Après trois années de guerre en Ukraine, la demande de soutien en santé mentale et les soins aux victimes de traumatismes et de réadaptation connaissent une hausse très significative. L’Organisation mondiale de la santé fait savoir que plus que jamais, elle a besoin du soutien de ses partenaires internationaux pour « qu’ensemble, nous puissions veiller à ce que personne ne soit laissé de côté ».
L’OMS a recensé plus de 2 254 attaques contre les soins de santé en Ukraine depuis le début de la guerre totale il y a 3 ans dans le pays. Le système de soins de santé reste confronté à des défis sans précédent. En 2025, les attaques contre les soins de santé n’ont pas cessé, et nous continuons à les documenter presque quotidiennement. Quarante-deux attaques ont déjà été enregistrées en 2025, faisant 12 blessés et 3 morts. Une attaque perpétrée notamment la nuit à Odessa s’inscrit dans cette tendance constante et alarmante dans la mesure où la clinique pédiatrique la plus grande et la plus innovante de la région a été endommagée, perturbant ainsi la prestation de services vitaux. Elle met en évidence les risques et les obstacles permanents auxquels sont confrontés les travailleurs de la santé, ainsi que les interruptions persistantes dans la délivrance de services médicaux sur le territoire ukrainien.
« Être médecin en temps de guerre signifie rentrer chez soi après chaque service, en souhaitant que la guerre n’ait jamais eu lieu, et en priant pour qu’elle prenne fin rapidement. Les gens sont épuisés, qu’il s’agisse des patients ou du personnel soignant. Pourtant, en tant que professionnels de santé, nous ne pouvons nous permettre d’être fatigués. Nos patients ont besoin que nous continuions, et nous devons surmonter la fatigue pour continuer à leur prodiguer les soins qu’ils méritent« , explique Olha Zavyalova, urgentiste et chirurgienne de la région de Dnipro.
Évolution des besoins sanitaires
Trois ans de guerre totale et 11 ans d’invasion laissent un impact profond sur la santé en Ukraine. Selon la dernière évaluation des besoins sanitaires en Ukraine réalisée par l’OMS (octobre 2024), 68 % des Ukrainiens rapportent une détérioration de leur état de santé par rapport à la période d’avant-guerre. Les problèmes de santé les plus répandus sont les problèmes de santé mentale, avec 46 % des personnes touchées, suivis par les troubles mentaux (41 %) et les troubles neurologiques (39 %).
Les maladies non transmissibles sont responsables de 84 % des décès en Ukraine. Les principaux obstacles aux soins pour les patients atteints de ces maladies sont l’indisponibilité des services et le coût élevé des médicaments, ce qui expose les personnes atteintes d’affections chroniques à une interruption des soins et à une dégradation irréversible de leur état de santé.
La guerre a intensifié les besoins sanitaires, en particulier dans des domaines tels que les soins de traumatologie et la réadaptation. Le ministère de la Santé estime qu’à la mi-2024, 100 000 amputations ont été pratiquées à cause de la guerre. La forte pénurie de spécialistes en traumatologie, de prothèses et de services de réadaptation a encore aggravé la crise. Si la guérison est souvent une question de temps, elle peut aussi être une question d’opportunité. Les services de réadaptation à long terme pour les blessés de guerre seront essentiels pour le rétablissement physique et psychologique.
Instauration d’un système de santé résilient
L’OMS répond aux besoins croissants de l’Ukraine en matière de santé en s’efforçant de garantir l’accès de tous les Ukrainiens à des soins de santé de qualité, en mettant l’accent sur le renforcement des soins de santé primaires pour lutter contre la prévalence des maladies non transmissibles ainsi que sur l’élargissement de l’accès aux services vitaux de santé mentale et de réadaptation. Nous soutenons également l’instauration d’un système de santé résilient en collaborant avec le ministère de la Santé et le Service national de santé ukrainien pour mettre à jour les formules de remboursement, y compris la réadaptation, et normaliser les outils d’évaluation. Cela garantit que les ressources sont allouées là où elles sont le plus nécessaires, jetant ainsi des bases plus solides pour la prestation de soins de qualité.
Parmi les principales réalisations en matière de santé mentale, citons l’élaboration du Modèle cible du système ukrainien de soutien psychosocial et en santé mentale et du Plan d’action national pour la santé mentale 2024-2026, ainsi que de 24 plans au niveau des oblasts. La réadaptation est l’un des points saillants de nos efforts pour renforcer les capacités des professionnels. À la fin 2024, l’OMS a formé des équipes de réadaptation multidisciplinaires dans 28 services de réadaptation hospitaliers non spécialisés de 11 oblasts.
