Le texte de loi sur la fin de vie a été profondément modifié par la Commission spéciale de l’Assemblée nationale, en particulier sur les conditions d’accès à l’aide à mourir. Les termes de pronostic vital engagé à « court ou moyen terme » ont été remplacés par affection grave et incurable « en phase avancée ou terminale ». Cette nouvelle version provoque un tollé chez les organisations soignantes.
La Commission spéciale de l’Assemblée nationale pour l’examen du projet de loi relatif à l’accompagnement des malades et de la fin de vie a terminé son examen, et adopté une nouvelle version du texte, qui sera discutée à partir du 27 mai par les chambres parlementaires. 141 amendements ont modifié substantiellement le projet du Gouvernement, qui passe à 32 articles (contre 21).
La première partie du texte concerne les soins palliatifs. Plusieurs propositions visent à renforcer l’accès à ces soins et créent « un droit opposable ». Le droit de bénéficier de soins palliatifs est ainsi garanti à toute personne dont l’état de santé le requiert. Les agences régionales de santé sont chargées de garantir l’effectivité de ce droit.
Dans la deuxième partie, le Gouvernement introduit une « aide à mourir », encadrée par de stricts critères d’accès. Les députés opèrent un changement de paradigme sur l’acte en lui-même. Leur texte ouvre le droit à chaque patient de choisir s’il veut bénéficier d’une assistance au suicide ou de la réalisation d’un acte par un tiers, peu importe sa pathologie ou son état physique. Par ailleurs, le critère du « pronostic vital engagé à court ou moyen terme » est remplacé par une affection « en phase avancée ou terminale ». Cette modification élargit considérablement la liste des personnes qui pourraient être éligibles.
L’examen du texte par les deux assemblées est prévu à partir du 27 mai.
Tollé chez les associations soignantes
Cette version du texte a vivement fait réagir les associations soignantes, et notamment la Société française d’accompagnement et soins palliatifs (SFAP) : « En moins de cinq jours, les députés de la commission spéciale ont davantage élargi l’accès à la mort provoquée que ne l’ont fait les deux pays les plus permissifs sur l’aide à mourir, la Belgique en 22 ans et le Canada en 8 ans, outrepassant même les recommandations du CCNE ou de la Convention citoyenne. » Outre qu’ils ouvrent « le choix entre “euthanasie” et ”suicide assisté” », il font de l’euthanasie un soin, à rebours de ce que rappellent les soignants depuis des mois. Les professionnels dénoncent encore le fait que « plusieurs points de vigilance (…) ont été ignorés par les députés de la commission spéciale, avec le soutien du Gouvernement, », citant notamment :
« – Le geste létal pourra être pratiqué par toute “personne volontaire” y compris au sein de la famille, ce qu’aucune législation au monde ne permet ;
– La formation et l’accompagnement des soignants et des proches pratiquant l’acte létal ne sont pas prévus ;
– L’administration de la substance mortelle pourra se pratiquer n’importe où, sans encadrement, ce qu’aucun pays n’a permis ;
– Les établissements de santé ou médico-sociaux seront tenus de permettre la pratique de l’acte létal dans leurs murs ; les pharmaciens ne pourront opposer d’objection de conscience. »
« Ce projet de loi constitue un point de rupture majeur », concluent les organisations, qui espèrent que les parlementaires, dans l’examen de ce projet, reviendront sur « des dispositions qui feraient porter de lourdes menaces sur les malades, les personnes en situation de handicap et les personnes âgées et constitueraient un bouleversement majeur de la société française. »
• Le dossier législatif, comportant notamment les auditions réalisées par la commission spéciale (accessibles en vidéo) et le texte comparatif entre la version initiale du Gouvernement et celle des députés, est en ligne sur le site de l’Assemblée nationale.
• Projet de loi sur la fin de vie : la boîte de Pandore est ouverte. Communiqué commun de 12 organisations soignantes, 20 mai, disponible sur le site de SFSP
• Et aussi : comprendre la procédure législative sur le site de Vie publique.