Du 15 au 17 mai le 2e Sommet mondial de la Psychiatrie de Précision a réuni sous la houlette de la Fondation FondaMental *, les plus grands experts et l’ensemble des acteurs concernés. Aujourd’hui, le principal défi des maladies mentales réside dans leur diagnostic et leur traitement insuffisamment précis. Une approche plus personnalisée est nécessaire, reposant sur la prise en compte des mécanismes biologiques sous-jacents et de leur évolution au cours du temps.Synthèse.
Des bases solides pour la psychiatrie de précision
Les maladies du cerveau, psychiatriques et neurologiques, sont complexes, résultant d’interactions entre facteurs génétiques et environnementales. Cette complexité se traduit par une grande hétérogénéité clinique et étiologique entre les patients pourtant atteints d’une même catégorie diagnostique (dépressions, schizophrénies…), rendant difficile le développement d’innovations thérapeutiques précises. “Pour relever ces défis”, déclare Marion Leboyer, directrice générale de la Fondation FondaMental, “une approche plus personnalisée est nécessaire, reposant sur la prise en compte des mécanismes biologiques sous-jacents et de leur évolution au cours du temps”.
“Cela implique de rassembler et d’analyser de grandes quantités de données cliniques, biologiques, digitales et environnementales,” affirme Andrew Miller, professeur de psychiatrie à l’université d’Emory (USA), “mais aussi de repenser les essais cliniques en testant l’efficacité de stratégies thérapeutiques ciblant des mécanismes biologiques précis et proposées à des groupes homogènes de patients identifiés grâce à des marqueurs biologiques sanguins, cérébraux ou digitaux”.
Un traitement personnalisé pour chaque patient grâce aux progrès de la recherche
Les avancées récentes dans les domaines de l’imagerie cérébrale, de la génomique, de la métabolomique (1), de la caractérisation digitale ont en effet permis d’identifier plusieurs mécanismes neurobiologiques sous-jacents aux troubles psychiatriques. Lors de cette conférence, Martien Kas, président de l’ECNP et professeur à l’université de Groningen, a par exemple mis en évidence « le retrait social » comme étant un domaine commun à plusieurs maladies telles que les dépressions, les schizophrénies et la maladie d’Alzheimer, et sous tendus par des mécanismes biologiques précis. Selon lui, « cette nouvelle approche transversale aura un impact significatif sur le diagnostic et le traitement des maladies du cerveau, et doit nous amener à repenser les catégories diagnostiques existantes. »
Brenda Penninx, vice-présidente du département de psychiatrie de l’université d’Amsterdam, a présenté des avancées majeures dans l’identification et le traitement de dysfonctionnements des systèmes immunitaire et métabolique associés à des troubles psychiatriques. Elle souligne « l’importance d’une prise en charge précoce et efficace des comorbidités somatiques pour améliorer le pronostic et la qualité de vie des patients ».
Ensemble, vers une psychiatrie de précision à l’échelle internationale
Soulignons la présence de scientifiques américains, dont le nouveau président du DSM-6 (Manuel diagnostique et statistique des maladies mentales) Nitin Gotlay. Lors de ce sommet, Bruce Cuthbert, le directeur du RDoC (Research Domain Criteria), a rappelé que « les systèmes diagnostiques évoluent vers la psychiatrie de précision, en confrontant les défis inhérents à l’évaluation de toute thérapeutique et en ouvrant la voie vers des interventions plus précises et personnalisées. »
Le sommet a également été marqué par la présence de plusieurs personnalités de la Commission européenne, dont Andrzej Rys, conseiller scientifique principal de la DG SANTE, et Florence Butlen-Ducuing de l’Agence Européenne des médicaments (EMA), mettant en lumière l’importance croissante accordée à la santé mentale au niveau européen. S’inscrivant dans le cadre du programme « Une approche globale de la santé mentale » lancé l’année dernière par la Commission européenne, ce sommet ouvre la voie à des approches novatrices en matière de recherche et de réglementation dans le domaine de la psychiatrie.
Aujourd’hui, le principal défi des maladies mentales réside dans leur diagnostic et leur traitement insuffisamment précis,malgré leur impact économique colossal (4 % du PIB) et leur incidence majeure sur la qualité de vie des patients. A l’image des avancées réalisées par la médecine de précision ces dernières années dans le domaine des maladies cardiovasculaires et du cancer, la recherche de marqueurs objectifs des diagnostics et le développement de stratégies thérapeutiques ciblées offrent un espoir concret pour près de 800 millions de personnes vivant avec un trouble psychiatrique dans le monde (soit un peu plus de 10 % de la population mondiale, selon l’OCDE) et pour leurs proches.
A propos de la Fondation FondaMental :
La Fondation FondaMental est une fondation de coopération scientifique dédiée à l’amélioration du diagnostic, de la compréhension et du traitement des maladies mentales. Elle allie soins et recherche de pointe pour promouvoir une prise en charge personnalisée et multidisciplinaire des patients et pour soutenir la recherche et l’innovation dans l’amélioration des stratégies diagnostiques et thérapeutiques des maladies mentales. Elle peut recevoir des dons et des legs.
A propos du PEPR PROPSY :
Le Projet-Programme en Psychiatrie de Précision, sélectionné en 2022 dans le cadre des appels d’offre de France 2030 est porté par l’Inserm et le CNRS, et dirigé par le Pr Marion Leboyer. Il a comme objectif de déployer la psychiatrie de précision pour les troubles de l’humeur, les troubles psychotiques et les troubles du spectre de l’autisme. Ses principaux défis sont de découvrir des biomarqueurs pronostiques et de stratification grâce à la construction d’une très grande cohorte de 10 000 patients évalués de manière exhaustive, de mieux comprendre les mécanismes biologiques sous-jacents, de développer des stratégies thérapeutiques ciblées, de créer une nouvelle filière biomédicale de la santé mentale et des maladies psychiatriques et de déployer des actions de formation et d’information afin de sensibiliser la société́ civile et d’augmenter l’attractivité de la discipline.
* en collaboration avec le PEPR PROPSY (Programme-Projet en Psychiatrie de Précision, France 2030) et l’ECNP (European College of Neuropsychopharmacology),
(1) La métabolomique est l’étude de l’ensemble des métabolites (petites molécules) présents dans un organite, une cellule, un tissu, un organe ou un organisme à un temps donné et dans des conditions donnée.
Communiqué de presse, 17 mai 2024.