps d’entendre ce que l’autre a à dire, sans l’interrompre ni le juger, et en cherchant vraiment à comprendre son point de vue : « Si je te comprends bien, la situation provoque chez toi tel sentiment ? » (3).
  • L’empathie est la capacité de se mettre à la place d’autrui pour percevoir et comprendre ce qu’il ressent.
  • La communication respectueuse et non violente permet de s’exprimer clairement, avec tact, en évitant de le heurter ou de l’offenser dans ses affects ou ses valeurs.
  • Le soutien et la coopération consistent à être là pour un collègue qui en a besoin, à proposer son aide, à partager ses connaissances… : « Si tu as besoin d’accompagner cette patiente à sa consultation, je peux prendre le relais avec tes autres patients… »
  • La reconnaissance, dimension majeure, se déploie sur plusieurs fronts, par exemple la confiance, le respect de l’autonomie, la tolérance (qui induit la reconnaissance des différences d’opinions, de personnalité ou de parcours) ou la valorisation de l’effort de chacun, non seulement sur le plan du résultat, mais aussi sur celui de l’engagement consenti (4) : « Merci d’être partie 30 minutes plus tard pour que je puisse accompagner mon fils à son tournoi de handball ».
    Entre membres d’une même équipe, la bienveillance a pour principal objectif de créer un environnement de travail psychologiquement plus sûr, où chacun se sent à l’aise pour exprimer ses idées, ses préoccupations ou ses difficultés sans crainte de jugement ou de représailles, et où sont respectés pour chacun le droit à l’authenticité et la possibilité d’être soi, le droit à l’erreur, avec la perspective, en cas de difficulté, de l’entraide individuelle ou collective.

QUELS BÉNÉFICES ?
Développer sa propre bienveillance et, par effet d’exemplarité, engager ses coéquipiers à développer la leur, offre plusieurs avantages en termes de santé psychologique :
– Sur le plan émotionnel, le sentiment accru de sécurité et de confiance contribue directement à contenir le stress et l’anxiété. La bienveillance renforce la perception de l’existence de ressources, notamment de soutien social.
Dès lors, dans une spirale vertueuse, les effets délétères du stress sur le plan physique (tension, altération du système immunitaire, difficultés de sommeil…) tendent aussi à s’estomper.
– Sur le plan social, la bienveillance a tendance à être contagieuse, ce qui contribue à améliorer l’ambiance du collectif de travail, en stimulant le sentiment d’appartenance.
Bien sûr, il ne s’agit pas de verser dans une naïveté benoîte, voire hypocrite, mais d’assumer une gentillesse lucide et authentique, sachant s’affirmer (ou refuser) sans agresser ni heurter ses collègues. La plupart du temps, les compétences nécessaires à la bienveillance sont déjà là, car elles sont nécessaires à la relation de soin. Le coût d’acquisition est donc faible, et les perspectives de bénéfices individuels et collectifs, élevées…

1– Philippe Merlier (2013). Bienveillance, bienfaisance, bientraitance. Philosophie et éthique en travail social : Manuel (p. 45-49). Presses de l’EHESP.
2– Anne-Lyse Chabert (2018). Quand la « bienveillance » n’a plus lieu d’être. Vers une éthique de la veille. Revue française d’éthique appliquée, 6(2), 10-12..
3– Philippe Zawieja et Jean-Christophe Villette (2025), « Et si on s’écoutait vraiment ? », Santé mentale, n° 296.
4– Philippe Zawieja et Jean-Christophe Villette (2024). La reconnaissance au travail. Gestions hospitalières, n° 639, p. 477-478.