Drogues au travail : la consommation d’alcool et de stupéfiants s’envole….

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Une étude réalisée en entreprises par Ithylo (1), intitulée « Révéler ce qui ne se voit pas », fondée sur l’analyse de 110 884 dépistages inopinés entre 2017 et avril 2025 met en lumière une progression alarmante : en huit ans, les tests positifs à l’alcool ou aux stupéfiants ont augmenté de +107 %, avec notamment 13 fois plus de cas positifs à la cocaïne en 2025. Communiqué.

Consommation en hausse : un signal faible devenu phénomène systémique

Ce que l’étude révèle, ce n’est plus une série de cas isolés, mais une dynamique massive et persistante. En huit ans, le taux de positivité aux substances psychoactives (alcool + stupéfiants) est passé de 2,6 % en 2017 à 5,3 % en 2025, soit une augmentation de 107 %.

Parmi les substances les plus en hausse, la cocaïne illustre à elle seule cette mutation des usages : 13fois plus de cas positifs en 2025. Si cette drogue semblait autrefois réservée à certains milieux festifs ou cadres urbains, elle s’est aujourd’hui installée jusque sur les chantiers, dans les entrepôts ou les ateliers, comme en témoignent plusieurs cas groupés.

Le cannabis reste la substance la plus dépistée (1,8 % des tests positifs), avec une répartition plus homogène dans le temps. L’alcool, quant à lui, enregistre un net pic en soirée, notamment après 17h et les vendredis, avec des taux jusqu’à deux fois supérieurs à la moyenne.

L’impact Covid : une rupture dans les usages

L’étude observe une hausse nette des cas positifs à partir de 2022, marquant une rupture claire avec la période pré-Covid. Entre 2017 et 2021,les taux restaient relativement stables et linéaires. En comparaison, la période 2022–2024 affiche +43 % de cas positifs à l’alcool et +52 % aux stupéfiants, toutes substances confondues.

Cette évolution laisse penser que la crise sanitaire a entraîné un basculement durable des usages, lié à l’accumulation de stress, à la perte de repères collectifs, à l’isolement prolongé et à l’émergence de formes d’épuisement psychique persistantes.

Les profils précaires : une surexposition chiffrée aux risques d’addiction

L’étude met en évidence une vulnérabilité marquée des travailleurs précaires – notamment les intérimaires –face aux consommations d’alcool et de stupéfiants en milieu professionnel. Bien qu’ils ne représentent que 15 % de l’échantillon total, ils concentrent à eux seuls :

  • 25 % des cas positifs au cannabis,
  • 31 % des cas positifs à la cocaïne,
  • et 18 % des cas positifs à l’alcool.

Ces chiffres révèlent un déséquilibre structurel, renforcé par des conditions de travail souvent plus difficiles : horaires décalés, isolement, logements collectifs temporaires, faible intégration aux collectifs et manque d’accès à l’information. Des cas de consommation de groupe ont notamment été observés sur des chantiers de nuit, où la prise de substances sert parfois de rituel ou de soupape.

À titre de comparaison, les salariés en contrat (CDI/CDD), qui représentent 74 % des personnes testées, concentrent 66 % des cas des stupéfiants et 76 % de l’alcool, tandis que les prestataires et sous-traitants (11 %) totalisent 9 % des stupéfiants et 6 % de l’alcool.

En parallèle, 53 % des intérimaires déclarent ne pas savoir vers qui se tourner en cas de souffrance liée à une consommation, faute deréférents, de relais ou d’actions de prévention ciblées. Beaucoup craignent aussi que se signaler leur coûte leur mission.

Horaires, régions, conditions de travail : les marqueurs silencieux du risque

L’étude « Révéler ce qui ne se voit pas » met en évidence une autre facette du phénomène addictif au travail : la consommation de substances psychoactives varie fortement selon les contextes spatio-temporels et les environnements professionnels. Ces différences révèlent des vulnérabilités invisibles mais constantes dans l’organisation du travail.

