Préconisations pour des Projets territoriaux de santé mentale « 2.0 »

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Après un Tour de France réalisé au premier semestre 2024, la Délégation ministérielle à la santé mentale et à la psychiatrie publie un état des lieux et des préconisations pour préparer la nouvelle génération des projets territoriaux de santé mentale (PTSM). Attentive à certains « angles morts », la délégation appelle à une mobilisation plus collective et renforcée de tous les acteurs.

Les Projets territoriaux en santé mentale (PTSM) constituent une action phare et un cadre fortement structurant de la feuille de route « santé mentale et psychiatrie » déployée depuis 2018, dont la Délégation ministérielle à la santé mentale et à la psychiatrie (DMSMP), sous la direction du Pr Franck Bellivier, est chargée d’assurer la coordination et le suivi. Après 5 ans de mise en œuvre et à l’heure où les premiers PTSM arrivent progressivement à échéance, les acteurs sont aujourd’hui en demande de précisions et d’accompagnement pour en construire le bilan et les perspectives. La DMSMP a donc réalisé au premier semestre 2024 un Tour de France des régions, dédié spécifiquement aux PTSM. Après 16 étapes, des heures d’échanges et plus d’un millier de personnes rencontrées, les constats, interrogations, écueils éventuels, bonnes pratiques et innovations repérées ont été rassemblées dans un rapport qui formule notamment 16 propositions pour guider le succès de la prochaine génération de PTSM.

« La deuxième génération des PTSM devra mieux couvrir les éventuels angles morts observés, réussir la mobilisation intersectorielle et interministérielle et répondre ainsi aux besoins sur les 3 volets indissociables du parcours en santé mentale : la promotion de la santé mentale et la prévention ; l‘accès à l’offre de soins ; la réussite de l’inclusion citoyenne et l’accès aux droits des personnes concernées. » Pr F. Bellivier

Etat des lieux et préconisations

Premier constat de ce Tour de France : l’intégralité du territoire est couverte par 104 PTSM, départementaux dans leur écrasante majorité. Des chiffres qui traduisent incontestablement une adhésion à ce nouveau cadre et nouvelle démarche d’actions que sont les PTSM. Cependant, certains sont arrivés ou arriveront prochainement à échéance, d’autres ont tout juste dix-huit mois d’existence. Dans ce contexte hétérogène, l’ambition globale de ce travail est de « guider une actualisation » de l‘instruction de 2018 et « mieux garantir le succès de la prochaine génération ».

• Les premières préconisations précisent le périmètre couvert par les projets. La délégation rappelle les trois dimensions à couvrir : la promotion de la santé mentale positive et la prévention en population générale ; les troubles psychiques fréquents ; et les troubles psychiatriques sévères et persistants pouvant s’accompagner de situations de handicap psychique. Par ailleurs, les PTSM couvrent les actions sur les déterminants de la santé mentale : poids des événements et des conditions de vie, importance des compétences psychosociales personnelles et rôle de la solitude et de l’exclusion. La psychiatrie ne constitue qu’une partie des réponses, est-il souligné. Il faut aussi « réaffirmer la place » des addictions et des troubles du neurodéveloppement.

• Dans une logique de parcours de vie, les PTSM doivent intégrer un accompagnement social et médico-social, incluant l’accès aux droits et à la citoyenneté, ce qui nécessite « une mobilisation interinstitutionnelle et interministérielle fortement soutenue » par les collectivités locales et les caisses d’assurance maladie. La « double nature » du PTSM est également rappelée par la délégation. Il s’agit à la fois d’un « document programmatique de référence à l’horizon de cinq ans, amendable au besoin (non figé) » et une « dynamique permanente », rassemblant tous les acteurs concernés pour améliorer les réponses aux besoins. La Communauté territoriale de santé mentale (CTSM) décline l’opérationnalité du PTSM, dans l’engagement de chaque acteur sur des actions priorisées atteignables.

Les « angles morts »

Le rapport invite à porter une attention particulière à certains « angles morts » des PTSM, notamment populationnels (publics vulnérables, comme les détenus et les sujets âgés) ou thématiques (addictions, TND, soins sans consentement et coercitions). Le principe d’un volet sur le parcours de l’enfant et de l’adolescent incluant la périnatalité doit ainsi être généralisé.

Une série de préconisations visent ensuite à améliorer la gouvernance, au niveau local et national. Les modalités d’articulation du PTSM avec les autres instances et démarches de coordinations doivent être précisées. Il s’agit de « positionner le PTSM en méta-coordination intégrative des sujets santé mentale sous la double responsabilité de l’Agence régionale de santé (ARS) et des pilotes stratégiques des PTSM ». Les coordonnateurs des PTSM, « chefs de projet », restent garants des échanges réguliers, du partage des éléments de diagnostic et de la lisibilité croisée sur les travaux de chacun. Pour « consolider l’efficience de la gouvernance et garantir la représentation des usagers, des citoyens », la délégation insiste sur la nécessité d’une « réelle interministérialité, y compris des financements et la mise en œuvre opérationnelle », gage d’une « stratégie cohérente ».