La réforme du système ukrainien de prise en charge des accidents vasculaires cérébraux a constitué une étape importante, l’OMS menant des discussions techniques, réalisant des audits cliniques et soutenant le suivi de plus de 50 établissements de santé en vue d’améliorer les soins aigus. L’OMS a également introduit l’ensemble des interventions essentielles contre les maladies non transmissibles, en mettant l’accent sur les soins intégrés dans les environnements à faibles ressources. En ce qui concerne la résistance aux antimicrobiens, le Plan d’action national a été approuvé, avec une formation continue pour les travailleurs de la santé et la modernisation des installations. L’OMS a également soutenu le financement des soins de santé primaires par des exercices d’évaluation des coûts, la conception des paiements et le développement des réseaux, ce qui a abouti à l’approbation par le ministère de la Santé d’une méthodologie de taux de capitation en juillet 2024.
Déplacements et vulnérabilité
L’accès aux soins de santé reste un problème crucial en Ukraine. Une personne sur 4 (25 %) signale une diminution de l’accès aux services médicaux depuis le début de l’invasion totale en février 2022. Le coût des médicaments et des traitements reste un obstacle majeur aux soins, 35 % des personnes interrogées en octobre 2024 ayant indiqué qu’elles avaient reporté des soins médicaux en raison de difficultés financières.
Les personnes déplacées à l’intérieur du pays font partie des groupes les plus vulnérables. Treize pour cent d’entre elles n’ont pas accès à des services de soins de santé primaires, contre seulement 6 % dans les communautés d’accueil. De même, 9 % des personnes déplacées n’ont pas accès à un médecin de famille (contre 4 % des résidents locaux) et 12 % n’ont pas signé de déclaration avec un médecin de famille, contre 5 % dans les communautés d’accueil. Si les personnes déplacées font état d’une amélioration de la qualité des soins de santé par rapport à la population locale, elles ont toujours moins accès aux soins primaires et aux services de prévention.
L’accès aux soins de santé est de plus en plus inégal, en particulier dans les régions situées en première ligne. Les établissements de santé les plus endommagés et les plus dysfonctionnels se trouvent le long de la ligne de front, où la population restante est souvent confrontée à de multiples vulnérabilités, notamment dues à leur âge avancé ou à un handicap. Ils doivent faire face à des perturbations fréquentes dans l’approvisionnement en fournitures médicales, à des pénuries de personnel soignant ainsi qu’à des obstacles importants à l’accès aux soins. Dans 10 oblasts de la ligne de front, 68 % des adultes font état d’une détérioration de leur état de santé. Les taux de refus de soins sont les plus élevés à Kherson (43 %), suivi de Kharkiv (24 %) et de Zaporijjia (18 %). Les perturbations persistantes dans ces régions mettent en avant la nécessité urgente d’un appui et d’interventions soutenus.
Les efforts déployés par l’OMS : intervention, relèvement et réformes
L’année dernière, la priorité de l’OMS est passée de l’aide d’urgence au renforcement des capacités, en se concentrant principalement sur les soins primaires et les domaines critiques tels que les maladies non transmissibles, la vaccination, la santé mentale, le VIH, la tuberculose, la lutte anti-infectieuse et la résistance aux antimicrobiens. L’Organisation collabore avec les autorités ukrainiennes pour renforcer les interventions d’ordre sanitaire et les efforts de relèvement, y compris l’installation de 29 cliniques de santé primaire modulaires dans les régions touchées. L’OMS soutient également les réformes du financement de la santé, notamment le développement des capacités, la transparence des achats et la planification stratégique, afin de renforcer le système de santé ukrainien et de veiller à ce qu’il reste résilient face aux défis actuels. En outre, on multiplie actuellement les possibilités de développement professionnel pour les personnels infirmiers et les travailleurs de la santé afin de remédier aux pénuries de main-d’œuvre et de renforcer le système de santé dans son ensemble.
Perspectives : reconstruire la santé, restaurer l’espoir
La santé est le fondement de la paix et du relèvement. Reconstruire les systèmes de santé, c’est redonner de l’espoir, de la dignité et assurer l’avenir. À l’OMS, nous agissons maintenant – nous n’attendons pas la fin de la guerre. Nous sommes impliqués à la fois dans le relèvement, l’intervention et les réformes. Chaque action tardive aggrave la situation et augmente les coûts futurs. C’est pourquoi nous faisons appel à nos partenaires internationaux : plus que jamais, nous avons besoin de votre soutien. Ensemble, nous pouvons veiller à ce que personne ne soit laissé de côté.
• Trois années de guerre : hausse de la demande de soutien en santé mentale, de soins aux victimes de traumatismes et de réadaptation, communiqué de l’Organisation mondiale de la santé, 24 février 2025.