Se saisir d’un sujet qui touche à la santé mentale pour en faire un acte militant pour la prévention, voilà l’objet de cette fiction « I feel fine » proposé par deux jeunes réalisateurs américains. Ozzy Taylor, un adolescent qui a tout pour être heureux, des amis sincères et une famille aimante, affronte son obsession du suicide avec, paradoxalement, une joie de vivre indéniable.
Ils sont beaux ces adolescents, ces trois amis encore lycéens toujours prêts, insouciance oblige, à faire des blagues. Elle est belle cette nature verdoyante dans laquelle vit Ozzy, l’un d’entre eux, entouré d’une famille qui le chérit. La mère élève des insectes, le père, plus fantasque, alterne entre l’amour de la musique et celle des voitures qu’il réhabilite. La fratrie est soudée. Mais Ozzy, derrière sa lumineuse présence, est en proie à des pensées intrusives. L’un de ses professeurs capte quelque chose de l’ordre du danger dans le comportement et les écrits du jeune homme mais ne parvient pas à alerter la famille, prise dans une parfaite illusion de bonheur. Et Ozzy lui-même donne le change alors qu’il voit la mort qui l’appelle sans qu’il en comprenne la raison ni comment lui résister, alors il se soumet… Sa première tentative de suicide, heureusement avortée, le conduit cependant à l’hôpital où le diagnostic tombe : il souffre de pensées suicidaires obsessionnelles. Autour de lui, c’est l’incompréhension. Ozzy paraît si bien dans sa peau. « Il va bien ! »

C’est le paradoxe du film, montrer l’alternance des états d’âme d’Ozzy, sans pathos, tout en privilégiant les scènes de bonheur simples. « Assigné à résidence », sous traitement, la force des liens amicaux et familiaux, la puissance du premier amour soutiennent Ozzy, le veillent et l’accompagnent dans ce chemin de vie complexe. Pourraient-ils suffire à changer la donne alors que le père d’Ozzy, fusionnel, jure de protéger son fils et de le sauver mille fois s’il le faut ? Et que dire de sa jeune amoureuse Mia, déjà si mature, prête à l’aimer pour la vie mais consciente du risque ? L’équation n’est pas toujours gagnante…

« J’ai choisi la gratitude plutôt que la peur. Je vais bien. I feel fine » affirme Ozzy
Il faut saluer la palette émotionnelle déployée par le jeune acteur, Elijah Passmore, qui restitue si bien la souffrance intérieure d’Ozzy mais aussi sa joie de vivre. Dans le même temps, le travail du directeur de la photographie sait délicatement assombrir l’image, voire la flouter, quand le propos se teinte de fragilité. Quant à la musique, très présente, dynamique dans les moments joyeux, elle sait se faire mélancolique lorsque les états d’âme d’Ozzy passent du bleu au noir.
Au final, un joli film, lumineux, jamais larmoyant, particulièrement maîtrisé. La santé mentale est une affaire sérieuse. Alerter et sensibiliser le grand public sur le sujet reste essentiel. Portés par ses acteurs, le film y parvient avec grâce et gravité.
« Ce qui avait commencé comme une histoire légère s’est transformé en une histoire poignante qui traite de santé mentale. Il est incroyable de voir à quel point les gens s’identifient à ce film, et cela nous rappelle que l’art peut avoir un impact inattendu sur le public. » Austin Spicer et Hailey Spicer, réalisateurs.
Bernadette Fabregas Gonguet
Crédit photos – @ Wayna Pitch
• I feel fine, tats-Unis – Coming of age, Drame – 2024 – 108 min. Réalisation : Austin Spicer, Hailey Spicer. Casting avec : Corin Nemec, Elijah Passmore, Nandi Summers, Daniel Roebuck, Kevin Sorbo, Dean Cain. Dans les salles à compter du 6 novembre 2024.