Dans le cadre de son mémoire d’infirmière en pratique avancée (IPA), Véronique Richard pointe le rôle majeur de l'(auto)stigmatisation parmi les obstacles à l’accès aux soins pour les femmes victimes de violences conjugales. 92% des femmes interrogées ont eu peur d’être considérées comme « folles »…
Le parcours de soin des femmes victimes de violences conjugales est jalonné de nombreux obstacles d’accès à des soins de santé mentale. Ainsi les femmes mettent en moyenne 13 ans pour recevoir des soins et un quart n’y accèderait jamais. Les psychotraumatismes induit par les violences subies ont des répercussions cliniques et fonctionnelles graves et durables. Or un accompagnement psychologique spécifique et adapté, au mieux précoce, permet de diminuer les symptômes, d’éviter les nombreuses comorbidités psychiatriques, addictives et somatiques et de prévenir une re-victimisation.
Dans ce contexte, cette étude quantitative exploratoire se propose de mesurer les barrières perçues par les femmes victimes de violences conjugales pour accéder à des soins de santé mentale à partir de l’échelle Bace 3, qui contient notamment la mesure de la stigmatisation et de l’auto-stigmatisation. Cette enquête transversale en ligne a été réalisée auprès d’associations de victimes de violences au niveau national, et au Centre régional du psychotraumatisme (CRP) de Bordeaux. Elle a recruté 64 participantes dont 39 ont rempli un questionnaire complet.
Les résultats révèlent que la stigmatisation a été un frein pour 82% des femmes victimes et qu’elle représentait un frein majeur pour presque la moitié d’entre elles. Toutes les femmes ont déclaré que la gêne ou la honte avait retardé ou empêché des soins, 70% des femmes ont redouté que des soins de santé mentale aient un impact sur leur travail, 87% ont craint d’être considérées comme faibles à cause d’un problème de santé mentale et 92% d’entre elles ont eu peur d’être considérés comme « folle », dont 60% au niveau le plus élevé.
D’autres obstacles courants ont pu être identifiés : des facteurs pratiques et logistiques (coût, transport, disponibilité), des difficultés pour identifier les lieux de soin adaptés, des difficultés liées à la maladie, à la crainte des effets secondaires des traitements et à de mauvaises expériences vécues avec des professionnels de santé. Par ailleurs, certains biais cognitifs, des préférences en matière de soins et des facteurs peuvent influencer la prise de décision des victimes.
Dans ces situations de soin complexes, les compétences cliniques d’une IPA spécialisée en santé mentale peuvent représenter une plus-value dans une équipe de soin ; son rôle de coordinatrice de parcours de soin, de collaboration et de « coaching » transversal, et son leadership clinique dans la conception de projet et la mise en place d’actions d’amélioration des pratiques professionnelles, lui confèrent une place essentielle auprès des femmes victimes de violences conjugales et des équipes de santé mentale.
• Soins des psychotraumatismes des femmes victimes de violences conjugales : les barrières à l’accès aux soins en santé mentale, Véronique Richard, infirmière de pratique avancée, 2024