Suicides en détention : un trouble psychiatrique repéré dans 64% des cas

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Le taux annuel de suicide en prison est 10 fois plus élevé pour les hommes et 40 fois plus pour les femmes, selon cette étude de Santé publique France, qui s’attache à en décrire les circonstances. Les risques sont par ailleurs très élevés en début de détention et en quartier disciplinaire.

Les personnes détenues sont identifiées comme une population vulnérable au suicide. Cette étude de Santé publique France vise à décrire les circonstances et caractéristiques de ces actes, afin de dégager des pistes de prévention. Elle porte sur les suicides de personnes écrouées survenus sur la période 2017-2021, en partenariat avec la Direction de l’administration pénitentiaire (DAP) et les unités sanitaires en milieu pénitentiaire (USMP). Elle met en évidence sur la période un taux annuel de suicide de 17 pour 10 000 personnes chez les hommes et de 23 pour 10 000 personnes chez les femmes. Il était ainsi, à âge égal, 10 fois plus élevé pour les hommes et 40 fois plus élevé pour les femmes en prison qu’en population générale.

Concernant les caractéristiques médicales, on relève qu’un trouble psychiatrique a été rapporté pendant la détention pour 64 % des cas, principalement troubles anxieux et dépressifs, et près d’un tiers des personnes concernées n’avait pas d’antécédent psychiatrique connu avant l’incarcération. Des chiffres qui comportent toutefois un biais, puisque ces troubles ont été systématiquement recherchés en détention et non en soins courants avant l’incarcération. Le lien avec les conditions de détention est souligné. Par ailleurs, le suicide avait été précédé d’une ou de plusieurs tentatives de suicide pour 46 % des cas avant ou pendant l’incarcération.

Dans les circonstances du passage à l’acte, l’étude pointe qu’un événement marquant avait été retrouvé au cours de la semaine précédente pour 61 % des personnes et que 60 % avaient consulté à l’unité sanitaire. Au moment du suicide, un risque suicidaire avait été repéré par l’administration pénitentiaire pour 44 % des cas.

Par ailleurs, un suicide sur neuf a eu lieu la première semaine de détention, soit un taux de suicide 6 fois plus élevé que pour le reste de la détention, et les deux tiers la première année de détention. Par rapport aux personnes décédées par suicide après plus de trois mois de détention, les personnes décédées par suicide au cours des trois premiers mois étaient caractérisées par un meilleur état de santé avant et pendant l’incarcération, et notamment par une fréquence moins importante de consommation de substances addictives et de certains troubles psychiatriques.

La concentration des suicides en début de détention témoigne de la rupture avec le milieu libre, mais aussi probablement des événements éprouvants qui ont le plus souvent précédé l’incarcération (arrestation, garde à vue, audience judiciaire). Ce « choc carcéral », qui nécessiterait un accompagnement spécifique, a été pointé également par une étude récente de la Fédération régionale de recherche en psychiatrie et santé mentale Hauts-de-France (F2RSM Psy), sur l’épreuve psychique que constitue l’entrée en prison.

Par ailleurs, 14 % des suicides ont eu lieu en quartier disciplinaire, dont la moitié dans les premières 24 heures, des tendances confirmées par d’autres études. Les placements au quartier disciplinaire avaient été motivés par des violences contre le personnel pour 41 % des placements parmi les personnes décédées par suicide, contre 15 % parmi l’ensemble de la population carcérale. Plus de 90 % des décès par suicide sont consécutifs à une pendaison

Santé publique France conclut que cette problématique « constitue un point d’attention et met en avant l’importance de renforcer le déploiement des dispositifs de prévention du suicide en milieu carcéral. »

Description des personnes écrouées décédées par suicide en France sur la période 2017-2021. Interprétation de données de surveillance par Santé publique France. Données de surveillance, A. Vanhaesebrouck, Santé publique France, janvier 2025. A télécharger en pdf.