Quatre lauréats pour le grand prix Albatros 2024 en addictologie

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Lors du 18e Congrès international d’addictologie de l’Albatros dont la thématique était « Prévenir et guérir : faut-il choisir ? L’enjeu des addiction demain », quatre « grands prix Albatros » ont été attribués. Présentation des lauréats et de leur recherche.

Nicolas Cabé – Maître de conférences – Praticien hospitalier (MCU-PH), CHU et Université Caen Normandie – pour le Prix Addictions France « Prévention RdRD » avec le soutien institutionnel d’Addictions France
Sa recherche questionne la place de l’alcool en festival : Le « nolo » – no alcohol, low alcohol – comme stratégie de prévention en milieu festif, l’expérience du festival Facettes.

Facettes (3e édition en 2024) est le premier festival conçu par et pour les jeunes afin de favoriser la promotion de la santé mentale (déstigmatisation et auto-déstigmatisation, éducation à la santé mentale et prévention : repérage précoce et compétences psychosociales). Il propose ateliers, témoignages, forums, jeux, concerts et spectacles, proposés et coconstruits par (jeunes, aidants et professionnels) afin de permettre des rencontres entre pairs et acteurs de la santé mentale, (ré)interroger sa compréhension de la santé mentale et déconstruire ses croyances, explorer les clés d’une bonne santé mentale, et prendre part au mouvement de déstigmatisation. L’alcool participe significativement à l’imaginaire et au modèle économique des festivals. Facettes a adopté une démarche « nolo » (no alcohol, low alcohol), soutenue par la MILDECA, qui vise à interroger le sens des consommations, dans une approche non-jugeante et crédible, d’information/prévention et de réduction des risques et des dommages, sans interdire ou stigmatiser les consommations. Facette déploie un fort enrichissement de l’offre de boissons sans alcool, à prix accessible, et l’ouverture d’une buvette dédiée « nolo », d’ateliers et témoignages autour des consommations, d’un « chill space » (lieu de calme), et de kits « nolo ». 2 jours, 110 ateliers, 200 bénévoles et intervenants, 3500 participants, 200 kits distribués. La dimension « nolo » a été très bien accueillie, 48% des participants ont considéré que leur regard sur leurs consommations avait changé. La buvette « nolo » a été identifiée comme innovante, tolérante et positive, source de déstigmatisation et d’affirmation de soi. 51% des boissons vendues étaient sans alcool (très supérieur aux évènements similaires).

Laurine Odin – psychiatre, centre hospitalier universitaire psychiatrie au CHU de Saint-Etienne – pour le prix Addict’AIDE « Digital & Addiction » en hommage au Pr Michel Reynaud , avec le soutien institutionnel du Groupe VYV et Addict’Aide.
Sa recherche s’intitule ReVBED : Validation pré-thérapeutique d’un programme d’induction du craving alimentaire en réalité virtuelle.

Le craving alimentaire est un élément central dans la prise en charge des patients atteints de boulimie et d’hyperphagie boulimique. Les applications de Réalité Virtuelle (RV), offrant des expériences personnalisées et écologiques, ont montré des résultats prometteurs dans la thérapie d’induction du craving alimentaire. Cependant, les études précédentes se sont concentrées sur des stimuli d’induction simple visuels, et n’ont techniquement pas utilisé d’environnement immersif. C’est pourquoi nous avons développé ReVBED, un environnement virtuel d’exposition scénarisé semi-guidé, utilisant des stimuli multimodaux(environnementaux, alimentaire et émotionnels). Notre objectif principal était d’évaluer l’efficacité de ReVBED dans l’induction du craving alimentaire chez les patients atteints boulimie et d’hyperphagie par rapport à des témoins, et secondairement d’explorer les associations entre le craving/anxiété et les facteurs psychologiques, connus pour influencer le craving, et enfin d’évaluer l’acceptabilité et la tolérance de l’environnement ReVBED.
– Nous avons donc inclus 30 patientes et 30 sujets témoins. Les participants ont rempli des questionnaires sociodémographiques, cliniques et psychométriques. ReVBED a été diffusé avec un casque de réalité virtuelle immersif. L’environnement virtuel était conçu comme un appartement avec quatre salles distinctes connectées par un hall central, incluant des stimuli environnementaux, alimentaires et émotionnels. Le craving alimentaire et l’anxiété ont été évaluées à l’aide d’échelles numériques avant et après chaque salle. Deux questionnaires ont été distribués après l’expérience en RV pour évaluer la tolérance et l’acceptabilité.
– Nous avons observé une interaction significative de l’effet combiné du panel (patient vs témoin) et l’environnement (F = 8,65, p<0,001, ηp2 =0,14) pour les scores de cravingalimentaire et d’anxiété. Les corrélations ont révélé des associations entre les scores de craving et les facteurs des questionnaires psychométriques pour l’ensemble du panel. Bien que les symptômes de cybersickness en RV soient plus prononcés chez les patients, ReVBED a été considéré comme acceptable selon les questionnaires d’évaluation qualitative.
– ReVBED a démontré sa capacité à induire du craving alimentaire significative chez les patients atteints de boulimie et de trouble d’hyperphagie. Il met en évidence la relation entre le craving, l’anxiété et les facteurs psychologiques. Les interventions basées sur la RV semblent prometteuses comme thérapies adjointes pour les troubles alimentaires, offrant des expériences immersives et personnalisées pour l’induction des envies et l’exploration thérapeutique. ReVBED est un travail préliminaire dans le cadre de thérapie d’induction avec biofeedback afin d’améliorer la prise en charge des troubles du comportement alimentaire.

