« Contrôler la psychiatrie » ? : les actes du colloque sont en ligne

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Qui contrôle quoi et comment en psychiatrie ? Quels sont les objectifs et les perspectives du dispositif actuel de contrôle systématique des mesures d’isolement et de contention ? En avril 2024, le Laboratoire Droit et changement social (UMR 6297) de la Faculté de droit et de sciences politiques de Nantes organisait un colloque sur ces questions. Les « actes » sont désormais disponibles en ligne. Extrait des « Propos introductifs ».

Sous l’impulsion du Conseil constitutionnel et de la Cour européenne des droits de l’Homme, le législateur français a, avec l’adoption de la loi du 5 juillet 2011, consacré un dispositif de contrôle systématique et à bref délai, par le juge des libertés et de la détention (JLD), des mesures administratives d’admission ou de maintien de patients sous un régime de soins psychiatrique sans consentement. La compétence du juge judiciaire a plus récemment été étendue, par une loi du 22 janvier 2022, aux décisions de mise à l’isolement ou en contention prises par les psychiatres et imposées aux patients hospitalisés sous un tel régime. Ce renforcement du contrôle de la contrainte en psychiatrie a pu légitimement être salué comme un progrès du point de vue de la protection des droits fondamentaux du patient, alors que sous l’empire de la loi « Esquirol » de 1838, puis de la loi 27 juin 1990, un malade pouvait être interné de manière prolongée, sur décision administrative, sans que l’intervention d’un juge ne soit légalement requise. Dans le même temps, cette extension du contrôle – dont certains affirment qu’elle aurait fait passer la psychiatrie « d’une zone de sous-droit à une zone de sur-droit » –, suscite des interrogations et parfois des réserves de la part des différents acteurs impliqués. Dans ce contexte, le colloque qui s’est tenu à la Faculté de droit de Nantes les 9 et 10 avril 2024 a eu pour ambition d’aborder, dans ses différentes dimensions, la question du contrôle dont la psychiatrie, entendue comme ensemble d’institutions et de pratiques, fait aujourd’hui l’objet, et les évolutions qui ont affecté ce champ dans une histoire récente.

Le choix a été fait d’aborder les enjeux du contrôle de la psychiatrie en trois temps.

– la diversification des acteurs du contrôle : les juges (judiciaire, administratif, constitutionnel et européen), mais aussi les acteurs non-juridictionnels ;

– le contrôle et son extension relative, en particulier s’agissant du contrôle opéré par le juge.

– les outils du contrôle, et en conséquence la portée et aux limites de celui-ci.

Enfin, la question de l’intérêt concret que l’on peut retirer de ce contrôle se pose au regard de sa portée potentiellement très limitée. En définitive, selon les organisateurs, ce contrôle comporte au moins un risque et une opportunité pour la psychiatrie : le risque est que la contrainte ne se déplace et prenne d’autres formes, notamment la sédation et le renforcement des dosages médicamenteux, qui ne sont pas soumis au même encadrement et contrôle. L’opportunité est celle des recherches, expérimentations et formations sur les alternatives à l’isolement ou à la contention, notamment les stratégies de prévention des épisodes de crises. Des transformations importantes des organisations et des pratiques s’observent déjà dans plusieurs établissements de santé mentale. Sans doute l’écosystème de contrôle (juridictionnel ou non), en dépit de ses imperfections, a-t-il contribué à ces évolutions.

Extraits des « Propos introductifs », P. Véron, E Péchillon, S. Renard et B. Eyraud, Revue des droits et libertés fondamentaux (RDLF) RDLF 2025 chron. n°04
Contrôler la psychiatrie ? Actes du colloque, 9-10 avril 2024, Université de Nantes. RDLF, Voir le sommaire détaillé