Quel est le positionnement des pair-aidants en santé mentale sur les médicaments ? Un travail de thèse montre qu’ils se sentent largement concernés par ce sujet et pourrait être davantage sollicités par les équipes soignants pour aborder le sevrage ou les effets indésirables des traitements avec les patients. Ce travail est intéressant à découvrir en parallèle du dossier Déprescrire ? de Santé mentale.
Dans le cadre de son travail de thèse de pharmacie, Philippine Rodier, Chargée de mission au Comité départemental d’éducation pour la santé de l’Hérault, pair-aidante en santé mentale et pharmacienne, s’est intéressée au positionnement des pair-aidants à propos des médicaments utilisés en psychiatrie. A partir d’une enquête réalisée auprès de 142 participants, l’auteure montre que ces pair-aidants abordent les médicaments dans leur pratique professionnelle et que leur formation facilite les échanges sur ces sujets : 69 % abordent la question des médicaments ; 67,5 % des pair-aidants ont l’initiative d’aborder les conseils sur la prise en charge des effets indésirables. La question des outils permettant de favoriser l’adhésion médicamenteuse et d’avoir un impact positif des médicaments est abordée par 48,2 % des participants. Les personnes concernées sont fortement intéressées par les médicaments : 92,3 % des pair-aidants ont déjà pris un médicament au long cours et 73,2 % en prennent un actuellement ; 90,8 % d’entre eux ont vécu au moins un effet indésirable dans leur parcours, dont 61,2 % sévères.
Concernant plus spécifiquement le sevrage ou la déprecription, près de 65% de l’échantillon interrogé se sent relativement « informé » mais ce sujet a été peu abordé durant leur formation. « L’expérience du sevrage est importante à partager, écrit l’auteur, elle présente des limites mais peut permettre de sensibiliser les personnes concernées et les professionnels de santé. Le pair-aidant peut diffuser des outils et des aides sur le sevrage possible des médicaments. Celui-ci ne peut s’inscrire sans une collaboration pluridisciplinaire et de préférence dans un exercice intégré dans une structure pour de sécuriser le pair-aidant dans sa pratique et la prise en charge de la personne concernée. Dans le cas d’une collaboration pluridisciplinaire efficiente, le pair-aidant a les moyens d’alerter les autres acteurs de la prise en charge si besoin. Les médecins doivent s’investir à l’avenir dans la perspective de déprescription et notamment le psychiatre, il doit être sensibilisé au rétablissement en santé mentale, à la réhabilitation psychosociale et aux enjeux. Il est également important de sensibiliser les pharmaciens à ces questions en tant qu’acteur de choix pour faire le lien avec la personne concernée et le prescripteur. L’entourage doit aussi avoir conscience des enjeux liés et respecter le choix de la personne concernée. Dans tous les cas, le pair-aidant doit sensibiliser la personne à ne pas arrêter la prise de ses médicaments sans avis médical. La diminution doit s’envisager avec un médecin pour éviter autant que possible tout évènement indésirable. »
Du côté des perspectives, l’auteure estime que les équipes de soins pourraient solliciter davantage les pair-aidants sur ces questions. Le pair-aidant pourrait ainsi être « un acteur complémentaire » à la prise en charge médicamenteuse avec pour mission un impact sur l’adhésion médicamenteuse et la transmission de conseils sur les effets indésirables. L’étude montre aussi qu’il est intéressant de renforcer certains modules de formation initiale et de proposer des formations continues sur différents sujets en matière de médicaments.
• Pair-aidance en santé mentale et médicaments utilisés en psychiatrie : Quel positionnement dans la pratique professionnelle ? Philippine Rodier, Thèse pour le diplôme d’Etat de Docteur en pharmacie, Université de Montpellier, 2023, disponible sur le site Archives ouvertes