La démarche de la nouvelle génération de projets, les « PTSM 2.0 », doit figurer dans la feuille de route régionale, et tendre vers « une mise en cohérence des calendriers ». Enfin, le rapport appelle à « consolider le pilotage national des PTSM » et son articulation avec les autres politiques publiques de santé.

Les 16 principales préconisations du 3e Tour de France des PTSM

1- Redéfinir le périmètre de la santé mentale dans ses 3 dimensions : la promotion de la santé mentale positive et la prévention en population générale ; les troubles psychiques fréquents ; les troubles psychiatriques sévères et persistants pouvant s'accompagner de situations de handicap psychique.
2- Repréciser que le périmètre des PTSM comprend aussi les actions sur les déterminants de la santé mentale, comme le poids des événements et des conditions de vie, l’importance des compétences psychosociales personnelles et le rôle de la solitude et de l’exclusion - la psychiatrie ne constituant qu’une partie des réponses - et réaffirmer la place des addictions, des Troubles du neurodéveloppement (TND).
3- Réaffirmer que le volet accompagnement social et médico-social des parcours de vie, incluant l’accès aux droits et à la citoyenneté nécessite une mobilisation interinstitutionnelle et interministérielle fortement soutenue par les collectivités locales et la CPAM.
4 - Réaffirmer la double nature du PTSM, à la fois comme un document programmatique de référence à l’horizon des 5 ans, amendable au besoin (non figé) et une dynamique permanente rassemblant tous les acteurs concernés et visant à améliorer les réponses aux besoins, cadencé par les CTSM qui déclinent opérationnellement l’engagement de chaque
acteur sur des actions priorisées atteignables
5 - Rappeler l’importance d’une actualisation du diagnostic de besoins et d’offres et prévoir ses modalités d’adaptation aux besoins émergents et à l’actualisation des pratiques.
6- Porter une attention particulière aux angles morts des précédents PTSM qu’ils soient populationnels : publics vulnérables dont les détenus et les sujets âgés ou thématiques : addictions, troubles neurodéveloppementaux, soins sans consentement et coercitions.
7- Généraliser le principe d’un volet “parcours de l’enfant et de l’adolescent” incluant la périnatalité.
8- Assurer l’identification et la diffusion des bonnes pratiques et innovations y compris les bonnes pratiques d’articulation.
9- Soutenir la convergence des travaux des PTSM vers les standards internationaux promus par l’Organisation Mondiale de la Santé qui distingue 6 fonctions à garantir en tout point du territoire (santé mentale dans la communauté, organisations qui permettent d’éviter le recours aux hospitalisations et soins sans consentement, rétablissement soutenu par une entrée par les droits, soins somatiques, suivi au plus près du lieu de vie, soutien à l’innovation et l’évaluation) s’appuyant sur une gradation fonctionnelle de la première ligne au recours.
10- Préciser les modalités d’articulation du PTSM avec les autres instances et démarches de coordinations (Communauté professionnelle territoriale de santé, CPTS, Contrat local de santé, CLS, Conseil local de santé mentale, CLSM…) et positionner le PTSM en méta-coordination intégrative des sujets santé mentale sous la double responsabilité de l’Agence régionale de santé, ARS et des pilotes stratégiques des PTSM, appuyé par les coordonnateurs, garantissant des échanges réguliers, le partage des éléments de diagnostic et la lisibilité croisée sur les travaux de chacun (café des coordonnateurs).
11- Consolider l’efficience de la gouvernance : pour garantir la représentation des usagers, des citoyens, une stratégie cohérente, une réelle inter-ministérialité y compris des financements et la mise en œuvre opérationnelle.
12- Confirmer le coordonnateur comme chef de projet opérationnel du PTSM, en appui de son comité de pilotage, préciser son rôle et harmoniser son cadre d’emploi et de rémunération.
13- Systématiser et structurer le nécessaire appui de l’ARS au PTSM et à son coordonnateur, au niveau territorial et siège, afin de garantir une réelle transversalité et la cohérence avec les projets régionaux de santé et les Feuilles de Route régionales et nationale.
14- Inscrire la démarche des PTSM 2.0 dans la feuille de route régionale, et tendre vers une mise en cohérence des calendriers PTSM/PRS-FDR régionale.
15- Venir en soutien des PTSM les plus en difficulté : par l’appui au renforcement de la gouvernance, la mise en place d’une chefferie de projet et un plan d’action ad’hoc si des difficultés sanitaires existent.
16- Consolider le pilotage national des PTSM et son articulation avec la FDR et les autres politiques publiques et favoriser la mise à disposition d’outils.

Rapport du Tour de France des projets territoriaux de santé mentale (PTSM), Délégation ministérielle à la Santé mentale et à la Psychiatrie (DMSMP), 7 octobre 2024.
Synthèse du rapport du Tour de France des projets territoriaux de santé mentale (PTSM), Délégation ministérielle à la Santé mentale et à la Psychiatrie (DMSMP), 7 octobre 2024.
Instruction n° DGOS/R4/DGCS/3B/DGS/P4/2018/137 du 5 juin 2018 relative aux projets territoriaux de santé mentale.
• En savoir plus sur les Projets territoriaux de santé mentale (PTSM).
Feuille de route Santé mentale et Psychiatrie, 28 juin 2018.