L’écoute active n’est pas seulement un outil précieux dans la relation soignante. Elle soutient aussi les relations de travail, en particulier si les circonstances sont stressantes et émotionnellement chargées…
Théorisée par le psychologue américain Carl Rogers (1), l’écoute active vient structurer la communication interpersonnelle dans la relation d’aide centrée sur la personne. Elle souligne l’importance de l’empathie, de la congruence (authenticité) et de la considération positive inconditionnelle.
Les sept piliers de la sagesse
L’écoute active repose sur sept dispositions d’esprit (1) qu’il est facile, avec un peu d’entraînement et de bonne volonté, de mettre en pratique :
• L’empathie consiste à comprendre le point de vue de l’autre et ce qu’il ressent. Cela suppose une reconnaissance mutuelle et de suspendre, pour un instant, ses propres affects, afin de ne pas se laisser parasiter…
• La bienveillance invite à adopter une attitude positive et respectueuse envers l’interlocuteur : en tant que personne humaine, libre de ses croyances et de ses opinions, même si on ne les partage pas.
• La disponibilité exige d’être pleinement présent et attentif à ce que l’autre dit, sur le plan verbal (les mots, les métaphores…) comme non verbal (les silences, les regards, les hésitations…). Outre la suspension de ses propres affects, il faut s’assurer que la rencontre se déroule dans de bonnes conditions : au calme, sans bruits ni interruptions, sans consultation de sa boîte mail ou de son téléphone portable…
• La reformulation consiste à redire avec ses propres mots les propos de l’interlocuteur pour lui montrer qu’on l’écoute pleinement et s’assurer que l’on a compris ce qu’il vient de nous dire, sur le fond.
• Le questionnement invite l’interlocuteur à développer sa pensée et à exprimer ses émotions, par le biais de questions ouvertes appelant une réponse suffisamment dense, irréductible à un simple « oui ou non ».
• Le non-jugement signifie accueillir les propos de l’interlocuteur sans porter de jugement de valeur. Il permet notamment de ne pas se laisser déborder par son propre discours intérieur, qui développerait silencieusement les arguments que l’on entend opposer au raisonnement de l’autre.
•Enfin, le silence permet à l’autre de réfléchir et de s’exprimer, de développer sa pensée, d’aller au bout de ses émotions.
Au sein de l’équipe
Utile dans les soins, l’écoute active se déploie aussi au sein d’une équipe soignante pour faciliter les relations de travail, horizontales ou verticales, surtout si les circonstances sont stressantes et émotionnellement chargées. Elle permet de :
• Favoriser l’expression des émotions : alors que la nécessité d’afficher un masque d’impassibilité reste un marqueur de professionnalisme, le soignant éprouve parfois des difficultés à s’ouvrir, à laisser affleurer ses ressentis dans son travail. L’écoute active peut l’aider à se reconnecter à ses émotions et un espace pour cette écoute peut jouer un rôle cathartique, en toute discrétion, sans affecter l’image professionnelle du soignant.
• Améliorer la communication et la coopération en facilitant la compréhension des points de vue, des préoccupations et des suggestions entre membres de l’équipe. L’écoute active soutient la transmission d’informations précises et évite les malentendus, condition essentielle à la coordination des soins et à la prise de décisions. Si un soignant peine à formuler ses pensées, à trouver ses mots, l’écoute active ancre en lui la conviction que son interlocuteur est présent, attentif, respectueux et digne de confiance, ce qui installe ou conforte une relation de confiance.
• Mieux comprendre les besoins et attentes des collaborateurs : en cernant finement les problèmes, les vécus et les préoccupations des soignants, l’encadrant a davantage de latitude pour proposer des interventions et solutions plus personnalisées et efficaces, en termes d’organisation ou d’amélioration de la qualité de vie au travail.
• Renforcer l’adhésion au management et au projet d’équipe : un soignant qui se sent écouté et compris prend une part plus active à la vie du collectif, en adoptant des comportements plus volontiers altruistes, ce qui améliore l’efficacité individuelle et collective, mais aussi l’ambiance de travail.
• Prévenir les situations de crise et faciliter la résolution des conflits : l’attention portée aux signaux verbaux et non verbaux aide le soignant, et notamment l’encadrant, à détecter plus précocement les signes d’inconfort, de détresse ou de colère chez un collègue. L’écoute active permet à chacun d’exprimer ses besoins et ses préoccupations de manière constructive, et de trouver des solutions mutuellement acceptables. Elle facilite le dialogue et la médiation dans les situations de tension, ce qui permet d’intervenir rapidement pour prévenir toute évolution défavorable en termes de relations interpersonnelles ou de santé psychologique.
• Contribuer à gérer les situations de stress et à prévenir l’épuisement professionnel : en améliorant le soutien mutuel et le partage des expériences, l’écoute active permet par exemple de débriefer des moments difficiles, et de partager les émotions et les vécus de chacun, afin de désamorcer les tensions et le stress.
L’écoute active soutient donc des soins de qualité, et, au-delà, un environnement de travail sain et une communication fluide. Elle nécessite bien sûr une attitude d’ouverture et de respect authentiques envers l’autre, sinon elle n’est qu’une posture.
1– Carl R. Rogers and Richard E. Farson, «Active Listening», in : R.G. Newman, M.A. Danzinger, M. Cohen (eds), Excerpt from Communicating in Business Today. D.C. Heath and Company, 1987