Alors que l’activité de psychiatrie d’urgence est en forte croissance, l’imposant rapport de la mission d’information sur les urgences psychiatriques, présenté le 11 décembre à la Commission des Affaires sociales de l’Assemblée nationale, dresse un constat alarmant de l’état de la psychiatrie publique et formulent des préconisations à travers cinq axes dont celui de structurer un parcours de prise en charge d’urgence clair et accessible.
« Alors que les problématiques liées à la santé mentale et à la psychiatrie sont plus pressantes que jamais et constituent un enjeu majeur de santé publique, la psychiatrie connait en France une crise profonde ». Dès lors, les difficultés de la prise en charge des urgences psychiatriques illustrent « les défaillances et les dysfonctionnements systémiques de l’organisation des soins psychiatriques en France ». Dans leur rapport de mission d’information sur les urgences psychiatriques, présenté le 11 décembre à la Commission des Affaires sociales de l’Assemblée nationale, les deux députés, Nicole Dubré-Chirat (Ensemble pour la République, Maine-et-Loire) et Sandrine Rousseau (Écologiste et social, Paris), dressent un état des lieux alarmant et appellent à une mobilisation rapide et transpartisane. Pour effectuer ces travaux, la mission a rencontré « plusieurs centaines de professionnels de santé, de patients, d’aidants, ou encore de responsables institutionnels, associatifs ou syndicaux » au cours des trente-six auditions et dix déplacements organisés en France entre le mois de janvier et le mois de septembre 2024.
Une activité d’urgence en forte augmentation
Les députés relèvent en préambule qu’« un des principaux apports de la mission d’information réside certainement dans la documentation et l’analyse de l’évolution de la santé mentale de la population, en particulier depuis la crise sanitaire, et sa traduction dans les venues aux urgences et en centre de crise. » Les travaux ont ainsi permis d’établir que l’activité de psychiatrie d’urgence est en forte croissance ; plus encore que celle des urgences générales pour d’autres motifs. On comptabilise ainsi 566 000 passages aux urgences pour motif psychiatrique en 2023, soit une hausse de 21 % par rapport à 2019. Cette tendance est, sans surprise, portée par un « taux de recours particulièrement notable pour les adolescents et les jeunes adultes ».
Ceci intervient dans une psychiatrie en crise, ce qui est particulièrement criant pour le secteur public, qui prend en charge 85 % des patients et notamment les cas les plus complexes, alors que l’offre de soins est fragilisée par le manque de moyens matériels et humains. « Le secteur public subit ainsi une triple peine : obligation d’assurer le service public, moindres rémunérations, conditions de travail dégradées », souligne le rapport, qui s’attache à identifier les leviers d’une coopération plus efficace entre secteur public et secteur privé, dont « l’absence de participation à l’activité de permanence des soins apparaît aujourd’hui injustifiable ».
5 axes d’améliorations
Ce constat sur l’état sinistré de la psychiatrie a déjà fait l’objet de multiples rapports… et les élues pointent les « très fortes attentes » des acteurs dans l’amélioration des conditions de travail pour les professionnels et des soins. Elles formulent des préconisations à travers cinq axes, « pour améliorer la prise en charge de l’urgence psychiatrique tout au long de la filière, c’est-à-dire agir sur l’offre de soins et sa structuration pendant, mais aussi en amont et en aval de l’urgence. »
● Renforcer l’offre de soins de premier niveau pour garantir une prise en charge précoce, graduée et homogène sur le territoire et pour prévenir les urgences psychiatriques. Cet axe suppose de mieux outiller les médecins généralistes et de renforcer les moyens humains et financiers des centres médico-psychologiques. Généraliser les équipes mobiles et impliqué davantage les acteurs de proximité est également nécessaire, en particulier dans l’addiction et la précarité.
● Structurer un parcours de prise en charge d’urgence qui soit clair et accessible. Il s’agit de limiter les passages non pertinents aux urgences en augmentant l’offre de consultations non programmées et de formaliser un parcours de prise en charge des urgences psychiatriques commun à tous les territoires, clair et gradué impliquant la généralisation de la compétence psychiatrique à l’ensemble des services d’accès aux soins (SAS).
● Mobiliser davantage le secteur privé pour mieux prendre en charge les patients et pour une équité accrue entre établissements et professionnels. Cet axe nécessite, de la part du Gouvernement et des agences régionales de santé (ARS), de mobiliser et d’adapter les dispositions réglementaires relatives à la permanence des soins des établissements de santé (PDSES) et au nouveau régime des autorisations en psychiatrie. Il s’agit par ailleurs de garantir un quota de lits de service public en psychiatrie dans les établissements privés.
● Soutenir particulièrement la pédopsychiatrie et la santé mentale des jeunes, particulièrement impactée par la crise sanitaire. Des mesures renforcées et ciblées sont aussi attendues pour mieux prendre en charge les enfants protégés et la psychiatrie périnatale doit elle être soutenue dans le cadre de la grande cause nationale.
● Améliorer la formation et l’attractivité des métiers de la psychiatrie. L’offre de formation doit être rapidement et massivement renforcée. Cela suppose une augmentation des effectifs de psychiatre et d’infirmiers en formation initiale et continue, le développement de passerelles ou encore la hausse du nombre d’infirmiers en pratique avancée. La filière doit par ailleurs être rendue plus attractive. Enfin, un audit sur les conditions de travail en psychiatrie est préconisé et, dans le même temps, une revalorisation des rémunérations.
Les jalons d’une politique ambitieuse ?…
Les députées concluent en pointant « l’urgence d’une mobilisation collective de grande ampleur pour répondre à une crise de santé publique susceptible de toucher chaque année des millions de nos concitoyens et qui affecte de manière singulière les plus jeunes d’entre nous depuis la crise sanitaire ». Elles ont souligné la fluidité du travail réalisé en commun, qui a par ailleurs été unanimement salué par la Commission. La mission espère ainsi « poser les jalons d’une politique ambitieuse, humaine et adaptée aux besoins psychiatriques et de santé mentale d’une société en pleine mutation. »
• Rapport d’information sur la prise en charge des urgences psychiatriques, N. Dubré-Chirat, S. Rousseau, Commission des affaires sociales, décembre 2024. Le rapport sera mis en ligne prochainement sur le site de l’Assemblée nationale.