Travailler avec son propre matériel ?

N° 289 - Juin 2024
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Un soignant peut, soit pour convenance personnelle soit à la demande de son employeur, utiliser ses véhicule ou téléphone personnels dans l’exercice de ses fonctions. Quel cadre juridique ?

L’utilisation des outils personnels au travail s’est développée ces dernières années, notamment durant la période du covid : on parle de « Bring Your Own Device » (BYOD) (ou « Apportez Votre équipement personnel de Communication », AVEC). En psychiatrie, l’accroissement de l’activité ambulatoire conduit par ailleurs les professionnels à emprunter de plus en plus leur véhicule personnel. Toutes ces pratiques posent questions sur leur cadre juridique et les obligations respectives de l’hôpital et de l’agent.

les Véhicules personnels

L’employeur peut-il obliger un salarié à utiliser sa propre voiture ?

À titre liminaire, précisons que nous considérons ici l’usage du véhicule personnel pour les déplacements professionnels, et non pour les trajets quotidiens entre le domicile et le lieu de travail.

Tout ce qui concerne l’organisation du travail (mise à disposition d’un véhicule, d’un téléphone portable, d’un ordinateur portable…) doit être abordé lors de l’embauche. L’employeur est tenu de définir les moyens nécessaires à l’exercice professionnel au sein de l’hôpital. En pratique, cela signifie que le contrat de travail doit prévoir, si besoin, l’utilisation du véhicule personnel pour des déplacements professionnels. Faute de quoi, l’employeur n’a pas le droit de contraindre un agent à utiliser son propre véhicule.

Et si le professionnel souhaite utiliser sa voiture (son vélo, sa moto…) ?

Un professionnel peut, dans l’exercice de ses fonctions, préférer utiliser son véhicule personnel, par commodité, pour son confort… mais il doit pour cela obtenir l’accord préalable de l’employeur (1) .

Quels usages et précautions ?

L’usage d’un véhicule personnel n’est pas neutre : il peut engendrer des frais supplémentaires pour le professionnel (essence mais aussi usure du véhicule par ex). Il faut :

– Être assuré. Il est impératif de vérifier les termes du contrat d’assurance dans le cadre d’un usage professionnel du véhicule personnel. En cas de sinistre, à défaut d’avoir souscrit une garantie spécifique inhérente à cet usage, l’assureur peut refuser l’indemnisation.

Le professionnel doit donc faire le point avec son assureur, étant précisé que l’employeur peut prendre en charge le surcoût lié au cadre professionnel. En général, l’hôpital a souscrit une extension de garantie spécifique, qui couvre l’ensemble de ses agents dans leurs déplacements.

– Disposer d’un ordre de mission. Tout déplacement professionnel implique une trace écrite : « Est en mission l’agent qui se déplace, pour l’exécution du service, hors de sa résidence administrative et hors de sa résidence familiale. L’agent envoyé en mission doit être muni, au préalable, d’un ordre de mission signé par le ministre, le chef de l’établissement dont il relève ou par un fonctionnaire ayant reçu délégation à cet effet. (…) »  (2)

Le défaut de cette formalisation peut avoir des conséquences en cas de d’accident. Le professionnel doit veiller au respect de ce cadre dans ses déplacements et notamment ne pas s’écarter de son trajet pour des motifs personnels. Par exemple, en cas de problèmes lors d’un détour pour un achat personnel, la qualification « d’accident du trajet » ne sera pas retenue. Cette reconnaissance a une incidence financière. En effet, dans le cas où un accident du trajet est reconnu comme accident de travail, le salarié bénéficie notamment de la prise en charge à 100 % de ses frais médicaux (dans la limite des tarifs de base de l’Assurance maladie), et de la dispense d’avance des frais.

Le téléphone personnel

Ce cadre global s’applique à l’usage de téléphone portable : l’employeur ne peut imposer à un agent d’utiliser son appareil dans le cadre de ses fonctions, sauf s’il l’a précisé en amont. Comme a pu le souligner la Commission nationale de l’informatique et des libertés (Cnil), « la possibilité d’utiliser des outils personnels relève avant tout d’un choix de l’employeur qui peut tout aussi bien l’autoriser sous conditions, ou l’interdire. » (3) .

La sécurisation des données à charge de l’employeur

Dès lors que l’agent accepte d’utiliser son téléphone à des fins professionnelles, l’employeur peut s’exposer à des problématiques de sécurisation des données (3, 4). Si des données sont stockées, l’hôpital est responsable de celles qui sont liées à son activité. Des risques existent donc en termes de sécurité mais aussi de confidentialité, en cas de prêt du téléphone, de perte ou de vol, de vente ou de réparation de l’appareil.

Pour l’employeur, la Cnil préconise ainsi, d’une part, d’identifier les risques, en tenant compte des spécificités du contexte (quels équipements, quelles applications, quelles données ?…), et les estimer en termes de gravité et de vraisemblance ; d’autre part, de déterminer les mesures à mettre en œuvre et les formaliser dans une politique de sécurité.

Du côté du soignant

Pour limiter les risques, le téléphone portable personnel doit bien sûr être réservé aux appels de service ou d’urgence. Les soignants doivent rester attentifs à la législation en vigueur en matière de respect de la vie privée, comme du secret professionnel et médical.

Valériane Dujardin-Lascaux
Juriste, EPSM des Flandres.

1– Décret n° 92-566 du 25 juin 1992 fixant les conditions et les modalités de règlement des frais occasionnés par les déplacements des fonctionnaires et agents relevant de la FPH sur le territoire métropolitain de la France, Article 29.
2– Décret n° 92-566 du 25 juin 1992, Article 7.
3– Site Internet de la Cnil : « BYOD : quelles sont les bonnes pratiques ? » , mars 2019.
4–  Loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés dite « Loi Informatique et Libertés » – Article 34.