Face aux défis auxquels le système de santé est confronté, la Haute Autorité de santé (HAS) a conduit un travail prospectif pour améliorer la qualité des soins. Un prérequis est l’accès aux soins pour tous, ce qui reste problématique en particulier en psychiatrie, où « les difficultés sont accrues », pointe l’agence. Plus globalement, ce rapport identifie cinq axes de mobilisation pour l’action publique.
Face aux défis majeurs que le système de santé, déjà en difficulté, va devoir relever dans les prochaines années, la Haute Autorité de santé présente un rapport prospectif intitulé « Améliorer la qualité en santé ». Elle revient sur le prérequis à la qualité que constitue l’accès pour tous les citoyens au système de santé. Soulignant le caractère complexe et multidimensionnel de la qualité, elle propose en conséquence cinq leviers prioritaires à mobiliser par la puissance publique :
– une offre en santé de qualité convenablement répartie, ;
– une plus forte coordination des acteurs ;
– un élargissement du suivi de l’amélioration de la qualité des parcours en santé ;
– un soutien plus grand en faveur de la participation des personnes ;
– un investissement impératif dans la prévention en santé.
La HAS souligne que « si ces priorités constituent des leviers, elles ne sont pas suffisantes et ne doivent pas occulter d’autres axes d’intervention indispensables à la qualité en santé. En effet, un pilotage prospectif de l’offre de santé est indispensable pour permettre de répondre en tout point du territoire aux besoins des populations. Cela implique de veiller à une répartition homogène des compétences en tenant compte des complémentarités professionnelles, mais également de renforcer, selon un principe de subsidiarité, la structuration d’une offre graduée au service de la qualité et de la sécurité des soins« . Ces organisations doivent permettre des exercices dans des conditions favorables. De plus, la qualité de vie au travail et la santé des professionnels sont des critères de la certification des établissements de santé, de l’évaluation des ESSMS et de la certification périodique des professionnels de santé. « L’approche prospective devra, dans les années à venir, investiguer davantage l’apport des innovations techniques et organisationnelles sur la qualité en santé« .
Améliorer l’accès aux soins en accélérant la dynamique collaborative
Le manque d’effectifs médicaux nécessite d’accompagner la reconfiguration des frontières professionnelles. Selon la HAS, « la création de nouveaux métiers (par exemple, infirmiers de pratique avancée, infirmiers délégués de santé publique, assistants médicaux) et l’élargissement de certaines compétences ont déjà été engagés (par exemple, pour les sages-femmes, les infirmiers, les pharmaciens d’officine, les kinésithérapeutes, les pédicures-podologues). Ils imposent d’être davantage accompagnés et soutenus par le biais de formations de qualité, mais également d’évaluations, d’analyses collectives et réflexives sur ces nouvelles modalités d’exercice« . De plus, la Haute Autorité souligne que « le soutien aux compétences du travail en équipe, de coordination d’équipes pluriprofessionnelles, est également à encourager dans la formation initiale et continue des professionnels de santé et paramédicaux. Dans cette dynamique, l’implication des personnels du secteur social avec les professionnels (para)médicaux devient incontournable« . D’autant que les problématiques de santé constituent une préoccupation majeure des travailleurs sociaux et des professionnels de l’accompagnement. Ils sont de plus en plus amenés à participer aux soins et peuvent se trouver démunis. Pour la HAS, « la capacité à travailler en réseau constitue un axe important des formations en travail social, une plus grande sensibilisation aux problématiques de santé constitue une piste à développer« .
Grandes tensions en psychiatrie
La HAS pointe en particulier de grandes tensions dans le champ de la psychiatrie et de la pédopsychiatrie, marqué par une dégradation de l’accès aux soins, due à un recul de l’offre et un manque de ressources humaines.
• Psychiatrie
- Entre fin 2008 et fin 2019, 81 départements ont connu une baisse de la densité de lits en psychiatrie générale.
- Au 31 décembre 2022, près d’un quart des établissements hospitaliers (24 %) ont été contraints de fermer de 10 % à 30 % de leur capacitaire alors qu’ils n’étaient que 5 % à enregistrer de telles fermetures capacitaires avant 2020.
- Le manque de personnel médical et/ou paramédical est identifié comme étant le facteur principal de 88 % des fermetures structurelles de lits en 2022.
- Entre un quart et trois quarts des postes de médecins sont vacants dans 40 % des établissements et 8 % des établissements déplorent la vacance de plus de la moitié de leurs postes de médecins. En 2023, 63 postes de médecins psychiatres n’ont pas été pourvus par l’ECN (sur 547), nombre doublé par rapport à 2022.
- 15 % de la population se situe à plus d’une heure d’un CMPP.
- Le délai moyen d’accès à l’ambulatoire est de 1 à 4 mois pour plus de la moitié des établissements (53 %) en ce qui concerne les soins en psychiatrie de l’adulte.
• Psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent
- 45 % des établissements décrivent des délais d’accès à l’ambulatoire compris entre 5 mois et plus d’un an. Le délai moyen d’accès à l’hospitalisation en psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent est compris entre 1 et 4 mois pour 20 % des établissements et 13 % des établissements déplorent des délais d’accès à l’hospitalisation de 5 mois à 1 an. La majorité des établissements (59 %) déplorent plusieurs années de délai, voire une dizaine d’années pour 3 % d’entre eux ; alors que les besoins ont augmenté depuis 20 ans, comme en atteste la progression de plus de 60 % du nombre de personnes suivies chaque année en psychiatrie infanto- juvénile, tous modes de prise en charge confondus (hospitalisation complète, hospitalisation partielle ou soins ambulatoires).
Au plus près des parcours de santé
Tout au long de cette analyse, la préoccupation de la HAS est de s’inscrire au plus près des parcours de santé, en intégrant l’ensemble des acteurs (usagers, professionnels des secteurs sanitaire, social et médico-social). Pour autant, l’approche reste encore très centrée sur les parcours de soins. La HAS invite à renforcer la vigilance sur une dimension plus intégrée de la santé, appréhendant de manière globale le parcours de vie des personnes. « Aussi, pour améliorer la qualité des parcours et disposer de plus d’indicateurs en soins primaires (actuellement trop peu dotés), il est impératif de développer l’appropriation des indicateurs de parcours existants et de développer d’autres indicateurs de qualité des parcours de santé, qui sachent également tenir compte d’autres facteurs déterminants pour s’inscrire dans une dynamique globale (environnement, situation sociale…) ».
• Consulter le rapport d’analyse prospective 2024 « Améliorer la qualité en santé », Haute Autorité de Santé, 7 octobre 2024.