Des pics nets en soirée et en horaires décalés

Les données montrent que les dépistages réalisés après 17h enregistrent un taux de positivité à l’alcool multiplié par deux par rapport aux autres plages horaires. Ce phénomène s’accentue sur les équipes de nuit, souvent moins encadrées et plus isolées, où les tests révèlent jusqu’à 1 salarié sur 5 positif sur certains chantiers. La consommation nocturne concerne aussi les stupéfiants : en regroupant les résultats entre 22h et 1h, le taux de positivité moyen aux drogues atteint 5,3 %, bien au-dessus de la moyenne globale. Ces chiffres suggèrent une utilisation des substances comme outil de compensation : pour rester éveillé, tenir physiquement, gérer l’ennui ou simplement s’extraire d’un rythme pénible.

Des disparités régionales marquées

Sur le plan géographique, l’étude révèle des écarts significatifs entre régions. La Bretagne se place en tête du classement avec 6,6 % de tests positifs (alcool et stupéfiants cumulés), suivie du Centre-Val de Loire à 5,9 %. En queue de peloton, la Nouvelle-Aquitaine présente un taux de 2,8 %, soit plus de deux fois inférieur à celui de la Bretagne.

Ces variations peuvent s’expliquer par une combinaison de facteurs : types d’activités dominantes, accessibilité des produits, traditions socialeslocales, mais aussi par le degré de maturité des entreprises locales en matière de prévention.

Un pic préoccupant à l’automne

Enfin, la dimension temporelle de l’année révèle une autre tendance : le mois d’octobre enregistre le taux le plus élevé de testspositifs, atteignant 7,2 %. Ce pic saisonnier pourrait s’expliquer par un cumul de fatigue post-rentrée, des pics d’activité dans certains secteursou encore une baisse de vigilance organisationnelle à cette période.

« Il faut apprendre à lire ces signaux faibles comme des indicateurs d’ambiance sociale et de climat interne. Derrière chaque pic statistique, il y a une mécanique organisationnelle à repenser. » commente Jean-Jacques Cado,Président d’Ithylo

Changer de cap : pour une prévention crédible et utile

L’étude met en lumière un paradoxe fréquent dans les entreprises : des politiques affichées, mais peu incarnées. Trop souvent, la prévention se résume à quelques séances ponctuelles ou à une communication désincarnée.

Pour être efficace, une politique de prévention des addictions doit être :

  • Inclusive : tous les statuts doivent être intégrés (intérimaires, sous-traitants…)
  • Contextualisée : adaptée aux réalités du terrain
  • Professionnalisée : confiée à des intervenants qualifiés et légitimes
  • Portée : soutenue par des managers formés et impliqués
  • Suivie : avec des dispositifs d’écoute et de retour d’expérience

Ces résultats pointent une consommation banalisée, souvent silencieuse, parfois collective, qui s’ancre dans les fragilités structurelles du monde du travail et met en lumière les angles morts des politiques de prévention classiques.

(1) Fondée en 2015  Ithylo (une marque APERLI) est une entreprise française spécialisée dans la prévention des addictions en milieu professionnel. Pionnière dans le développement d’un éthylotest connecté homologué Ithylo propose une approche globale du dépistage d’alcool et de stupéfiants en entreprise, alliant technologie, accompagnement humain et conseil stratégique. Avec un réseau de plus de 200 infirmiers formés, l’entreprise réalise entre 2 000 et 3 000 dépistages par mois sur l’ensemble du territoire, y compris en Outre-Mer. Elle accompagne également les organisations dans la définition de leurs politiques de prévention et la gestion des contre-expertises via un laboratoire accrédité. Forte d’une base de données unique issue de plus de 110 000 tests, Ithyloproduit des analyses à forte valeur ajoutée pour orienter les politiques RH et de santé au travail.