Passionné de cuisine, bien entouré et inséré, Nicolas, 22 ans, traverse pourtant un état dépressif caractérisé, après une tentative de suicide en lien avec des traumatismes infantiles.
Je reçois Nicolas, grand jeune homme de 22 ans, le visage grave. Il a tenté de se pendre à l’aide d’une ceinture dans sa cabine de douche. La paroi est tombée et Nicolas a pu joindre un ami qui l’a conduit aux urgences. Un psychiatre lui a prescrit du Tercian® pour diminuer son angoisse massive, en attendant un rendez-vous dans notre consultation Nineteen.
Un enfant battu
La crise suicidaire reste latente, et j’aborde avec le jeune homme ses difficultés actuelles et son quotidien. Toujours vêtu de noir, la tête rentrée dans les épaules de peur de se faire remarquer, il s’exprime d’une voix douce et en regardant ses chaussures…
Bien que « passionné » par sa formation et son travail de cuisinier (il effectue un stage dans un grand restaurant parisien), Nicolas confie une tristesse lointaine, lancinante, liée à son parcours de vie jalonnée de traumatismes complexes. Enfant battu, il évoque des scènes terrifiantes avec un père qui le roue de coups ou l’oblige à rester en sous-vêtements dehors dans le froid d’un village de l’Est de la France pour le punir. À l’âge de 12 ans, il est hospitalisé pour la première fois en pédopsychiatrie après une tentative de suicide par pendaison à son lit. Sa mère est intervenue pour l’arrêter. « À cette époque, j’entendais et je voyais un diable rouge qui me disait de me faire du mal. » Au moment où l’enfant sort de l’hôpital, le couple parental se sépare, durant quelques années, avant de se remettre ensemble. Nicolas vit alors avec sa mère, une période qui lui permet de prendre de la distance avec son père. Surtout, pendant cinq ans, il est accompagné par une psychologue. Il peut mettre des mots sur la maltraitance subie et comprendre que ce n’était pas de sa faute. Les hallucinations disparaissent totalement et Nicolas poursuit plus sereinement son parcours scolaire. Son père, qu’il voit occasionnellement, a cessé d’être violent avec lui. Leurs relations s’améliorent progressivement et Nicolas se remémore un été où père et fils ont sillonné ensemble à moto les routes des forêts alentour. Il a « tout pardonné » à son père et ne souhaite plus évoquer ces années de maltraitance.
Un tableau clinique alarmant
Mais, depuis un mois, l’état de Nicolas est préoccupant. Il évoque des idées noires quotidiennes, ne parvient plus à se nourrir et passe ses nuits à regarder des vidéos : « cela m’empêche de penser à toute cette violence ». Les hallucinations ne sont jamais revenues.
Nicolas se dit très entouré : des amis se relaient pour ne pas le laisser dormir seul et être joignables pour lui le plus possible.
Devant l’urgence du tableau clinique, Nicolas voit rapidement le psychiatre de Nineteen, qui diagnostique un épisode dépressif caractérisé. Il instaure un antidépresseur, augmente le Tercian® pour permettre au jeune homme de se reposer et prévoit également des entretiens médicaux tous les quinze jours et infirmiers chaque semaine.
Nicolas va passer une semaine de vacances chez ses parents, dans l’Est, et son état psychique se stabilise un peu. Mais à son retour à Paris, et au moment de la reprise des cours, les troubles du sommeil et l’anxiété reviennent. Devant le portail de son centre de formation, une angoisse qu’il ne peut pas expliquer le terrasse et il rentre chez lui.
Lorsque je reçois Nicolas en entretien infirmier, il me parle brièvement de son état qui ne s’améliore pas vraiment, puis enchaîne sur les plats qu’il aime cuisiner. Tout de suite, ses yeux brillent alors qu’il n’arrive pas à avaler une seule bouchée… Pourtant, à ce moment-là, quelque chose vibre en lui. Nicolas adore cuisiner pour ses amis et me décrit en souriant sa recette de pot-au-feu. Il aime aussi faire des confitures et regarder mijoter les fruits et le sucre durant des heures… En cuisine, il se sent vivant : « Tout ce que je touche se transforme en or pour les papilles. » Après son diplôme, le jeune homme rêve de vivre à la campagne, de cultiver ses fruits et ses légumes bio et d’ouvrir un restaurant.
Dépasser les traumatismes
Durant plusieurs mois, Nicolas reste très vulnérable. En entretien infirmier, nous essayons de nous appuyer sur sa passion pour la cuisine pour mobiliser sa créativité et sa motivation. Nous lui proposons l’objectif de se cuisiner un bon repas par jour. Le psychiatre rédige des arrêts maladie pour justifier ses absences scolaires, ce qui soulage Nicolas. Nous nous tenons à ses côtés, vigilants, pour l’aider à comprendre son mal-être. Si Nicolas affirme avoir « fait la paix » avec son père, les traumatismes de l’enfance laissent toujours des traces tenaces…