Fahd François Hilal – étudiant doctorant au GRAP INSERM UMR1247 Université de Picardie Jules Verne (UPJV) pour le prix
« Recherche originale en alcoologie » avec le soutien institutionnel de Lundbeck.
Projet translationnel ADELY « Efficacité préclinique de l’acide lysergique diéthylamide dans le traitement de l’addiction à l’alcool, implication du noyau accumbens ».

Cette dernière décennie, l’intérêt renouvelé pour les substances psychédéliques a ouvert de nouvelles perspectives
thérapeutiques dans le domaine des pathologies psychiatriques. Dans le champ des addictions ces composés psychotropes hallucinogènes sont administrés en complément de différents programmes de psychothérapie afin de faciliter l’arrêt de la consommation d’alcool et de promouvoir l’abstinence. Parmi ces substances, l’acide lysergique diéthylamide (LSD), un agoniste partiel des récepteurs 5HT2A présente un intérêt thérapeutique particulier dans le traitement de l’addiction à l’alcool. Nos objectifs étaient de démontrer : 1/l’efficacité du LSD à réduire la consommation d’alcool, la recherche d’alcool (réponses comportementales en situation où l’alcool est indisponible) et la rechute et 2/l’effet du LSD sur l’excitabilité des neurones du core du noyau accumbens (NAc) qui jouent un rôle crucial dans la sensibilité à l’alcool et à la motivation à consommer.Dans un modèle animal de consommation opérante d’alcool chez le rat Long Evans, nous avons étudié l’effet du LSD (intrapéritonéal ou intra-NAc) sur différents critères comportementaux de l’addiction et les modifications d’excitabilité avec la technique de Patch-Clamp ex vivo. Nos résultats révèlent une diminution significative et dose-dépendante de la consommation d’alcool avec des doses de 300 et 500 µg/kg (i.p.). Le LSD (500 µg/kg, i.p.) est efficace pour réduire les niveaux de rechute et la recherche d’alcool après une période abstinence. L’injection intra-NAc de LSD chez des rats vigiles induit une réduction de la consommation d’alcool, avec une action dépendante de la latéralisation hémisphérique. Nos résultats montrent aussi une augmentation de l’excitabilité dans le NAc, 4 heures après injection intrapéritonéale de LSD.En conclusion, nos résultats sont très originaux car ils démontrent que l’efficacité du LSD dans l’addiction à l’alcool serait relayée par un changement d’excitabilité neuronale spécifiquement dans le NAc. Nous comparons actuellement les effets du LSD à ceux des autres psychédéliques classiques et non-classiques.

Julia de Ternay – Cheffe de clinique en psychiatrie-addictologie au Service Universitaire d’Addictologie de Lyon (SUAL), HCL- pour le Prix AJPJA-AFFEP « Spécial Addictologie Junior » en partenariat avec l’AJPJA et l’AFFEP
« Étude PURPLE : Prévalence de l’Usage problématique des Réseaux sociaux en Population généraLE »

Les réseaux sociaux (RS) sont devenus omniprésents dans la vie quotidienne. Bien qu’ils offrent des avantages indéniables, ils sont aussi source d’inquiétudes pour la santé mentale et le bien-être. L’étude PURPLE vise à déterminer la prévalence de l’usage problématique des RS en France et à comprendre l’impact des différents types d’usage sur la santé psychique. De septembre à novembre 2024, nous diffuserons un auto-questionnaire en ligne via les principaux réseaux sociaux en France -Tiktok, Instagram, You- tube, Facebook, X et Snapchat- auprès de la population française âgée de 12 ans et plus, avec l’objectif d’obtenir un échantillon d’au moins mille participants. Le questionnaire comportera cinq sections évaluant le risque d’usage problématique, les motivations d’usage, la santé mentale, les stratégies d’auto-régulation et les caractéristiques socio-économiques des participants. Nous évaluerons le taux d’usage problématique à partir des réponses à la première section, puis réaliserons une analyse en clusters pour différencier les profils d’usage des RS et les mettre en lien avec les paramètres de santé mentale et de bien-être. Enfin, nous décrirons les types de stratégies mises en œuvre par les usagers pour réguler l’usage des RS, pour eux-mêmes ainsi que dans leur foyer. Nous souhaitons déterminer la prévalence de la population française concernée par l’usage problématique des RS et définir des facteurs de risque et des niveaux de sévérité de ce type d’usage, en particulier au regard des liens avec la santé mentale et le bien-être. En collaboration avec les principales institutions impliquées sur le sujet, comme Santé publique France et la MILDECA, nos résultats pourraient permettre de formuler des recommandations de prévention pour promouvoir un usage sain des RS chez les adolescents et les adultes.`