Expertises psychiatriques « hors normes » : égalité requise entre psychiatres salariés et libéraux

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Alors que la démographie des experts psychiatres est catastrophique, le Conseil d’État annule un arrêté de 2021 qui autorisait les psychiatres libéraux, et non les salariés, à bénéficier d’une rémunération sur devis pour des expertises psychiatriques « hors normes » Le motif invoqué étant « une rupture d’égalité » par rapport aux autres psychiatres (collaborateurs occasionnels du service public majoritairement des praticiens hospitaliers).

Dans une décision du 9 septembre (JO du 12 septembre), le Conseil d’État a annulé — avec un différé de plusieurs mois — des dispositions réglementaires qui permettaient aux experts médecins psychiatres libéraux de bénéficier d’une rémunération sur devis pour des expertises « hors normes » (mission d’expertise « comportant des questions inhabituelles nécessitant des recherches spécifiques ou « ordonnée dans une procédure complexe ou s’inscrivant dans un contexte particulier« ). Ceci au motif d’une rupture d’égalité avec les psychiatres œuvrant comme collaborateurs occasionnels de service public (Cosp). En effet ces dispositions indiquaient que « les médecins experts psychiatres et les experts psychologues affiliés à un régime de travailleurs non salariés peuvent, par décision spécialement motivée de l’autorité requérante, être rémunérés sur présentation d’un devis » dans la limite d’un plafond de 750 euros hors taxe.

Rappelons que le Conseil d’État avait été saisi par le Dr Jean-François Paul, praticien hospitalier, expert près la cour d’appel de Paris et membre du bureau du Syndicat des psychiatres des hôpitaux (SPH). En réponse, dans sa décision en date du 9 septembre 2024, la haute instance estime que le Garde des sceaux « ne saurait utilement justifier cette différence de traitement en invoquant la possibilité dont disposent les praticiens hospitaliers, dans les limites et sous les conditions prévues par les dispositions du Code de la santé publique […], de réaliser des expertises dans le cadre d’une activité libérale » donnant lieu à affiliation au régime des professions libérales. Ceci « dès lors que ces dispositions, qui du reste ne s’appliquent pas aux médecins salariés des établissements privés de santé, ne font pas obstacle à ce que les praticiens hospitaliers réalisent des expertises en étant affiliés au régime général« . La haute instance estime donc qu’il y avait une inégalité par rapport aux autres psychiatres (les collaborateurs occasionnels du service public, ou Cosp, majoritairement des praticiens hospitaliers) qui n’ont pas cette possibilité.

Le syndicat des psychiatres hospitaliers se félicite de cette décision et réclame un nouvel arrêté

Cette annulation des dispositions jugées discriminatoires relatives à l’accès à la tarification sur devis des expertises dites « hors normes » découlant de l’arrêté du 7 septembre 2021, réjouit le syndicat des psychiatres hospitaliers (SPH) qui, par communiqué en date du 16 septembre publié sur X, rappelle que « 75% des médecins experts psychiatres exercent leur activité dans le cadre du statut du Cosp et une immense majorité d’entre eux sont des psychiatres hospitaliers« . Ainsi, le SPH, exige « la publication rapide d’un nouvel arrêté autorisant l’accès à la tarification sur devis des expertises dites hors normes avec une majoration du plafond » et demande à être « associé à sa rédaction« . Face à la démographie déclinante des psychiatres et des experts de justice, il réclame des mesures incitatives de la part du ministère de la justice « pour rendre la pratique expertale plus attractive« , cessant ainsi de mettre en difficulté les juridictions, ce qui constitue « une perte de chance pour les citoyens devant la justice.«  Le SPH demande a être reçu par la direction des services judiciaires du ministère de la justice « afin de présenter ses propositions pour l’amélioration de l’attractivité de l’expertise psychiatrique. »

Base de jurisprudence – Conseil d’État 460057, lecture du 9 septembre 2024,Décision n° 460057.
• Arrêté du 7 septembre 2021 portant modification de l’article A. 43-6-1 du code de procédure pénale, JORF n°0209 du 8 septembre 2021, Texte n° 11.